Citations sur Le Meurtre du Commandeur, tome 1 : Une idée apparaît (112)
« Regarde Thelonious Monk. Ses accords énigmatiques sont aucunement fruit d'une théorie ou d'un raisonnement, que nenni. Il a simplement ouvert bien grand les yeux et il s'est contenté de puiser à deux mains dans l'obscurité de sa conscience. L'important est point de créer à partir de rien. Ce que tu dois plutôt faire, Messieurs, c'est de trouver celle qu'il te faut parmi les choses qui sont déjà en ta possession. »
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La vérité précipite parfois les hommes dans une solitude insondable.
(Titre du chapitre 25)
Rapidement, sur mon carnet de croquis, je fis un certain nombre de dessins de son visage, sous différents angles. Tout en ayant des traits réguliers, son visage était assez singulier et il n'était pas très difficile d'en saisir chaque caractéristique. En une trentaine de minutes, j'avais achevé cinq dessins, chacun réalisé sous un angle différent. Mais quand je les examinai de nouveau, je fus envahi par un curieux sentiment d'impuissance. Mes croquis avaient réussi à rendre avec précision ses particularités, mais ils n'étaient rien de plus que de « beaux dessins ». Tout cela était étrangement superficiel, manquait de la profondeur qu'on aurait dû y trouver. Il n'y avait aucune différence avec un de ces portraits brossés dans la rue à la va-vite. Je tentai d'en dessiner d'autres, mais le résultat fut à peu près identique.
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J'avais toujours aimé, tôt le matin, contempler longuement une toile absolument vierge, sur laquelle il n'y avait encore aucun dessin, aucune peinture. J'appelais ce moment "le zen de la toile". Rien encore n'était dessiné, mais ce n'était absolument pas du vide qu'il y avait là. Sur cette surface immaculée se dessinait la forme sur le point d'advenir. Si je fixais mon regard dessus, je discernais diverses possibilités, lesquelles finiraient bientôt par converger avant de déboucher en une piste concrète. j'aimais cet instant. L'instant où présence et absence allaient se mêler. (p. 298)
Ce sont les conséquences, dans la plupart des cas, qui nous permettent de déterminer si les choses sont raisonnables ou pas.
Au temps où j'étudiais aux Beaux-Arts, je peignais en général des tableaux abstraits. Pour le dire rapidement, ce que l'on entend par « peinture abstraite » recouvre un champ très large. Je ne sais pas très bien moi-même comment expliquer ce qui constitue ses formes ou son contenu. Disons en tout cas qu'il s'agit de « tableaux non figuratifs, que l'on exécute sans contrainte, en toute liberté ».
Dans chaque famille, il y a un squelette dans le placard. C'est bien ce qu'on dit, non ?
[Au lit, conversation entre le narrateur et son amante]
« Cela fait plus de quinze ans que nous sommes mariés, nous avons deux enfants, et pour lui, je ne suis plus de première fraîcheur.
-À mes yeux, tu es très fraîche, pourtant.
-Merci. Mais quand tu dis ça, j'ai l'impression d'être comme « recyclée ».
-Tu veux parler du recyclage des ressources ?
-Exactement.
-Tu est une ressource très précieuse, dis-je. Tu apportes ta contribution à la société.
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Durant les six années de notre vie conjugale, nous avions partagé un nombre incalculable de choses : beaucoup de temps, beaucoup de sentiments, beaucoup de mots et beaucoup de silences, beaucoup d'hésitations et beaucoup de jugements, beaucoup de promesses et beaucoup de renoncements, beaucoup de volupté et beaucoup d'ennui.
Dans le silence du bois, je pouvais presque percevoir jusqu'au bruit de l'écoulement du temps, du passage de la vie.