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3,2

sur 2223 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Amélie Nothomb est une écrivaine à part.
On aime ou on n'aime pas; On accroche ou pas.
Quant à moi, j'adore... à petite dose.
Un livre de temps en temps. Et toujours, ses romans m'interpellent. Positivement ou pas. Mais rarement je ne reste indifférente à ses écrits.
Soif ne fait pas exception. Quel culot a cette auteure d'écrire sur Jésus, de sa condamnation à sa résurrection !! Ici, Amélie Nothomb se met à la place de Jésus et écrit son ressenti. Bravo pour ce pari. Il fallait oser le faire, et elle l'a fait !
Un petit roman qui permet ainsi d'évoquer de nombreux sujets philosophiques de façon assez légère : la foi, l'amour, la mort, le regard des autres.
Ce que j'aime chez Amélie Nothomb, c'est qu'en peu de pages, elle va directement au but. Et, effectivement, ça passe ou ça casse. Personnellement, je la trouve percutante et le lecteur ne peut que réagir, que ce soit par une réflexion personnelle ou un rejet direct. Bref, c'est efficace !
Soif permet d'envisager aussi l'Histoire de façon différente, plus humaine. Cette Histoire évoquée n'a été que le résultat des hommes et de leurs interprétation au fil des siècles. Et cela pour des siècles et des siècles...
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Un texte d'une grande subtilité, d'une profondeur notoire et d'une tenue stylistique majoritairement plaisante, mélangeant incarnation, carnation, peau, écorce. Sensations. Un texte très, très, physique.

Une lecture qui m'a bien surpris. J'avais lu, il y a quelques semaine une bien curieuse et agréable « autobiographie » de Jésus (Yéshoua de Chloé Dubreuil) et, par un hasard bienvenu, me voici plongé de nouveau dans un texte très original nous contant les dernières heures de Jésus.

Alors, évidemment, la tentation m'est grande de comparer les deux romans.
Si le pavé de Chloé Dubreuil fleuretait souvent avec la poésie par sa forme et ses idées, l'homme Jésus était présenté comme un simple être humain, occultant adroitement tout miracle.
Ce court roman d'Amélie Nothomb, lui, ne fait guère de place à la poésie mais nous livre des idées originales, nous assène de belles vérités quant à la nature humaine, quant à l'amour, quant à la douleur et à la mort.
Jésus s'y présente bien comme cet homme dans lequel Dieu s'est incarné, devenant son père.
Un père que son fils déjuge, trouve maladroit car privé d'un corps véritable.
D'un corps capable de ressentir la douleur, l'amour d'un seul et non de l'humanité.
D'un corps capable de ressentir la mort.
D'un corps capable de ressentir la….soif.
Dieu, son père, est amour. Mais est-il le Bien ?
A juger de sa bévue, en suppliciant son fils ou même en ayant créé des êtres capables d'inventer un tel supplice, il nous faut en douter, nous fait-il comprendre.


J'ai été très sensible à l'abandon total – « j'ai cessé d'exister » - que Jésus doit atteindre pour réaliser ses miracles. Un abandon proche, s'il n'est carrément pas de la même essence, de l'éveil du Bouddha
Cet abandon est prétexte original à la mise en avant de la notion de carnation, de peau, d'écorce sous jacente. Curieuse géométrie qui place l'écorce sous la peau. Mais cette écorce nothombienne est une structure. La structure véritable de l'être humain, celle qui le lie à l'univers et sans doute à Dieu.
« Ce que l'esprit ne comprend pas, le corps le saisit ». Encore faut-il que l'esprit se taise.

J'ai aimé encore à cette soif guettée, recherchée, garante du divin. Mais là je n'en dis pas trop car elle est l'axe de ce roman qu'il faut découvrir.

J'ai aimé, toujours, les pages magnifiques qu'Amélie Nothomb nous livre sur la résurrection du Christ contée par lui-même. Un moment d'une grande gaîté à mille lieues des ténèbres religieuses. Une sorte d'évidence.

J'ai enfin beaucoup aimé cette remarque de l'auteur dans sa conclusion
« Croire » et « avoir la foi » sont des verbes qui se doivent d'être conjugués à la forme intransitive pour devenir magnifiques.

