Mana Neyestani est au départ un fils d'un très grand poète iranien, et également architecte de formation, reconverti dans la BD enfantine écrivant notamment dans une revue pour la jeunesse, donc a priori un univers peu suseptible de géner un régime iranien pas forcément reconnu pour garantir une bonne liberté de pensée.
Seulement, un jour, l'auteur imagine pour une nouvelle BD, les aventures d'un petit garcon et d'un cafard, et a le malheur de placer, de manière totalement fortuite, dans la gueule du cafard, une interjection pouvant etre considérée comme empruntée au vocabulaire azéri, une des tribus minoritaires de l'Iran.
Pour avoir dessiné ce cafard,
Mana Neyestani va déclencher la colère des populations azéris du nord de l'Iran. Comment peut-on oser comparer les turcs à des cafards? La minorité azérie ( dont je n'avais en fait jamais entendu parler),vit dans le Nord de l'Iran et a longtemps été opprimée par le pouvoir central. le dessin de
Mana Neyestani est perçu comme un outrage de trop, et le prétexte idéal pour déclencher des émeutes.
Mana Neyestani et son rédacteur en chef ont beau présenter des excuses, rien n'y fait. La situation s'envenime et prend une ampleur inattendue, en très peu de jours.
Même si je m'en doutais déja, le récit de
Mana Neyestani nous démontre merveilleusement bien à quel point la vie peut basculer pour un détail insignfiant. Ce détail prend ici la forme d'un mot, et de sa mauvaise interprétation, qui vont complètement bouleverser la vie de l'auteur, le faisant passer d'artiste établi à exilé politique en passant par un séjour dans les geôles de son pays natal. metamorphose-iranienne-neyestani-L-UJ2d6t
Une métamorphose iranienne raconte donc de manière à la fois réaliste et allégorique (voir dessin à gauche) cette descente aux enfers, l'enfermement, l'accusation, la menace, l'absence de possibilité réelle de défense,la douleur... Puis la liberté retrouvée, mais constamment mise en péril et l'exil inévitable vers les Emirats Arabes Unis, d'abord, puis divers pays (Turquie, la Chine et la Malaisie), puis enfin la France, où il est accueilli,depuis un an, grâce au réseau international de villes refuges Ircon.
Cette BD vous transporte autant par l'incroyable histoire qu'elle raconte que par la puissance graphique qui la porte. Et le livre est aussi un réquisitoire féroce sur le système judiciaire iranien. La référence à Kafka, omniprésente n est pas anodine tant la mécanique répressive apparait totalement antiliibertaire et totalement absurde.
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