AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,72

sur 23 notes
5
2 avis
4
6 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si le syndrome de Stockholm désigne la propension des otages enfermés avec des terroristes à sympathiser avec eux, le phénomène inverse pourrait-t-il être qualifié de syndrome de Saint Petersbourg ?

C'est la question posée par « L'affaire Courilof » où Irène Némirovsky, confine en 1903 un ministre du tsar Nicolas II avec un médecin suisse, Marcel Legrand, alias Léon M. terroriste chargé de l'abattre.

Courilof, ministre de l'instruction publique, dirige d'une main de fer son administration et réprime durement toute contestation. le « cachalot » a fait condamner à mort des étudiants jugés subversifs. Les révolutionnaires ont juré sa perte et un attentat spectaculaire pour marquer les esprits.

Le pseudo Marcel Legrand, dont le père a été condamné à mort et la mère déportée, infiltré grâce à un passeport suisse dans l'entourage ministériel, découvre progressivement un être humain souffrant d'un douloureux cancer du foie et un courtisan victime d'une cabale pour le déconsidérer auprès des monarques. Veuf, Courilof a épousé en seconde noces, sa maitresse, une artiste, de surcroît française. Il a dérogé.

Cette faute ne peut être pardonnée que par la répudiation de l'impure épouse ! le tsar et la tsarine honoreront de leur présence le bal donné par Courilof à l'occasion du mariage de sa fille, si et seulement si, son épouse est évincée … Drame cornélien pour le vieux ministre dont le coeur balance entre l'avenir de sa fille et l'amour de son épouse.

Marcel Legrand est touché par la dégradation de l'état physique du courtisan malade et observe les luttes d'influences au sein de la cour impériale. Va t il opter pour « vous n'aurez pas ma haine » ou pour « vous n'aurez pas ma pitié » ?

Irène Némirovsky passe au karcher une cour impériale corrompue et décrit avec finesse les réflexions et les doutes de Marcel Legrand balançant entre l'éthique médicale et l'ardeur révolutionnaire.

Publié en 1933, ce roman se présente comme la confession du terroriste décédé paisiblement à Nice en 1932. J'aime relire cette « affaire » dans cette édition illustrée par Constant le Breton en 1936, que mon grand-père annotait à l'époque de l'exécution de Gorguloff, l'assassin du Président Paul Doumer.

Ecrit d'un style très moderne, ce récit n'a pas pris une ride, et est aussi éternel que « Le bal » ou « Suite française »

PS : le Bal
Lien : https://www.babelio.com/livr..
Commenter  J’apprécie          822
En 1903, dans la Russie tsariste de Nicolas II, le comité révolutionnaire suisse charge un jeune anarchiste de préparer un attentat contre l'un des ministres en place.

Léon M., jeune médecin, se fait donc engager chez Valerian Alexandrovitch Courilov, surnommé le Cachalot, ministre de l'éducation, cruel, ambitieux et avide d'honneurs.

Plusieurs mois passés en infiltré dans l'entourage d'un homme qui, sous le masque de la personnalité publique haïe par la population, s'avère être un triste et gros jouisseur, atteint d'un cancer du foie qui le fait méchamment souffrir, vilipendé par ses pairs pour son mariage avec une ancienne artiste française de petite vertu.
Sans pour autant s'attacher à un personnage condescendant et inflexible, la compassion et la pitié menacent de prendre le pas sur l'idéal et la haine du jeune révolutionnaire.
La miséricorde sera-t-elle suffisante pour stopper l'engrenage ? Et comment se comportera celui que l'Histoire portera aux affaires dans les années du pouvoir soviétique ?

Au-delà de l'histoire particulière des personnages, c'est la description vitriolée d'une société décadente, en totale décomposition, incapable d'avoir une vision d'ensemble des évolutions de société, autiste aux courants de pensées de ce début de siècle. Un couple impérial incompétent, des coteries et jalousies de haute aristocratie et de gouvernement, des luttes de pouvoir, des ambitions, des corruptions, des vanités…
Tous les ingrédients pour mettre dans le chaudron de la Révolution.

