Celle que je suis

Ce qui compte, ce sont les racines. Plus elles sont grandes, plus elles puisent dans la terre la force qui les rendra vigoureuses. Le pot n’a guère d’importance : il se remplace.

Je me terre. Et je m'enterre. Ma seule évasion, encore et toujours, ce sont les livres. Leurs héros supplantent mes malheurs, leurs fantômes m'habitent avec persistance une fois l'histoire terminée. Ils restent en moi et je m'accroche à leur courage, à leur destinée, à leurs pensées qu'il m'arrive de faire miennes pour me donner l'illusion d'être ce s'ils sont et non plus ce que je suis moi. Les personnages sont devenus mes seuls amis.

Après le verbe aimer, aider est le plus beau verbe du monde.

Bertha von Suttner

Flocon avait bien raison : ressentir était décidément bien une porte ouverte aux souffrances.
Mieux valait rester vide à l’intérieur.

La réalité, c'est que tu es aujourd'hui recouverte de cicatrices. Dans tous les sens du terme. Aussi bien profondes qu'en surface. C'est triste, parfois grave, mais ce n'est pas insurmontable. On peut vivre avec des cicatrices. Elles nous rappellent juste un accident. Un évènement qui n'aurait pas dû se produire et qui a laissé des traces indélébiles que le temps pourra atténuer, mais jamais effacer. C'est comme ça. Ce qui compte, c'est ce que nous choisissons de faire de ce qui nous reste...

Profondément bouleversée par ces retrouvailles inattendues, elle ne parvenait plus à rationaliser. Cela était-il étonnant après une anesthésie émotionnelle volontaire de plusieurs années ? Après cette doctrine "s'endurcir pour ne rien ressentir" qu'elle s'était imposée et qui avait fini par porter ses fruits ? Ce mur de soutènement venait de s'effondrer, soufflé par des émotions innombrables et non identifiables. Et elle se retrouvait maintenant submergée par des souvenirs qu'elle ne parvenait pus à cloisonner.

S'habituer graduellement à l'intolérable mène à la passivité.

Plus de quinze ans qu'elle endurait cela. La peur au ventre dès que 19h30 approchaient, les tripes nouées dès qu'elle entendait cette maudite clef s'insérer dans le barillet, les claques reçues pour une omelette trop cuite ou un linge mal séché, les cheveux brutalement tirés ou les coups de poings encaissés pour apaiser une colère dont elle n'était pas responsable. Plus de quinze ans qui l'avaient transformée en ce qu'elle était aujourd'hui : l'ombre de son ombre, une proie en sursis.

Je crois qu’il est possible de se donner sans être possédée, et plus encore sans se déposséder de soi-même.(Page 407)

Les objets n’ont peut-être pas de mémoire, mais ils ont tous une histoire qui agite des souvenirs, dont nous restons parfois les otages. (Page 406)