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3,82

sur 376 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Critique féroce de l'aristocratie vide de tout sauf de conserver son rang avec le respect scrupuleux des codes en usage. La connaissance de ses codes, Laure Murat la possède via sa double origine aristocrate. Tableau féroce du côté de sa mère et plus élogieux du côté de son père. Proust en sauveur qui lui procure les bonnes clés de compréhension de son histoire familiale.
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Aristocratie code

Proust l'a sauvée. Grâce à la fiction il su faire éclater la réalité. Celle de Laure Murat.
Bannie de ce monde aristocratique par sa propre mère pour qui elle représentait l'échec de toute une éducation spirituelle et morale, Laure Murat a une révélation vers l'âge de vingt ans. La lecture de la Recherche lui a permis de mener à bien sa propre quête et pouvoir enfin s'émanciper d'un monde rongé par l'incompréhension.
Un monde hermétique, où règnent l'implicite et le paraître et intransigeant avec ceux qui s'écartent des normes sociales et sexuelles.
Marcel Proust, ce "petit journaliste que l'on plaçait en bout de table" lorsqu'il était invité aux fastes de l'hôtel Murat a beaucoup observé et beaucoup noté. Laure Murat a ainsi pu trouver les clefs de ce monde énigmatique et vide de sens en se positionnant comme une lectrice de sa propre vie.

A la fois récit autobiographique, essai littéraire et historique, ce texte nous ouvre les portes capitonnées du monde de l'aristocratie et nous permet d'envisager la lecture de l'oeuvre d'un écrivain qui impressionne sous un angle nouveau. Mais par dessus tout, il constitue un véritable plaidoyer sur le pouvoir de consolation de la littérature.

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Je termine ce roman qui m'a été prêté, et que j'ai lu avec plaisir et réflexion. J'ai l'impression d'énoncer un lieu commun en affirmant qu'il m'a donné envie de reprendre la Recherche, d'aller directement à la source. N'est-ce pas tout le pouvoir de fascination de cette oeuvre, que de se répandre par le pouvoir d'attraction des mots d'autres lecteurs ?

Je me sens moins déconfite de m'être arrêtée, il y a longtemps, au troisième tome de la Recherche, ayant lu que la moitié des lecteurs ont décroché après Un Amour de Swann, et un bon tiers encore après le deuxième ou le troisième tome. Avec son approche spécialisée et pointue, aussi bien qu'aimante et émue, Laure Murat sait nous convaincre que la lecture de Proust est aussi pour nous. Lire Proust, c'est plus facile qu'on ne croit, selon elle.

Ainsi, par la qualité de son évocation, nous abordons différentes facettes de l'oeuvre : le Proust lié à l'aristocratie de son temps, visiteur des Salons et divers lieux de réjouissances du gratin mondain, mais aussi le clandestin des lieux de rencontre pour hommes, avec mineurs le plus souvent, l'enfant à jamais épris de sa mère, et surtout, l'auteur volontairement reclus pour mener à bien son travail d'écriture, faisant émerger les souvenirs de strates oubliées de sa mémoire, recomposant une réalité qui seule compte, celle de la littérature, ou l'expérience transmuée en oeuvre d'art.

Nous apprendrons également que Proust creusa la tombe de l'aristocratie, en questionnant non pas tant sa légitimité que son pouvoir réel, et surtout en mettant à jour ce qu'elle taisait, en amenant au centre les personnages de la marge, ceux qu'elle ne voulait pas voir, ou qu'elle ne pouvait tolérer qu'en les faisant taire. Pour un peu, l'auteur culte du XXème siècle deviendrait presque une icône du grand mouvement arc-en-ciel, bien qu'il eût ses propres limites, en ce qu'un coming-out n'était pas sa tasse de thé. Il était même, dirait-on aujourd'hui, littéralement homophobe.

