Haruki Murakami m'apparaît tel un maître du roman d'apprentissage, du roman d'initiation, de la description en mots du passage vers l'âge adulte. Combien de ses écrits impliquent de jeunes hommes proches de ce tournant? Je ne sais trop, mais à chaque fois que je me replonge dans son univers, je sens la fibre de cet adolescent qui se cherche, qui cherche le monde, qui veut contrôler l'univers et peut-être aussi un peu sa vie. Je lis Murakami et, par je ne sais quelle faille dans l'espace-temps, j'ai seize ans, j'accompagne Watanabe dans ses découvertes, dans ses déboires amoureux, dans cette prise de conscience de la vie, dans ses espoirs et, encore, tout est possible.
C'est donc ce Watanabe que l'on épie, que l'on suit, qu'on lit, car c'est lui qui, plusieurs années plus tard, est le narrateur. L'image du monde passe par sa perception. On y verra sa vie dans un foyer pour jeunes étudiants, sa relation trouble avec Naoko qui, comme lui, a perdu un ami cher lors de son suicide. On lira sa liaison avec l'intrigante Midori, ses visites de son amie dans un centre de soins alternatifs, ses bouleversements internes, ses amours et ses démons.
Tout cela est traduit dans une langue à la fois simple et poétique. La mélancolie qu'on peut y trouver est enveloppée d'une douce musique comme à chaque fois dans les oeuvres de Murakami. Si c'est Norwegian Wood des Beatles (même interprété de manière sirupeuse par un orchestre quelconque) qui déclenche d'une certaine façon le flot de souvenirs de Watanabe, la fin des années soixante qui est le cadre de cette ballade est plongée dans une somme importante de souvenirs musicaux.
Pour illustrer mes dires, voici une liste non exhaustive des musiques croisées dans cette douce lecture japonaise :
un air de Billy Joel;
Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band des Beatles;
Waltz for Debby de Bill Evans;
Spinning Wheel des Blood, Sweat and Tears;
White Room de Cream;
Scarborough Fair de Simon et Garfunkel;
Here Comes the Sun des Beatles;
Deuxième Concerto pour piano de Brahms;
Desafinado et La Fille d'Ipanema de Jobim;
quelques morceaux de Bacharach et de Lennon-McCartney;
un disque de Tony Bennett;
Jumping Jack Flash des Rolling Stones;
People are Strange des Doors et Jim Morrisson;
Honeysuckle Rose par Thelonious Monk;
des disques d'Ornette Coleman et de Bud Powell;
un vieux disque de
Miles Davis;
Kind of Blue de
Miles Davis;
Up on the Roof des Drifters;
Michelle des Beatles;
une fugue de Bach;
Dear Heart de Henri Mancini;
Penny Lane, Blackbird, Julia, When I'm Sixty-Four, Nowhere Man, And I Love Her et Hey Jude des Beatles;
une adaptation pour la guitare de Pavane pour une infante défunte de Ravel, puis du Clair de lune de Debussy;
plusieurs morceaux de Bacharach, Close to You, The Raindrops Keep Falling on my Head, Walk on by et Wedding Bell Blues;
une dizaine de bossas-novas, suivies de Rogers and Hart, Gershwin, puis
Bob Dylan et Ray Charles, Carole King et les Beach Boys, en passant par
Stevie Wonder, et de Ue o muite arukô et Blue Velvet à Green Fields;
Eleanor Rigby des Beatles, et, encore une fois, Norwegian Wood;
et, enfin, une fugue de Bach.
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