C’est l’instrument qui ressemble le plus à la voix humaine page (193)
Traître était cet air vif - que se passait-il, pendant les nuits, pour que l'air soit toujours neuf au matin?
A la Schlague, elle se fit relayer par d’autres kapos. Il ne manquait pas de brutes à vouloir se défouler sur le corps frêle de CKZ 114.»
En vérité, la passion de la kapo Zdena croisait celle d'EPJ 327 : elle brûlait de connaître le prénom de CKZ 114. A force de rugir ce matricule quarante fois par jour, elle le trouvait insatisfaisant.
On peut aimer quelqu'un aussi longtemps qu'on peut le comprendre.
- Romain Gary a été prisonnier d'un camp allemand pendant la dernière guerre, reprit EPJ 327. Les conditions de survie des détenus étaient à peu près les mêmes que les nôtres. Je n'ai pas besoin de vous raconter combien c'est inhumain et, pire, déshumanisant. Contrairement à ici, les sexes étaient séparés. Dans son camp d'hommes, Gary voyait les détenus, comme lui, devenir de pauvres sauvages, des animaux souffrants. Ce qu'ils pensaient était une tragédie + grave que ce qu'ils enduraient. Leur pire tourment était qu'ils en étaient conscients. Continuellement humiliés de la portion congrue d'humanité à laquelle ils se trouvaient réduits, ils aspiraient à la mort.
Ce n'est pas pour rien que les humaines portent des noms à la place de matricules: le prénom est la clé de la personne. C'est le cliquetis délicat de sa serrure quand on veut ouvrir sa porte. C'est la musique métallique qui rend le don possible.
Le matricule est à la connaissance de l'autre ce que la carte d'identité est à la personne: rien.