C'est ici qu'il faut parler du "roman familial", car Laure Murat sait ce qu'est l'aristocratie, elle a vécu en son sein, sans questionnement d'abord, protégée par "le château-fort" et le récit familial, puis écartée car elle voulait vivre son homosexualité au grand jour et que sa mère ne voulait pas en entendre parler, d'où sa rupture et son exil. Il faut lire ces pages sur les manières du grand monde, le vide enrobé par les formes, sur la répétition ad nauseam de la généalogie, mais aussi sur une certaine liberté de ton, une désinvolture cultivée, un amour des livres comme pouvait l'incarner son père. C'est touchant et fascinant, car sans être qualifié pour, qui peut accéder à ce milieu d'entre-soi par excellence ?

Pourquoi alors ne pas accorder le 5/5 à ce livre inclassable, entre essai littéraire et auto-fiction, qui fait un sans faute quant au style ? J'ai deux raisons : je n'aime pas lire sur un auteur avant de le lire moi-même, d'une part. D'autre part, j'ai une légère suspicion envers Laure Murat d'ambiguïté morale relative à son statut de noblesse : certes, elle ne manque pas d'auto-dérision et d'esprit critique, mais elle reste Princesse après tout dans l'état-civil. Mais surtout, elle se donne le beau rôle, la vérité pour elle est le mouvement, la fluidité, contre l'immobilisme et le conservatisme hérités de son milieu. Si sa façon de vivre avait été acceptée par sa caste, aurait-elle ainsi tout remis en cause, aurait-elle rompu avec un mode de vie qui devait bien comporter quelques avantages ? Ne demandait-elle qu'une acceptation de son individualité, l'expression d'une compréhension maternelle, ou était-elle d'emblée prête à aller plus loin, à rompre avec tout un milieu qu'elle estime toxique par ce qu'il lui a coûté ?
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Ce roman autobiographique et essai m'a transportée. Quelle belle écriture et cette identification à Proust dans ce qu'il a détaillé de la société aristocratique à laquelle appartient Laure Murat qui nous permet de comprendre encore mieux la recherche. Comme elle j'aime particulièrement Charlus et Swann qu'elle compare à son père qui n'a jamais pu créer un livre. Ce père qui a annoté et commenté la recherche. Laure est aristocrate mais elle sort du placard et avoue son homosexualité. Proust l'y a aidée. Elle part aux Etats Unis et passe trente ans à étudier Proust. C'est lui qui l'a sauvée en acceptant de ne pas être acceptée comme elle est.

Elle ne veut pas ressembler à ses ancêtres et parents qui préfèrent le silence même si la réalité ne correspond pas à ce que cette société aristocratique peut accepter.

Proust a sauvé Laure. Dans cet essai roman multigenre je redécouvre Proust que j'ai quitté en février et qui me manque déjà.

Il s'agit pour moi d'un livre incontournable pour comprendre l'influence de la recherche sur une vie réelle.
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Grande fan de la Recherche, je ne pouvais ignorer cet essai enfin disponible à ma BM.

Mais comme je ne suis pas noble, j'ai eu un peu de mal avec la généalogie familiale de l'auteure qui tente pourtant de la rendre la plus simple possible.

Et puis son histoire familiale n'est pas ce qui m'a le plus intéressé dans ce livre.

J'ai aimé la lecture qu'elle fait de ce roman foisonnant à travers sa pratique de l'aristocratie, comment , grâce à la lecture de la Recherche, elle a compris les fonctionnements de son milieu social de naissance mais aussi sa vacuité.

J'ai aimé qu'à travers cette lecture, elle, la féministe et homosexuelle affichée, aie trouvé le courage de s'extraire de son milieu qui souhaitait la faire taire.

Un autre effet de la Recherche : l'effet émancipateur.

J'ai aimé que l'auteure du présent essai ai eu pour déclic un épisode de Downtown Abbey dans lequel le maître d'hôtel mesure l'équidistance des couverts. Ce détail force les portes de sa mémoire, à la manière de.

