[Cette critique vaut pour toute la saga!]
Bon, de temps en temps, il n'y a pas de mal à se concentrer sur une BD mainstream, connue de tous, adorée des jeunes filles et… oui, j'ose un petit instant girly, mais ce n'est pas seulement parce que j'ai grandi (et je grandis encore, j'assume to-ta-le-ment) avec cette BD, c'est surtout parce qu'elle symbolise une relation auteur/lecteur très forte. Aujourd'hui, je vous parle de Lou !, de
Julien Neel. Cycle de six tomes, (le septième est prévu pour le 12 octobre 2016), Lou ! est publié aux éditions Glénat depuis 2004 (ça ne rajeunit personne ici !) et puise sa force dans une héroïne attachante et ordinaire qui reflète notre propre adolescence. D'où la relation entre l'auteur et le lecteur plutôt étroite. Décryptation.
> Coup de crayon
Julien Neel possède ce talent de retranscrire à la perfection l'atmosphère quotidienne de la vie d'une fille de dix ans, notamment grâce à la palette de couleurs (rosées pour la chambre, oui, je vous avais prévenus que ce serait un instant girly). Les traits qu'il propose sont détachés mais pas trop, permettant à la fois de donner une personnalité à la petite Lou, et de s'y identifier, par des esquisses distantes et simplifiées.
Julien Neel s'est créé son propre style artistique, qu'on lui reconnaît entre milles à présent. En effet, par sa tendance à la chromatique pastel et colorée, ou encore au croquis schématisé,
Julien Neel parvient à communiquer des bouffées d'apaisement et de nostalgie. Cette espèce de force tranquille qu'on lui attribue car, au-delà d'une BD pour la jeunesse, Lou ! c'est aussi de grandes réflexions existentielles, par lesquelles nous sommes toutes passées. Allez, avouez. Je ne suis pas la seule, quand même…
> Coup de plume
Le maître-mot attribué à
Julien Neel en matière de scénario est sans aucun doute « évolution ». La raison la plus évidente est celle selon laquelle Lou, cette petite héroïne attachante, grandit au fur et à mesure des tomes. Elle rencontre de nouvelles personnes, comprend davantage comment fonctionne la société, s'interroge sur son existence, bref, elle apprend la vie, que ce soit de la manière douce (quand sa mère lui explique simplement les choses) ou de la manière forte (quand Tristan, ce beau voisin, déménage du jour au lendemain sans laisser de traces). Lou représente l'adolescence : problèmes de coeur, relation fusionnelle mais tendue avec sa mère, meilleure amie qui devient meilleure ennemie puis redevient meilleure amie, la figure du beau-père et de la famille recomposée…
Julien Neel sait donner de la profondeur à ce quotidien et à cette banalité que certains lecteurs ont traversé. Et ce n'est pas tout, car l'auteur parvient également à faire évoluer sa façon de travailler. Si les premières planches se contentent d'historiettes sur une page, le sixième tome rend compte d'un véritable travail sur la longueur. L'histoire s'étend sur l'album tout entier. Cette espèce de décalage retrace l'apprentissage de Lou, qui passe d'une petite fille en proie à des questions d'enfant à une véritable adolescente, étudiante, dont le coeur est partagé entre Paul et Tristan. La puissance de
Julien Neel ? Illustrer ce qui se passe dans la tête d'une fille. Et ça, nous ne pouvons pas l'accorder à tous les artistes aujourd'hui. Pas d'enjolivement, pas d'exagération, pas de fiction, simplement le ressenti et les angoisses, les tiraillements et les joies, les tensions et les vacances.
Julien Neel réalise un véritable tour de force car tout cela, il le créé dans une ambiance des plus comiques.
Ah oui, j'ai failli oublier de souligner que Lou ! c'est avant tout de l'humour. Frais et actuel, simple et efficace. du bon humour. Comme on en raffole.
Je pense que vous avez deviné que je porte
Julien Neel haut dans mon estime, et je vous assure qu'il vaut mille fois la peine de le lire. En plus de sa BD, il a également dirigé un premier film intitulé Lou ! Journal infime, qui retrace l'histoire des trois premiers tomes. Si l'on peut s'attendre à une adaptation moyenne, la surprise a été de taille car tout est respecté. de la personnalité des personnages aux décors, et cet humour qu'on adore tant est présent à 2000 %. Je vous conseille le film, mais après les BD, parce que rien ne vaut de lire Lou ! chez ses grands-parents cet été. La tête dans les nuages et des étoiles dans les pensées. C'est ça, lire Lou !.