« Quand on cesse d'avoir faim, cela s'appelle satiété. Quand on cesse d'être fatigué, cela s'appelle repos. Quand on cesse de souffrir, cela s'appelle réconfort. Cesser d'avoir
soif ne s'appelle pas. La langue dans sa sagesse a compris qu'il ne fallait pas créer d'antonyme à la
soif. »
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J'ai lu qu'
Amélie Nothomb était obsédée par Jésus Christ et qu'elle avait écrit «
Soif » pour donner sa version de la passion du Christ. L'auteure se met dans la peau de Jésus qui devient le narrateur de son histoire, de son procès à sa résurrection.
J'ai été curieuse de lire son roman et voir comment l'auteure traitait cette question épineuse, sujette à controverse. Il fallait oser réécrire l'évangile,
Amélie Nothomb l'a fait. Ce livre lui ressemble, original, inattendu, même si nous connaissons tous la fin…
« J'ai toujours su que l'on me condamnerait à mort. L'avantage de cette certitude, c'est que je peux accorder mon attention à ce qui le mérite : les détails. »
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L'auteure veut comprendre ce qui s'est passé dans la tête du Christ dans les heures de sa passion, lors de son procès, puis lors de sa dernière nuit, dans la solitude de son cachot, et enfin le jour du supplice.
Pourquoi le Christ a-t-il accepté cette fin « laide, grossière, humiliante » ? Quelles ont été ses dernières pensées ? A qui a-t-il pensé ? Quels souvenirs s'est-il remémoré ? Quel bilan fait-il de sa vie ?
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Jésus apparaît comme un homme simple, ordinaire, qui aime, qui éprouve du plaisir, qui doute, qui s'énerve, qui se repent. Ces quelques heures avant sa mort seront l'occasion de réfléchir sur de nombreux thèmes, comme sa relation avec son père, la foi, l'Amour, l'amitié, la nature humaine, la souffrance, la
soif bien-sûr, la mort, le pardon.
De nombreux proches du Christ vont ainsi se glisser dans ses réflexions, sa bien-aimée
Marie-Madeleine, Judas colérique et traitre, son ami Jean, sa douce mère Marie.
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Mon passage préféré est le tout premier, celui du procès. Sans doute parce que j'y ai retrouvé l'humour un peu caustique que j'aime tant chez cette auteure. de nombreux témoins, ayant assisté aux miracles du Christ, tous plus hypocrites les uns que les autres, défilent pour désapprouver l'attitude de Jésus et le faire condamner à mort. Ce passage est très révélateur de la bassesse humaine.
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Celui où j'ai été le moins convaincu est celui où Jésus accepte sa condamnation à mort.
Par contre, l'idée de la
soif, sensation douloureuse qui annihile toutes les autres par son intensité mystique, est originale et m'a plu.
« Pour éprouver la
soif, il faut être vivant. J'ai vécu si fort que je suis mort as
soiffé. »
« Il y a des gens qui pensent ne pas être des mystiques. Ils se trompent. Il suffit d'avoir crevé de
soif un moment pour accéder à ce statut. Et l'instant ineffable où l'as
soiffé porte à ses lèvres un gobelet d'eau, c'est Dieu. »
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L'écriture d'
Amélie Nothomb est toujours aussi pétillante, passionnée, audacieuse, à son image, même si j'avoue ne pas avoir été passionnée par le sujet.
"Une petite voix dans ma tête sussure : On t'a laissé ton pagne, ça pourrait être pire. La condition humaine entière se résume ainsi : ça pourrait être pire."
La lecture est plaisante, à mi-chemin entre le roman et l'essai. J'ai aimé ce Christ, son humanité, sa fragilité, des interrogations, ses peurs, même si certains lecteurs reprocheront à l'auteure sa trop grande liberté d'interprétation des textes saints, lorsqu'elle évoque par exemple la relation amoureuse du Christ avec
Marie-Madeleine, ou lorsqu'elle dément certains passages des écritures.
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Vous l'aurez deviné, pas un coup de coeur, mais un agréable moment de lecture. Je préfère l'auteure dans un registre plus humoristique, malicieux, sarcastique.