J'ai aimé que la comtesse Greffuhle revienne régulièrement dans le propos.

J'ai découvert les ressassements généalogiques de la noblesse, une vision hiérarchisé et autoritaire et monolithique du monde.

Enfin, j'ai aimé que cette lecture la console de son abandon familiale, comme l'adulte Marcel console l'enfant séparé de sa mère.

J'ai aimé cette image de la Recherche comme consolation.

Quelques citations :

Toute la Recherche peut être lue comme une investigation sur l'inadéquation des mots et des choses qui implique, à terme, une démonétisation inévitable des Noms, de leur pouvoir extravagant et trompeur. (p.77)

Dans son étude, Anne Simon formule la révolution proustienne en une équation limpide : « existence + imagination = réalité » (p.186)

Tout lieu de pouvoir s'érige sur un cimetière. Descendre en droite ligne de brutes anoblies ne m'enorgueillissait pas. (p.198)

L'image que je retiendrai :

Celle du château familiale de Luynes, sur la commune de Luynes.
Lien : https://alexmotamots.fr/prou..
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Comme la majorité des étudiants en lettres j'ai fait semblant de lire Proust. J'ai grappillé un extrait ou deux, histoire de briller dans les concours puis de briller dans les dîners. J'ai trois éditions différentes d'A l'ombre des jeunes filles en fleur, que je n'ai jamais lu (mais ce sont de très jolies editions). Maintenant que je me suis confessée, passons à Laure Murat et son roman familial.

Tout le monde n'a pas la chance de descendre du grand Joachim Murat. Enfin, chance... une collègue américaine de Laure Murat lui a dit "A une lettre près, tu aurais pu avoir un nom célèbre !" Tout le monde n'a pas non plus la chance de passer à la postérité révolutionnaire. Et puis, chance, à lire le portrait de l'aristocratie fait dans ces pages, on pourrait en douter. Si mythe il y a avait encore, l'autrice le brise. Il y a bien peu de lettrés parmi eux et être duc ou prince ne fait pas de vous un brillant homme. Pour preuve, la Recherche, qui en sept volumes (que Proust rêvait de voir réunis) ne fait que dépeindre un monde de faux-semblants et de mondanités. L'autrice passe de ses souvenirs d'enfance aux mots de Proust, cherchant sa famille entre les lignes, et nous donnant à voir un monde qui n'existe plus ou presque.

Avec subtilité, elle aborde son homosexualité et le rejet franc et unanime de toute sa famille. Si on peut imaginer que cette "chose" existe, surtout on ne doit pas le dire. L'homosexualité est finalement tolérée si elle reste cachée entre les quatre murs d'une chambre. Son coming-out lui vaudra le pire des reproches : tu as fait pleurer ta mère en public comme une domestique. le lien avec Proust se fait malin et délicat.

On ressort de ce livre en ayant une furieuse envie de se lancer dans la Recherche, de tout lâcher pour partir à la rencontre de ce monde si particulier, si codifié, en constante représentation. le livre de Laure Murat avait tout pour me plaire. Il n'a pas manqué sa cible. Je le trouve brillant. Brillant parce que jamais il n'écrase le lecteur. Bien au contraire, il nous amène à comprendre Proust, à l'appréhender, comme un cousin eloigné qui porte un regard vif sur l'aristocratie et sur ses jeux de cour. Un regal pour drama queen.
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Comment la lecture d'un roman monument, par une mise en abyme jubilatoire et sans pitié, décrypte tout un passé, le démythifie, et permet de s'en affranchir, tout en maintenant l'éclairage allumé au dessus de différents tableaux, un portrait savoureux, drôle, touchant, du père, les larmes en public "comme une domestique" de la mère, porteuse d'un traumatisme transgénérationnel, la rendant émotionnellement tétraplégique, des anecdotes savoureuses, remontant à trois générations faisant du "passé une matière vivante, charnelle", d'autres personnelles, telle la production d'un acte de naissance, "Princesse, c'est original comme prénom ", princesse libérée "délivrée des faux-semblants attachés à l'aristocratie ", " instaurée en tant que sujet"...

