Septembre 1998 : dans le numéro 33 de Gen13 et dans le numéro 6 de C-23 apparaissent 8 pages d'une nouvelle série dénommée Planetary. Avril 1999 : premier numéro de Planetary. Octobre 2009 : la série se conclut avec l'épisode n° 27. Ces épisodes ont été regroupés dans 5 tomes dont celui-ci est le premier.
Dans une roulotte métallique perdue au milieu d'une zone désertique, Elijah Snow, unique client, sirote un café infâme et douteux. Une femme Jakita Wagner) fait irruption pour l'enrôler dans une organisation mystérieuse dénommée Planetary avec un salai
re d'un million de dollars par an. Elijah Snow rencontre rapidement le troisième membre répondant au surnom de The Drummer, pas très sain d'esprit et toujours avec ses 2 baguettes de batterie. Ensemble ils se rendent dans des lieux où des phénomènes paranormaux ont eu lieu ou sont en train de se produire. Ainsi ils vont retrouver Axel Brass (copie conforme de Doc Savage), se rendre sur une île où gisent les restes des cousins de Godzilla, croiser le spect
re d'un flic pas content à Hong Kong, découvrir un vaisseau interdimensionnel souffrant du mal du pays, partir à la recherche que 4 astronautes portés disparus dans un incident cosmique (toute ressemblance avec les Fantastic Four est faite exprès) et effectuer un retour sur le rôle d'Alex Brass dans les années 1940.
John Cassaday illustre chacun des épisodes (1 à 6), ainsi que le prélude de 8 pages. Il n'est pas encore victime des tics qui l'encombreront dans Astonishing X-Men. Ses personnages sont tous dotés d'une très forte identité visuelle. Les attitudes et les postures semblent toutes naturelles sans être forcées. Les expressions des visages jouent dans la sobriété ce qui ajoute de la crédibilité à chaque individu. Et
John Cassaday réussit la gageu
re de donner une apparence visuelle inventive à tous les concepts échevelés du scénario, même les plus extraordinaires (un flocon de neige existant dans un espace à 196.833 dimensions).
Cassaday est un concepteur graphique d'une force évocatrice exceptionnelle. La contrepartie est que ses planches semblent parfois un peu statiques et que lorsqu'il maîtrise mal son sujet le résultat est risible (sa conception de l'espace urbain dans Hong Kong avec des rues désertes et des largeurs de voie irréalistes).
Warren Ellis est un auteur très prolifique qui n'accorde pas toujours le temps suffisant pour développer ses projets. Planetary se range dans l'autre catégorie : celle des projets méticuleusement conçus du début à la fin avant la parution du premier épisode. L'équipe de Planetary va de découvertes magnifiques en découvertes merveilleuses. Ils exhument des concepts tous plus ébouriffants les uns que les autres. Et lorsqu'ils doivent passer à l'action, ils mettent en oeuvre leurs pouvoirs de façon parcimonieuse et efficace. Il n'y a pas de bataille étirée en longueur pour le plaisir des effets pyrotechniques. Chaque scène est ramassée pour ne garder que l'essentiel et viser une efficacité maximale.
Au-delà de ce plaisir immédiat des aventures intrigantes du trio, le lecteur savoure pleinement le voyage auquel il est invité.
Warren Ellis revisite un à un les mythes fondateurs des comics de superhéros en leur imprimant sa marque si particulière. On peut comparer sa démarche à celle d'
Alan Moore dans La ligue des gentlemen extraordinaires : intégrer dans un univers cohérent des héros provenant de sources hétérogènes. Mais là où
Alan Moore va puiser dans la littératu
re du dix-huitième et du dix-neuvième siècle,
Warren Ellis va chercher dans le vingtième siècle et partout ou les superpouvoirs affleurent.
Cette histoire est bâtie comme un mystère autour de cette équipe qui est rémunérée par un commanditaire anonyme richissime, avec des indices semés parcimonieusement. Elle recèle une part importante de merveilleux grâce aux trouvailles effectués par ces archéologues très spéciaux et elle dégage un enivrant parfum de connivence quand le lecteur se sent de plus en plus intelligent au fur et à mesure qu'il reconnaît les références (rien de trop élitiste pour un lecteur de comics : les Fantastic Four, Hulk, etc.). Il me tarde de connaître la suite dans le quatrième homme.