Je ne connais pas encore bien l'oeuvre d'Amélie Nothomb. J'ai entendu dire dans les couloirs, qu'elle passait pour être assez irrégulière dans la qualité de ses écrits (j'en ai croisé). Mais j'avoue avoir été épaté par ce brillant texte.




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On attend toujours avec impatience le dernier livre d'Amélie Nothomb lors de la rentrée littéraire, ce à quoi elle se tient d'ailleurs et l'on est rarement déçu. Ici, notre chère romancière adorée s'attaque à un sujet assez épineux : celui de la fin de vie de Jésus, mais non pas en tant que fils de Dieu uniquement mais surtout en tant qu'homme et je dois dire que le challenge qu'elle s'était fixée, très ambitieux, est assez réussi !

Quelle furent les dernière pensées de cet homme ? Serait-ce celles que les évangélistes lui attribuent-il ou des pensées tout simplement plus terrestres comme, par exemple, comme le titre de l'ouvrage l'indique, celui de la soif par exemple ? Pour la romancière, le personnage attribue une trinité qui n'est pas celle de la religion mais celle de l'amour, la mort et la soif qui seraient les trois grands piliers de l'existence humaine ! Oui, ici, Jésus fut bel et bien avant tout un homme, qui a aimé, souffert, est de par trois fois tombé en portant sa croix, a "bouffé" de la boue et tout cela pour quoi ? Finir, comme tout le monde le sait, crucifié ! Mais si sa vie avait pris un tout autre tournant ? Si Jésus avait décidé, comme tout humain, de refuser son destin et de succomber à la passion amoureuse, que ce serait-il passé ? de telles pensées lui ont-elles traversées l'esprit ? Je ne peux que vous inviter à le découvrir au travers de cet ouvrage, extrêmement bien écrit (comme d'habitude) et qui se lit à une vitesse foudroyante (comme d'habitude) !
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La « Nothomb mania » a encore frappé !
Et malgré la déception de ces dernières années, je me suis ruée dans ma librairie pour m'accaparer ce dernier opus, sans même savoir d'ailleurs quel en était le sujet, mais avec l'intuition que ce serait mieux. En effet, où s'étaient donc évanouies ces heures délicieuses passées à lire Hygiène de l'assassin, Stupeur et tremblements, Métaphysique des tubes... ? C'était forcément la bonne année et le bon cru !

Et cela démarrait bien. D'abord le titre énigmatique « Soif », puis l'unique phrase aux accents philosophiques de la quatrième de couverture « Pour éprouver la soif, il faut être vivant. ». Mon intérêt est de suite titillé mais vite refroidi quand je comprends que le sujet du livre, c'est Jésus et son calvaire.
Néanmoins, dès les premières lignes, Amélie nous sert sa fameuse verve légendaire et ses pointes humoristiques voire sarcastiques. Et on se délecte d'autant plus que le projet est sacrément ambitieux : plonger dans les pensées, les réflexions, les sentiments de Jésus et éprouver aussi ses sensations.
On pourrait même dire que l'idée est osée en ces temps plutôt obscurs où la religion est devenue quasiment un sujet tabou. Est-ce une oeuvre engagée et politique ? Amélie aurait-elle pris ce risque ?
En tout cas, elle nous présente une réécriture bien plus vraisemblable des derniers moments du fils de Dieu. On suit la chronologie des faits, de la trahison à la crucifixion. Au travers des ses perceptions physiques et ses interrogations métaphysiques, le lecteur est interpellé sur ses propres croyances. le Jésus d'Amélie ne perd pas sa dimension divine mais fait prévaloir avec enthousiasme son corps et tout ce qui constitue sa condition d'homme : peur, colère, stupéfaction, amour, plaisir, soif...tout y passe. le Jésus incarné semble l'emporter sur le Jésus divin, même si l'être humain est bien égratigné quand même (on n'oublie pas ses travers comme la bêtise et la cruauté). La figure iconique et mythique laisse davantage place à l'homme qui vit, qui aime et qui va subir des tortures extrêmes jusqu'à la mort.
Je n'y vois aucun blasphème mais un exercice littéraire original et audacieux qui replace le divin dans une relation plus horizontale avec l'homme, moins dangereuse car moins propice au fanatisme. Et on sait qu'Amélie aime « s'amuser », elle joue et provoque sans doute un peu (surtout quand elle revient sur la supposée relation de Jésus avec Marie-Madeleine).

