Citations sur Le Meurtre du Commandeur, tome 1 : Une idée apparaît (112)
Ç'aurait été un non-sens qu'un être humain en chair et en os s'inquiète pour une Idée. Les Idées avaient leur propre façon de faire. Et moi, j'avais ma vie à mener.
Durant les six années de notre vie conjugale, nous avions partagé un nombre incalculable de choses: beaucoup de temps, beaucoup de sentiments, beaucoup de mots et beaucoup de silences, beaucoup d'hésitations et beaucoup de jugements, beaucoup de promesses et beaucoup de renoncements, beaucoup de volupté et beaucoup d'ennui.
« - L’âme d’un être est invisible aux yeux, dit Menshiki. - Vous croyez en l’existence de l’âme d’un homme ? - Et vous, vous y croyez ? » Je fus incapable de répondre. « Je crois à la théorie selon laquelle il n’est pas nécessaire de croire à l’existence réelle de l’âme. Mais l’inverse est vrai aussi : je crois à la théorie selon laquelle il n’est pas nécessaire de ne pas croire à l’existence réelle de l’âme. C’est une façon de parler un peu par périphrase, est ce que vous voyez ce que je veux dire ? - Vaguement ». répondis-je. »
En tout cas, songeai-je de nouveau aujourd'hui - moi qui ai maintenant trente-six ans - ce que m'avait dit ma sœur d'une toute petite voix dans cette caverne, comme pour me faire un aveu, c'était la vérité. Alice existe vraiment dans ce monde. Et aussi le Lièvre de Mars, le Morse, le Chat du Cheshire, ils existent tous, et véritablement. Et bien entendu, le Commandeur lui aussi.
Il y a beaucoup de choses que les hommes ne peuvent comprendre sur le corps des femmes.
C'était la première fois que je voyais un hibou de près. Plutôt qu'un oiseau, on aurait dit un chat doté d'ailes. Un être vivant de toute beauté.
La vérité précipite parfois les hommes dans une solitude insondable.
« La vérité, c'est la représentation, la représentation, c'est la vérité. Le mieux, c'est d'avaler d'un seul trait la représentation qui est devant toi, telle quelle, ô que oui. […] Essayer de comprendre les choses autrement que cul sec, c'est comme si tu essayais de faire flotter une passoire sur l'eau. Je dis ça pour ton bien, Messieurs, vaut mieux t'en abstenir. »
Oui, je suis peintre, et je peux donc restituer exactement l'apparence de ces mets en une image. Mais leur contenu, je ne peux pas l'expliquer.
Ce fut plus difficile d'obtenir cette couleur que pour le vert. Parce que ce n'était pas seulement une couleur. Elle devait être liée, par ses racines, à une émotion irrépressible. Une émotion incoercible, captive du destin, et cependant inébranlable.