À savourer.
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J'avais envie de découvrir ce roman depuis un moment , ayant obtenu le prix Médicis, cela m'avait un peu refroidi, un récit philosophique , qui était, est et restera un monde littéraire loin de ma zone de confort. Je me suis laissée envoûter par ce récit. L'auteure nous entraîne dans un monde hors norme, elle nous immerge , dans le personnage de Proust, et retrouve une part de sa vie, issu d'une famille d'aristocrate très connu,deux familles rivales la famille Marat,et celle des Luynes, au 19 éme siècle. Elle se retrouve dans le personnage de Proust, particulièrement dans son oeuvre " La recherche du temps perdu" . Elle a vécu dans ce milieu où Proust tenait un rôle majeur. Un personnage qui a compté énormément, pour elle , tout le court de sa vie. Cette "Recherche" cette "Quête", et pour elle une sorte d'exécutoire, elle se dévoile sans fioriture . Au fil de ses recherches , elle découvre la véritable face du personnage . L'auteure fait une analyse très pointue, avec beaucoup de délicatesse, de passion, de recherches richement documentées et nous livre un essai magistral. Elle se retrouve reniée par sa mère, lorsqu'elle apprend son homosexualité, représentant une déchéance de son éducation, elle devient une paria une petite pointe d'humour, lorsque son père , grand aristocrate prend pour la première fois un bus, ce dernier parle au chauffeur comme s'il prenait un taxi. L'auteure met en avant ce milieu aristocratique, totalement répugnant, cruel, à ses yeux Ayant lu " A la recherche du temps perdu" m'a facilité la lecture, car cet essai est assez complexe à lire, il faut rester concentré. Contrairement à mes à priori du début , je suis laissée transporter dans ce récit enrichissant , L'auteure use d'un vocabulaire puissant, utilise les bons mots, elle les place là, où il faut, quand il le faut, un petit coté qui donne du piment à la lecture. Un roman, autobiographique, un témoignage poignant un essai philosophique, que je vous recommande."Proust l'a sauvé"
Il faut toujours essayer, en tout cas pour ma part, découvrir d'autres horizons littéraires , Je viens de le faire et j'ai été conquise.
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Un livre subtil entre les personnages de la "Recherche du temps perdu " de Marcel Proust et la famille de l'auteure. Tout est passionnant, un monde s'ouvre à nous qui nous était inconnu et donne envie d'en savoir plus. Sur la vie de l'auteure d'une part mais aussi bien sur, sur la somme que représente l'oeuvre de Proust, en démystifiant l'accès à ce monument littéraire français. de mon côté, objectif atteint, je démarre la lecture de " La recherche" à la fin du mois !
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Laure Murat est issue d'une double noblesse, d'Empire (le maréchal Murat, la famille Bonaparte) et de robe (la maison d'Albert de Luynes). Bien que Princesse, sa mère la présentait ironiquement comme "le numéro 3". Marcel Proust a fréquenté ses aieux (leurs rites, leurs manies, leur vide et leurs vertiges), et de "ce grand monde" il a fait "un immense livre" : À la Recherche du temps perdu.

Au tour de Laure d'écrire sa propre recherche du temps perdu, portée par ces deux registres de mémoire, familiale et littéraire, qu'elle accorde et entrelace. C'est une sorte de Selfie avec Marcel et Napoléon. Et autant dire que ce Selfie est une réussite. D'intelligence, de finesse, d'érudition - de drôlerie. Laure Murat se tient à parfaite distance de ces personnages, de sa prestigieuse et (parfois) encombrante ascendance et de l'oeuvre proustienne : tous disent un temps révolu, de codes, de traditions, de préséances, dont la littérature (mais aussi le cinéma et les séries) entretient et ravive la mémoire.

Un livre magnifique.
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