Pour autant, c'est une oeuvre qui peut paraître inhabituelle dans la bibliographie de l'autrice (assez perchée ou mystique tout de même) et qui va sans doute étonner, diviser voire déplaire. Moi-même, je reconnais avoir été assez déstabilisée et ne pas avoir été suffisamment captivée à mon goût. Il faut certainement prendre du recul et se détacher de l'image commerciale d'Amélie pour vraiment apprécier ce « presque » ovni nothombien. Force est de reconnaître qu'il y a du génie dans cette production, des saillies à méditer et des questions qui ouvrent le débat.
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Vers quel mystère allons nous cheminer avec Amélie Nothomb. le mystère de Jésus. Avec ce dernier mot de Jésus  "Soif", cette supplique devient le titre de son livre événement.
Car c'est Jésus qui nous parle, qui nous a écrit, à nous pauvres pêcheurs des lacs ou des océans de l'âme humaine.


Est-ce le premier écrit sur la passion du Christ, non.
Des textes sur la passion sont nombreux , Eh oui !
Un me tient à coeur, celui de Pierre Gillet , mon prof de français, cette passion fut jouée à l'église de St germain des prés, en 1964, avec comme acteurs,
Emmanuel Delivet et un certain Michel...
Des textes écrits par Jésus ? Aucun. Bravo Amélie c'est le 1er. Jehan Rictus a écrit un fameux texte poétique en se regardant dans une devanture, "Le Revenant" :


Car il disait à ses Apôtres :
Aimez-vous ben les uns les autres,
Faut tous êt' copains su' la Terre,
Faudrait voir à c' qu'y gn'ait pus d' guerres
Et voir à n' pus s' buter dans l' nez,
Autrement vous s'rez tous damnés.

L' mec qu'était gobé par les femmes
(Au point qu' c'en était scandaleux),
L'Homme aux beaux yeux, l'Homme aux beaux rêves
Eul' l' charpentier toujours en grève,
L'artiss', le meneur, l'anarcho,

Si qu'y r'viendrait ! Si qu'y r'viendrait,
Le revenant

Soif est un beau titre, aux multiples entrées, Soif ou fois, donc Foi et soi. Une invitation à être soi face à la foi.
En 2019 comment imaginer des messages de Jésus encore porteurs de sens et lesquels !


Il y a une réplique, que j'ai extrait de la page 42 : "ce que l'esprit ne comprend pas le corps le saisit" . On la retrouve dans "habiter son corps", ou "l'idée géniale de l'incarnation", extrait du parler Nothombien.
Un sacré petit galet qui fait trembler le synode.


Avant l'incarnation je n'avais pas de poids. le paradoxe, c'est qu'il faut peser pour connaître la légèreté, écrit jésus page 27.
C'est sur ce point que je trouve la démarche d'Amélie Nothomb si actuelle, et sa démonstration si originale. Ce n'est plus Dieu que nous avons en face de nous mais un homme comme les autres hommes, avouant que ce qui est sacré est humain et que tout ce qui est humain est sacré.


Que la soif ressentie par Jésus, et sa façon de déguster cette boisson infâme, exprime la force incroyable de son incarnation. le corps n'est plus tabou.
Sartre lui même doit pester contre ce livre, lui qui avait la nausée de son propre corps ( "Les mots").

On peut penser alors à ces grévistes irlandais qui pour défendre leur cause n'ont pas voulu céder à cette soif parce qu'il voulait que leur cause soit fracassante et puisse aller au plus insoutenable de la condition humaine, la soif.


Ce jésus d' Amélie Nothomb est un Jésus vivant, au combien vivant et pour être vivant, il faut éprouver la soif sur la croix comme aux noces de Cana. Amélie Nothomb multiplie les manifestations de vie, et de présence charnelle.
Ainsi Jésus n'a jamais cessé "d'éprouver ce qui en valait la peine", il ajoute "en vérité il n'y a pas de limite à ce qu'on appelle vivre" par contre "se sentir plus intelligent qu'autrui est toujours le signe d'une défaillance".