Publié en 1933, ce court roman percutant d'Irène Némirovski est, comme beaucoup d'autres de son oeuvre, indémodable, passionnant pour une réflexion sur la vanité du pouvoir politique.

Un roman triste et désabusé sur la fin d'un monde et la vision pessimiste d'un nouveau qui émerge, aux aubes guère plus lumineuses pour les hommes de bonne volonté.
Commenter  J’apprécie          380
J'avais noté en pense-bête Jézabel de cette auteure suite à l'une ou l'autre chronique élogieuse et peut-être les échos d'une chanson^^... il y avait bien à la bibliothèque : Suite Française mais dans quel état, et puis trop long. Ainsi par la volonté de découvrir une auteure et par une bonne dose de hasard se fut L'affaire Courilof, d'autant que je lis peu de biographies. Cela tombe bien cela n'en est pas une, ou plutôt si, mais fictionnelle. Encore faudrait-il trancher : est-ce celle d'Alexandrovitch Courilof, ministre de l'Instruction publique du tsar Nicolas II, ou celle de Léon M., terroriste ? Car il n'y a pas qu'aujourd'hui. En 1905 c'est qu'il y en avait des attentats, jusqu'en Russie ! Même la si tranquille, si proprette Suisse accueillait une branche de cette organisation.

J'ai lu avec un plaisir certain cette nouvelle. J'ai beaucoup aimé me retrouver dans la tête d'un individu qui pour des raisons bien ténues, par une bonne dose de hasard bascule vers la révolte et le terrorisme en s'approchant fort de l'anarchie finalement. Il aura fallu peu de chose, l'inclination d'un moment, je me le figure en pensant comment je suis en train de le lire. Quelle fine construction pour nous amener à découvrir petit à petit le caractère de Courilof dans toute sa complexité et les tiraillements de ses contradictions au point, par effet de ricochets, d'induire des sentiments tout aussi contradictoires chez l'homme chargé de l'assassiner en public.

Ainsi démarre cette histoire par une ouverture classique :
"Léon M... mourut en mars 1932 dans la maison de Nice, où il avait passé ses dernières années.
Parmi ses livres on trouva une petite serviette de cuir noir; elle contenait quelques dizaines de pages dactylographiées épinglées ensembles. La première portait au crayon ces mots :
AFFAIRE COURILOF" p.23

Et moi de me laisser entraîner par la lecture de ces soi-disant documents auto-biographiques tant qu'à la fermeture de ce court récit je vais googler non pas Léon M. , gros malins^^ mais Courilof, au cas où. Il n'a pas existé. Je tombe cependant sur un article du journal The Guardian dont quelques détails pourraient intéresser certains d'entre vous : cette nouvelle publiée en 1933, soit une quinzaine d'années avant Les mains sales de Sartre et Les justes de Camus, est basée sur un assassinat réel. Irène Némirovsky y réécrit des évènements historiques insufflant que le terrorisme est plus qu'une question morale et philosophique.

Pour ma part je préfère quelque soit le contexte garder cette pensée d'une infinie justesse : "On ne peut même pas dire avec certitude d'un homme qu'il est bon ou mauvais, bête ou intelligent. Il n'y a pas d'homme bon qui n'ait commis dans sa vie une action cruelle, ni de méchant qui n'ait eu un mouvement de bonté, ni d'homme intelligent qui n'ait jamais fait de sottises, ni d'imbécile qui n'ait jamais agi avec intelligence ! D'ailleurs cela donne à la vie sa diversité, son imprévu. Cela m'amuse encore ..." p.138
Commenter  J’apprécie          3710
Comme je cherche à lire plus d'auteures qu'auparavant, voulant tout au moins approcher une forme de parité, même si la littérature classique n'a pas forcément fait la part belle à ces dames, je m'intéresse donc à la découverte de nouvelles plumes. En voyant le nom de Nemirovsky en bibliothèque, il ne m'était pas inconnu et j'ai donc choisi ce petit roman pour débuter.

