Citations sur 1Q84, tome 3 : Octobre-Décembre (233)
"Voilà ce que vivre signifie", comprit Aomamé en un éclair. L'espoir est le combustible que les hommes brûlent pour pouvoir vivre. Impossible de vivre sans espoir. Mais c'est comme une pièce qu'on jette en l'air. Pile ? Face ? On le saura quand elle sera retombée, pas avant. Ses pensées angoissantes lui broyaient le cœur, si fort qu'elle sentait tous ses os crier.
Son père n'avait que soixante-quatre ans, mais il paraissait beaucoup plus vieux. Comme si, par inadvertance, quelqu'un avait déroulé jusqu'au bout le fil de sa vie.
Et les odeurs de cet après-midi de début d'hiver stimulaient hardiment ses narines. Comme si ce qui recouvrait ces odeurs avait été arraché. Des odeurs réelles. Les fidèles odeurs d'une saison particulière. L'odeur de l'éponge du tableau noir, celle du détergent utilisé pour le ménage, celle des feuilles mortes qu'on brûlait dans un coin de la cour, elles s'étaient toutes intimement mêlées. Quand il respirait à fond ces senteurs, il avait la sensation qu'elles s'amplifiaient et l'atteignaient au plus profond de lui.
Les plaisirs se ressemblent tous; les douleurs sont douloureuses chacune à leur façon.
"Dès que l'espérance se lève, le coeur se met en mouvement. Et quand les espoirs ont été trahis, vient le découragement. Le découragement appelle l'impuissance. On baisse sa garde par impuissance."
"Connaissez-vous l'histoire du dernier test que devaient subir les candidats qui voulaient être chargés des interrogatoires dans la police secrète de Staline ?
- Non.
Le candidat était introduit dans une pièce carrée. À l'intérieur se trouvait une petite chaise en bois, toute simple. Rien d'autre. Et le gradé ordonnait : "Arrange-toi pour que cette chaise te fasse des aveux. Après, tu en rédigeras le procès-verbal. Tu ne bougeras pas d'ici avant." Voilà.
En réalité, le temps n’est pas rectiligne. Il n’a même aucune forme. C’est quelque chose qui, dans tous les sens du terme, ne possède pas de forme. Mais comme nous ne sommes pas capables de concevoir des choses qui n’ont pas de forme, nous le figurons sous l’apparence d’une ligne droite, par commodité. Pour l’instant, la possibilité d’opérer cette substitution conceptuelle est propre aux hommes.
Aomamé avait envie de pleurer. Mais ces larmes ne coulaient pas. Elle s'allongea de nouveau sur le côté dans le lit, posa ses paumes sur son ventre, et attendit calmement que le sommeil la visite.
"Voilà ce que vivre signifie", comprit Aomamé en un éclair. L'espoir est le combustible que les hommes brûlent pour pouvoir vivre. Impossible de vivre sans espoir. Mais c'est comme une pièce qu'on jette en l'air. Pile ? Face ? On le saura quand elle sera retombée, pas avant. Ses pensées angoissantes lui broyaient le coeur, si fort qu'elle sentait tous ses os crier.
S'il avait dû se faire que leur rencontre n'ait lieu que vingt ans plus tard, il aurait éprouvé pour Aomamé le même sentiment qu'aujourd'hui. Tengo le savait. S'ils avaient eu cinquante ans, il aurait ressenti les mêmes tressaillements violents, la même confusion. La même joie, la même certitude.