Bien sûr, il y aurait bien des réserves à exprimer, des lacunes, des manques, je pense tout particulièrement à la place étriquée laissée aux apôtres et disciples. Et si elle parle de Judas le discours qu'elle tient me parait bien confus, par rapport aux multiples livres qui ont traité le sujet de la relation entre Judas et Jésus.


En réhabilitant la vie, elle a réhabilité la femme engagée, la mère et l'amante. C'est l'amour qui est réhabilité comme l'ont fait les poètes comme Jehan Rictus et Xavier Grall.
Un texte de plus pour dire "le Courage d'être" pour reprendre le titre d'un philosophe qui a défié le Reich, Paul Tillitch.

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Certains crient au scandale.
D'autres dénoncent un navet littéraire.
Moi, j'ai une fois de plus décidé de faire confiance à Amélie Nothomb, à son talent et son expérience, pour entrer dans ce récit avec une attitude curieuse et une grande ouverture d'esprit.
Il fallait oser se glisser dans la peau de Jésus pour expérimenter, vivre et décrire sa Passion.
Il fallait connaître les récits bibliques, les interprétations théologiques, les lieux saints pour arriver à situer l'histoire dans son contexte historico-religieux de manière précise.
Il fallait oser affronter les critiques des croyants montant aux barricades lorsqu'on ose questionner leur foi, leur Dieu.
Il fallait oser choisir ce thème chrétien dans notre monde où la laïcité prend souvent visage d'anti-cléricalisme, d'anti-religieux.
Il fallait oser faire dialoguer le Père et le Fils dans une attitude toute humaine, empreinte de reproches et de respect.
Il fallait oser écrire Soif.
Amélie Nothomb l'a fait et l'a bien fait.

J'ai été émerveillée par la première partie du roman qui décrit les questionnements de Jésus au moment de son arrestation, de la souffrance qu'il endure, de la relation à son Père. Jamais je n'avais imaginé un tel point de vue. Les pistes de réflexion y sont nombreuses pour la croyante que je suis. Je n'ai pas fini d'y réfléchir.
Et puis j'ai été fascinée par le traitement du thème de la soif, fil rouge de ce roman. La soif comme expression de l'incarnation par excellence.
C'est superbe !
Plus jamais je n'aurai soif de la même manière.

Cela se gâte hélas dans les derniers chapitres, lorsque Jésus est mort.
En quelques pages, Amélie Nothomb aborde tous les sujets plus mystérieux, plus philosophiques et théologiques les uns que les autres et en fait un melting-pot indigeste et complexe.
Enfer et paradis, communication avec les morts, résurrection, conscience des défunts, interactions... Tant de sujets qui auraient mérité un développement bien plus important.
La fin semble bâclée. Et c'est bien dommage car elle jette un voile de discrédit sur cet ouvrage pourtant très intime, dense et fort bien documenté.

"Jean 4, 14 : "Celui qui boit de cette eau n'aura plus jamais soif." Pourquoi mon disciple préféré profère-t-il un tel contresens. L'amour de Dieu, c'est l'eau qui n'étanche jamais. Plus on en boit, plus on a soif. Enfin une jouissance qui ne diminue pas le désir !"

Plus on en boit, plus on a soif. Cela est valable pour les livres d'Amélie Nothomb. Je ne suis pas désaltérée de son travail d'auteur, de son imagination, de sa créativité, de ses tournures de phrase, de sa passion des mots. Je reste curieuse et émerveillée.
J'en boirai encore !
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Un autre petit roman de Nothomb, qui change de la série de reprise de contes de fées. (À moins que l'on considère que c'est dans la même veine…!!)

C'est assez étonnant qu'un bouquin génère autant de critiques divergentes et autant de commentaires. Des lecteurs ont adoré, d'autres ont abhorré. Il faut dire que les exigences sont grandes quand il s'agit d'une auteure chevronnée, aux revenus littéraires assurés…
Pour ma part, je n'ai pas été déçue. Pour moi, Nothomb n'est pas une idole (ou un Dieu) et mes attentes étaient réduites au vu des critiques en tête de liste sur Babelio.

