On sait tous qu'un homme, pour être heureux, a besoin d'une bonne tarte (la vraie, celle aux pommes par exemple, parce que, en fonction de l'état d'esprit avec lequel une lit cette phrase, l'interprétation peut être ambigüe), et que sa douce épouse l'attende docilement à la maison après sa longue et dure journée de travail.
[Aparté : Mon Dieu! Doux Chéri doit être extrêmement malheureux. Je lui demande, pour vérifier. « Mon amour, (il faut bien amadouer l'animal), tu es heureux avec moi même si je ne sais pas faire les tartes (à ma décharge on n'a pas de four), et que je ne cuisine que les pâtes dont je peux rater la cuisson ? ».
Réponse de Doux Chéri : « Oui mon amour, tu es la femme parfaite. ».
Quoi ? J'ai entendu votre raclement de gorge, si Doux Chéri le dit, c'est que c'est vrai ! Fin de l'aparté ].
C'est du moins ce que prône un célèbre manuel de cuisine destiné aux femmes au foyer des années 50 (hum, hum, heureusement que je ne suis pas née dans les années 50). Il correspond à la conduite que devrait tenir Marylin, femme au foyer, toute sa vie. Même si elle rêve d'autre chose. Elle rêve d'être médecin.
Son mari, James, a été un vrai coup de foudre. Une rencontre sur les bancs de l'université, quand elle était décidée à s'éloigner des pas de sa mère. L'amour de sa vie, intelligent, charismatique et d'origine chinoise. Un mariage mixte. Sa mère s'en offusque. Mais Marylin s'en moque, elle ne voit que James.
Sauf qu'il n'en va pas de même pour lui. Il aime sa femme, mais porte sa différence au plus profond de lui, comme une blessure sourde, lancinante. Il est américain, mais les autres ne le perçoivent pas comme ça. « Vous n'avez pas d'accent ? » constatent-il. Inutile de le leur expliquer qu'il est du même pays qu'eux, ils ne comprendraient pas, songe-t-il.
Les années passent et ils s'aiment, chacun ignorant les failles de l'autre, chacun cachant ses failles à l'autre. Trois enfants sont le fruit de leur amour. Ils sont heureux, du moins en apparence.
Jusqu'à ce jour tragique où Lydia, la prunelle de leurs yeux, disparaît.
Je m'attendais à lire un thriller, mais finalement, ce récit s'en éloigne et ce n'est pas plus mal. C'est un récit introspectif qui cherche les causes du drame qui frappe cette famille. Et s'il ne fallait pas chercher des raisons extérieures, un autre qui serait responsable, s'il fallait se plonger dans l'intimité des membres de la famille, dans tout ce que les uns et les autres cherchent à dissimuler ?
Mêlant habilement présent et passé, le récit, nous immerge entièrement dans la psyché des personnages, leurs secrets, leurs silences, leurs frustrations. Aucun d'entre eux n'est épargné, pas même Lydia. C'est une famille brisée, et pas seulement à cause du drame. Petit à petit, les pièces du puzzle s'imbriquent, l'histoire se reconstitue. C'est une histoire ordinaire, c'est l'histoire du silence.
Je dois reconnaître que j'ai adoré cette lecture. Les premières pages m'ont laissée dubitative, je ne savais pas à quoi m'attendre. Quand j'ai compris que je n'étais pas face à un thriller traditionnel, je me suis laissée porter par cette plume vive, criante de naturel, je me suis laissée gagner par le mal-être, les questionnements, mais aussi les bonheurs des uns et des autres. J'ai aimé Marylin et ses fêlures, James et sa difficulté à trouver sa place, leurs enfants, pièces complémentaires sur lesquelles sont projetées leurs propres aspirations. Et j'ai embarqué vers ce « pourquoi ? », vers ces réponses que l'on cherche, les pages défilant sans que je sois capable d'arrêter ma lecture.
Encore une fois, une très jolie découverte de la part des Editions Sonatine...
Lien :
http://lelivrevie.blogspot.f..