Si Nemirovsky a sonné familier pour moi, c'est sans doute du fait de son Renaudot obtenu en 2004 pour Suite française... 62 ans après sa mort ! La vie de l'auteure est en effet un roman à part entière. Sa famille fuit la Russie, chassée par les prémisses de la Révolution d'Octobre pour qui son père banquier aurait fait figure de victime prioritaire. Sa fuite l'amène en France... où elle subira la déportation à Auschwitz où elle mourra. Victime expiatoire désignée pour tous les extrémismes, elle nous aura laissé des traces écrites qui prennent du coup une valeur toute particulière.

Et le sujet de cette affaire Courilof la concerne directement, puisqu'il s'agit bien des premiers attentats perpétrés par les "Rouges" contre les "Blancs" et qui aboutiront à la révolution bolchevik. de façon très habile, elle se met à la place d'un des révolutionnaires "embauchés" pour se débarrasser d'un suppôt du pouvoir. En changeant son angle d'approche, elle peut ainsi montrer les atermoiements d'un révolutionnaire que la vie auprès de sa victime fait reconsidérer l'image totalement négative qu'il s'était construite. Mais elle ne se prive pas non plus de dépeindre les manigances et manoeuvres politiques des "Blancs", alliés de sa famille dans la réalité, mais tout aussi pitoyables que leurs adversaires dans leurs agissements. Un portrait bien noir d'une humanité, tout au moins dans son costume d'animal politique, qui s'empresse de commettre les actes qui l'ont poussé à se révolter contre le pouvoir en place.

La prouesse de ce livre tient surtout dans la progression dramatique, avec une fin qu'on sait inéluctable puisque annoncée dès le départ... le roman commence comme un récit d'espionnage, prend ensuite des allures de roman d'apprentissage où le bourreau devient élève, et se termine dans l'incertitude malgré le dénouement évident.
L'auteure maîtrise parfaitement ses changements d'atmosphère et l'évolution se fait tout en douceur, sans même qu'on s'aperçoive du subterfuge. Comme tout artiste talentueux, Irène Nemirovsky garde pour elle ses secrets d'artisan, jalouse d'un savoir-faire qu'elle ne pourra malheureusement jamais transmettre, victime d'une folie humaine qu'elle a su si bien percevoir et analyser avant de la subir dans sa chair.
Commenter  J’apprécie          190
Roman plaisant à lire sur les relations entre un jeune révolutionnaire et le ministre de l'Instruction publique du tsar qu'il devra prochainement exécuter sur fond de Russie en plein bouleversement politique.
Le jeune est introduit auprès du ministre, sous une fausse identité en tant que médecin, il le suit durant quelques mois et s'aperçoit que le ministre est très malade et qu'il ne lui reste pas beaucoup de temps.
Dans un premier temps, une relation patient/malade se crée puis le médecin suit le ministre et sa famille au quotidien, il assiste à sa vie sociale, politique et familiale.
Le jeune découvre ce ministre charismatique au fil du temps. Un homme qui, comme le révolutionnaire, mais chacun à sa façon, croit et agit en fonction de ses idéaux.
J'ai bien aimé la découverte au fil de l'histoire du ministre par le jeune, le contrat approchant le jeune essaie de comprendre les actions et les motivations du ministre, il voit moins l'intérêt d'exécuter un homme déjà condamné par son cancer. le personnage du ministre est un personnage entier et bien travaillé, un vieux de la vieille qui, malgré sa maladie, est bien lucide sur beaucoup de choses.
Commenter  J’apprécie          90
Chez Irène Némirovsky, il y a le style. Et quel style. Il y a l'art du récit. Et quel art. Il y a les personnages. Et quels personnages. Et puis il y a l'intrigue. Et quelle intrigue ici, un vrai dilemme ! Imaginez. Afin d'exécuter un personnage public pour des raisons politiques, vous infiltrez son foyer et pénétrez son âme et, peut-être, son coeur... que faire au moment où l'ordre de passer à l'action vous parvient ? Sur un fond de conflit qui pourrait sembler manichéen, Irène Némirovsky tisse la toile qui lui est chère : celle qui distille la soif de justice face au cynisme et sa violence, plus ou moins douce. Et dit le poids de l'engagement et de l'amour quand l'ambition teintée de raison vous rend sourd et manipulateur.
Commenter  J’apprécie          41


Lecteurs (56) Voir plus




{* *}