C'est un livre qui a une certaine audace, puisque c'est Jésus qui en est le narrateur. le roman commence au moment où le Christ est jugé par Pilate et se termine à la résurrection. C'est un Jésus amoureux de Marie Madeleine, un fils qui admire sa mère et a une relation ambiguë avec son Père céleste qui lui inflige ce cruel destin. Des moments de souffrance et de doute…

Bien sûr, un Xième remake d'une histoire vieille de 2000 ans n'est pas absent de clichés. C'est du connu, parfois redondant, mais l'angle de la narration est intéressant : ce Jésus plus homme que Dieu, cet amoureux qui a soif et qui se meurt est somme toute sympathique.

Un court roman, que je n'aurais pas voulu plus long, mais dont j'ai quand même apprécié la lecture…
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Je ne suis pas à proprement parler un nothombophile, mais je ne suis pas non plus un nothombophobe ; la preuve en est que j'ai lu quelques-uns des bouquins d'Amélie, dont ce dernier... à propos duquel je vais m'efforcer de vous dire quelques mots.
Ce ne sera pas tâche facile... parce que la tâche n'est pas facile.
De plus, après avoir pris connaissance de quelques critiques et de leurs tombereaux de véhémences, il n'est pas aisé de trouver la voie du milieu.
À propos de critiques, si j'utilise le mot véhémences ( pour les puristes, le pluriel est valide ), c'est bien sûr à dessein.
J'ai en effet été surpris de lire des billets qui tenaient davantage du scatologique que de l'eschatologique.
Pourquoi donc cette exacerbation de ce petit exercice littéraire qu'est la relation d'une lecture ?
Je ne vois aucune autre explication à ce déchaînement des passions si ce n'est qu'Amélie Nothomb, consciemment ou pas, fait figure, aux yeux de certains d'apostate.
Car en choisissant d'évoquer la passion du Christ, en faisant de Jésus un homme, simplement un homme en butte à sa relation au corps, en consacrant 125 pages à "ça"... il était acquis qu'elle allait ébranler quelques surmoi.
Après avoir terminé la lecture de - Soif -, ma fille m'a demandé ce qu'en j'en pensais... à savoir si c'est un livre que je lui conseillais.
D'ordinaire, lorsqu'il s'agit d'autres lectures, ma réponse ne tarde pas.
Là, je lui ai dit...
Mais avant de vous révéler ce que fut ma réponse, j'aimerais poser comme postulat qu'Amélie Nothomb est indubitablement à mes yeux une écrivaine de talent, une femme intelligente, très érudite, fine, subtile, cultivant avec bonheur l'humour et le sens de la formule.
Son oeuvre est , toujours pour ce qui me concerne, caractérisée d'une part par une "création" inégale, et d'autre par par la tentation de l'abandon au facile... qui est une des marques de beaucoup de surdoués.
J'ai donc essayé d'expliquer à ma fille que, pour une fois, il m'était difficile de lui répondre de manière assurée.
Que je faisais un parallèle entre la lecture de ce livre et l'approche de chacun au mystère, à la croyance, à la foi.
Que chacun ne pouvait le lire qu'à partir d'un "intime" qu'il est difficile de partager.
Qu'on peut être bénédictine ou franciscain, vivre dans la même communauté, partager les mêmes règles, les mêmes rites ; la foi de chaque soeur, de chaque frère, est unique et, contrairement aux apparences, ne ressemble pas, ne peut être expliquée à la soeur ou au frère dont on se sent le plus proche.
Bref, que connaissant Amélie Nothomb, ma "vérité" sur ce livre ne sera jamais la sienne ni la vôtre.
Jésus est donc humanisé.
Jésus est de chair et d'os.
Livré à Pilate, on fait son procès.
Les 37 miracles qu'il a accomplis, lui sont reprochés par ceux-là mêmes qui en ont été les "heureux" bénéficiaires.
L'époux des noces de Cana, au cours desquelles Jésus changea l'eau en vin, dénonce le fait "qu'à cause de lui, on a servi le meilleur vin après le moyen. Nous avons été la risée du village".
L'ex-possédé de Capharnaüm se lamente : " Ma vie est devenue d'une platitude depuis l'exorcisme !"
L'ancien aveugle se plaint de la laideur du monde.
Quant à Lazare, il lui est odieux de vivre avec une odeur de cadavre qui lui colle à la peau.
On connaît la suite : Jésus est coupable et sera crucifié.
