Résumé
Tengo, trentenaire célibataire enseignant les mathématiques à temps partiel à l'université, aspire à devenir écrivain. Sa vie se trouve bouleversée le jour où il accepte de récrire le roman d'une jeune autrice de 17 ans pour le moins atypique, en lice pour le prix des nouveaux auteurs. Cette décision fait de lui une des pièces d'un engrenage qui, une fois enclenché, ne pourra plus être arrêté, pour le meilleur et pour le pire. Aomamé, elle, est une jeune femme solitaire occupant ses heures perdues en tuant des hommes violents et pervers pour le compte d'une vieille femme fortunée. En remarquant certains détails discordants dans son environnement et en apprenant l'existence de certains événements majeurs ayant secoué le Japon au tournant des années 80, événements dont elle n'avait jamais entendu parler jusque-là, mais que tout le monde semble connaître, elle se rend compte que la réalité dans laquelle elle évolue ne semble plus être la même que celle à laquelle elle a toujours été habituée. Serait-il possible qu'elle ait été transportée dans un monde parallèle, une année-miroir de l'année 1984, nommée 1Q84 ?
À mesure que les semaines se succèderont et que le printemps laissera place à l'été, les interrogations de nos deux personnages principaux se réduiront petit à petit à ces deux seules questions : Que cache la mystérieuse secte des Précurseurs qui, de ses montagnes, a un impact si important sur la vie de deux jeunes Tokyoïtes ? Et qui sont les Little People, responsables de tout ce BINZZZ ?
Critique
La critique mise en avant par l'éditeur sur la quatrième de couverture est celle d'
Adrien Gombeaud, parue dans Les Échos, et va comme suit : « Magistral. (…) Un drôle de livre d'anticipation qui se déroule dans le passé, un roman d'amour mélancolique, un suspense accrocheur, un conte moderne envoûtant…». Selon moi, s'il y a bien quelque chose qui manque à ce livre, c'est justement de la magie, un peu de fantaisie. Cela autant dans le fond que dans la forme. Pourtant, plusieurs événements surnaturels émaillent le récit : Aomamé va notamment vivre ce qui a tout l'air d'être un saut entre deux univers parallèles. Cependant, ces événements, bien que centraux dans l'histoire (le livre s'appelle tout de même 1Q84, du nom de l'année-miroir de 1984), ne sont pas traités comme s'ils étaient si importants que ça, influençant la destinée des personnages, oui, mais pas leur quotidien, puisqu'après avoir vécu quelque chose d'extraordinaire, ils poursuivent leur existence de manière quasi-normale. Cela a pour effet de faire passer la dimension fantastique de l'histoire au second plan. À peine nous sommes-nous imprégnés d'une certaine atmosphère fantastique et dramatique que Murakami nous replonge dans le rythme lent d'une intrigue qui paraît bien banale comparée aux révélations qui viennent de nous être faites ou aux événements que nous venons de vivre.
Le style de l'auteur a aussi, sans aucun doute, sa part de responsabilité dans mon sentiment que ce livre manque d'une certaine fantaisie. C'est un style très fonctionnel, méthodique et académique. On a l'impression que l'auteur ne voulait surtout pas que le lecteur ait le moindre doute ou la moindre incompréhension en lisant son récit. Alors, certes, l'histoire est limpide, mais sa lecture n'éveille pas beaucoup d'images fortes. le fond est privilégié au détriment de la forme.
L'impression de rigidité que donne le texte est aussi due aux nombreuses répétitions et reformulations que l'on retrouve autant dans les scènes de dialogue que dans les scènes descriptives. Encore une fois, on dirait que Murakami a peur que l'on oublie certains détails ou que l'on ne comprenne pas tout. Les expressions « en somme », « autrement dit » et « vous comprenez ce que je veux dire? » deviennent parfois envahissantes. Certains personnages les utilisent d'ailleurs à tour de bras, comme s'ils avaient constamment besoin de vérifier qu'ils saisissaient parfaitement bien ce que leur interlocuteur leur apprenait. Cela, ainsi que les constructions de phrases parfois trop recherchées, font en sorte que l'on a parfois l'impression que certains personnages s'expriment d'une manière très peu naturelle, qu'ils sonnent faux. Il y a des redites dans les dialogues, donc, mais aussi à l'intérieur de mêmes paragraphes ou encore entre deux chapitres, ce qui alourdit inutilement un récit déjà bien fourni.
Pour revenir à la critique de Gombeaud, si vous pensez trouver en 1Q84 un roman d'amour mélancolique, vous allez être déçus. Je ne pense pas que ce livre soit, en tout ou en partie, un roman d'amour, la thématique de l'amour y occupant une place selon moi très secondaire et ne faisant vraiment son apparition que dans la deuxième moitié du roman.
Si vous cherchez un livre au suspense insoutenable, là encore, passez votre chemin. Même « accrocheur » est un terme probablement trop fort. L'intrigue est intéressante, mais pas non plus du genre à nous tenir éveillés toute la nuit. Je n'ai pas ressenti le désir intense de savoir comment toute l'histoire se terminerait. L'intrigue se développe assez lentement, chaque chapitre n'apporte pas beaucoup de nouveaux éléments faisant avancer l'histoire, l'auteur se répète entre les chapitres, on fait de fréquents voyages dans le passé des deux personnages principaux, tout cela ayant pour résultats que le rythme du récit est lent et qu'on a, à l'occasion, l'impression que ça piétine.
Finalement, je me suis principalement attardé sur ses points négatifs, mais 1Q84 reste tout de même un bon livre. L'histoire est de plus en plus intéressante à mesure que l'on progresse dans le roman et, si l'on a réussi à s'adapter à son rythme, on voudra sans doute lire le tome 2. Les personnages sont bien caractérisés, les décors bien campés; c'est une oeuvre maîtrisée, somme toute, mais qui pêche quelque peu par son style d'écriture et son rythme, qui manquent respectivement de fantaisie et de tonus.
Je donne donc la note de 3,74 sur 5. 3,75 c'est clairement trop, faut pas déconner, et je ne vais pas donner 3,73 non plus, on est pas des bêtes.