Ce petit recueil de nouvelles aux horizons divers est une invitation au dépaysement, à la découverte de l'autre, de ses coutumes, de ses pensées, de ses rêves et voyages.
De Kinshasa à Rome en passant par Alger ou Bamako, on suit avec joie et enthousiasme Nasser, ce passionné de relations pluri-culturelles dans des rencontres humoristiques, sérieuses, souriantes ou interpellantes.
Les nouvelles sont inégales. Si "La deuxième ligne de l'Equateur", "Le trottoir d'en face" ou le bête scelleur" m'ont charmée et transportée, "l'E-tudiant" ou "Le chercheur de Fontainebleau" m'ont plutôt laissée à quai.
Peu importe... L'essentiel est d'avoir découvert un nouvel auteur, un nouveau paysage, une nouvelle plume intéressante.
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Et puis, il y a Seb, l'incontournable. Alerte et fringant, présent sur tous les fronts, rien n'essouffle cet homme qui, partout où il est, distribue la bonne humeur. Comme le Méridien de Greenwich ou l'Equateur, avec un naturel déconcertant et un optimisme désarmant, il transperce tous les clivages culturels, linguistiques et géographiques.
Pour échapper à cet insoutenable moment, il aurait préféré être trompé par sa femme, harcelé par sa concierge, traqué par un maniaque. Il était prêt à s'aplatir devant elle, en l'implorant, en pleurant à chaudes larmes, comme un enfant qui vient de perdre toute sa famille dans un tremblement de terre, à lui cirer ses chaussures avec le bout de sa cravate, à partager la niche de son chien, à se déguiser en eunuque saoudien, à se parfumer à l'encens, à se border les yeux de khôl, à veiller sur ses nuits avec un éventail tressé en plumes d'autruche. Il lui aurait offert le ticket gagnant de loterie d'un million d'euros, rien n'aurait changé, le mal était fait.
Sont organisés alors des événements gastronomiques, foires, concours, itinéraires culinaires - du vin, de l'huile d'olive, du fromage, de la pomme de terre et du couscous kabyle - qui vantent la cuisine du terroir. Ce travail méticuleux des médias rompus au façonnement des esprits vient accorder les violons d'une idéologie du goût totalement totalitaire. Les réfractaires n'ont aucune chance d'échapper à la puissance de la pensée unique. Va-t-on aussi vers une panse unique ?
Les fesses musclées, le visage enfariné, la serveuse bronzée aux pilules de carotène s'avance dans sa direction, décidée. Elle extrait de ses énormes seins un filet de voix cinglant qui finit en un continuo de son écorché, digne de la première génération de travelos napolitains de la Butte aux Cailles.
Elles ignorent à peu près tout de cette prodigieuse invention qui a divisé le temps comme un morceau de fromage et plongé l'homme d'aujourd'hui dans une perpétuelle course. Sacrifié sur l'autel de l'impatience et de l'immédiateté, il n'a plus qu'une seule hantise : le retard. Ici, on vit au rythme de la nature et on ignore tout de la ponctualité. Personne n'a de montre.