Pas tout de suite... licence "évangélique".
Le lendemain.
Jésus passe sa dernière nuit dans une geôle.
Il est confronté à la solitude, à la peur de la souffrance que son corps va devoir endurer, à l'envie de dormir et au sommeil qui ne vient pas, à la soif... à ses souvenirs.
Dans ses souvenirs revient le choix de naître dans ce pays de chaleur et de soleil... ce pays où il fait souvent soif.
Là est l'allégorie voulue par l'auteure : la soif.
Car la soif est, à ses yeux, synonyme d'élan mystique.
"L'instant ineffable ( gardez cet adjectif en mémoire ) où l'assoiffé porte à ses lèvres un gobelet d'eau, c'est Dieu... C'est un instant d'amour absolu et d'émerveillement sans bornes. Celui qui le vit est forcément pur et noble, aussi longtemps que cela dure. Je suis venu enseigner cela et rien d'autre. Ma parole est d'une simplicité telle qu'elle déconcerte.".
Tout est là.
Pour certains, cela sera l'objet d'une risée que l'on retrouve dans quelques commentaires... et je ne leur en fais pas reproche.
Pour d'autres, dont je fais partie, et sans être un mystique... tout au moins pas un mystique professionnel, cela va réveiller des souvenirs personnels, convoquer quelques évocations, susciter réflexions et questions.
J'ai vécu trois expériences où j'ai été confronté à l'extrême soif.
Enfant, après une intervention chirurgicale, je me trouvais en salle de réveil... je mourais de soif... il était trop tôt pour que l'on me donne à boire.
De temps en temps, une infirmière me mouillait les lèvres et la langue avec une compresse humide de thé glacé... ces instants étaient divins !
S'il y avait un Dieu, il était dans ce thé glacé dont le contact seul me faisait tutoyer les anges. Ressentir ce qu'était la joie pure !
Adulte, devant encore subir une intervention chirurgicale sous neuroleptanalgésie ( sédation consciente )... j'étais à jeun depuis la veille minuit.
Au bloc, ma bouche était empâtée de soif, ma langue rôtie ne pouvait plus articuler une voyelle... Quelle délivrance ce fut lorsqu'à midi je pus enfin boire un peu d'eau !
Il y a quelques années, lors d'un séjour au Maroc, je me baladais près de Merzouga... le soleil n'allait pas tarder à se coucher.
La plus haute dune nous tendait les bras.
Imprudemment, nous avons décidé de l'escalader.
Nous étions trois.
Quinze minutes plus tard... j'étais seul mais décidé à atteindre le sommet.
Je n'avais plus d'eau.
Mon coeur tambourinait à plus de 400 roulements/minute.
J'ai cru que j'allais mourir d'épuisement et... de soif.
J'ai atteint le sommet... il y avait deux Marocains... qui ont partagé avec moi leur réserve d'eau. La fraternité, le miracle et le soleil couchant.
Une fois encore, l'Absolu était là dans son extrême simplicité et dans sa générosité nue, innocente, dépourvue de toute attente.
Il y a eu dans ces trois expériences quelque chose de ce que vivent les ermites, les mystiques.
Il y a eu cet instant ineffable...
Après cette nuit, Jésus vit ce qu'on appelle la "passion"... le chemin de croix, le Golgotha, la crucifixion ( le moment le plus fort pour Jésus mourant de soif, c'est l'éponge imbibée d'eau vinaigrée que lui tend un légionnaire au bout de sa lance ), la mort, et ce qui serait selon certains la résurrection.
Tout est vécu de la façon la plus "humaine" qui soit : à travers ce que vit le corps et ce que ce corps induit au niveau de l'esprit.
La soif est omniprésente.
La soif de vie, la soif d'aimer, la soif de comprendre, la soif de... lire.
On fait grief à Amélie Nothomb des anachronismes...
Un peu d'humour, que diable !
Oups... ne viens-je pas de blasphémer ?
On lui fait de mauvais procès... parce qu'elle cite Malherbe ou Thérèse d'Avila, parce qu'elle pêlemêle du grec et de l'araméen, qu'elle étymologise à tort.
Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première racine latine... !
Je ne sais pas si j'ai réussi à faire comprendre à quel point, si l'on veut lire ce livre, il est pour une fois de peu de secours de faire appel aux critiques pour se décider.
J'ai passé deux heures dans le désert... j'ai eu soif... la suite n'appartient qu'à moi.

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« Pour éprouver la soif, il faut être vivant » nous indique la quatrième de couverture et ainsi commence le voyage…

On assiste au procès de Jésus : audition des témoins, tous mécontents du miracle qu'il leur accordé, la trahison de Judas, la condamnation, le chemin de croix et la Crucifixion et tout ceci est raconté par Jésus lui-même, qui nous livre ses différents ressentis.

L'auteure évoque ainsi les mystères de l'incarnation, le corps de Jésus qui souffre, qui comprend qu'il s'est fourvoyé au nom de l'amour et se retrouve contraint d'accepter la condamnation ainsi que sa réflexion sur la mort, comment il la ressent dans ce corps…

On apprend des vérités si fortes qu'en ayant soif, qu'en éprouvant l'amour et en mourant : trois activités qui nécessitent un corps. L'âme y est indispensable aussi, bien sûr, mais ne peut en aucun cas y suffire.

Au début, j'ai trouvé l'idée et le récit amusants, Jésus qui réfléchit et éprouve la souffrance, décrivant en détails, la flagellation, la croix à porter, les clous qui pénètrent dans les mains et les pieds, l'expérience inégalable de la soif, voire la sublimation …

Peu à peu, le récit devient peu crédible, Jésus évoquant Pascal, entre autres, et Amélie surgit dans les réflexions de Jésus…

J'avais décidé de boycotter le livre à sa sortie, le sujet en lui-même me paraissant quelque peu présomptueux, et j'ai changé d'avis après avoir lu dans « Psychopompe » que le père de l'auteure avait beaucoup apprécié « Soif », alors pourquoi pas ? En tout cas, il fallait oser s'attaquer à un tel sujet…

Je voudrais quand même rendre hommage à la plume d'Amélie Nothomb, son style incisif, voire caustique et la manière dont elle manie la langue française, ce qui n'est pas toujours le cas avec les auteurs actuels.

Je le reconnais aisément, je ne me suis pas trop investie pour rédiger cette chronique… Lecture intéressante, entre deux romans plus denses, mais qu'en restera-t-il dans un mois dans un an ?
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Comme tous les ans, à cette même période de rentrée littéraire, je me suis offert ma petite Madeleine de Proust ... à savoir, la dernière production d'Amélie Nothomb.
Je sais que cet(te) auteur(e) ne laisse pas souvent indifférent. Soit on l'aime, soit on ne l'aime pas. Et souvent pour des raisons bien différentes. En ce qui me concerne, même quand sa production de l'année me plait moins, cela reste toujours un plaisir de la lire. Je suis tout simplement sous le charme de sa prose et de sa maîtrise si particulière de la langue française.

Alors, que penses-tu de la dernière sortie d'Amélie? me demanderez-vous.

Je dois dire que s'attaquer à la passion du Christ et à ses dernières pensées sur la croix avant de rendre son dernier souffle a de quoi séduire et a tout le moins le mérite d'être très osé. Malheureusement, en ce qui me concerne, la sauce n'a pas pris.

Toutefois, ne me faites toutefois pas dire ce que je n'ai pas dit ! J'ai dévoré ce roman comme toujours car l'écriture est fluide et extrêmement agréable. Mais, ce livre ne me laissera pas un souvenir impérissable, je l'associe plus à un essai qu'à un réel roman.

Dans le même genre, je viens de terminer Apocryphe de René Manzor et celui-là me laissera un souvenir bien plus impérissable que Soif.

A charge de revanche Madame Nothomb ! Je vous donne rendez-vous l'an prochain, même jour, même heure et même endroit !
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