J'ai retrouvé avec délectation la plume de
Naomi Novik, que j'avais adoré dans "
Déracinée". J'y ai trouvé quelques (lointaines) ressemblances : une histoire qui se déroule comme un conte, un univers merveilleux - mais impitoyable, des héroïnes féminines au caractère bien trempé.
Contrairement à "
Déracinée, où l'on suivait un seul personnage, ici on alterne entre les points de vue de Miryem, Irina et Wanda (et aussi un peu de son petit frère Stepon). 3 femmes très différentes, mais qui, toutes les trois, sauront gagner leur indépendance grâce à leur intelligence et leur volonté de s'en sortir.
L'histoire prend place dans univers glacial. Je ne suis pas certaine que le lieu existe réellement, disons donc que nous sommes dans un village slave. Les descriptions, au demeurant sublimes, nous font apprécier de lire ce roman sous un plaid, tant la neige semble tomber autour de nous pendant la lecture. Il y a une véritable ode à la nature, mais aussi à l'implacabilité de ces régions dont je peine à réaliser la morsure mortelle du froid.
On suit tout d'abord Miryem, une jeune fille très futée et implacable, qui décide de prendre l'avenir de sa famille en main, lassée de voir la couardise de son père, prêteur sur gages qui ne demande jamais à être remboursé. Elle s'efforce d'être froide, de ne laisser aucune prise aux avis des autres, et l'on suit ses pensées, touchés malgré nous, parfois en nous demandant si on arrive à être empathique... Et pourtant, on ne peut s'empêcher de l'admirer.
Irina est également très intéressante, présenté d'abord comme un pion que son père compte utiliser à des fins politiques, elle se révèlera bien plus futée qu'elle ne le montre, jusqu'à un final juste explosif. C'est clairement elle qui sauve la situation, par son intelligence et sa présence d'esprit, dans un retournement de situation digne des meilleurs contes.
Enfin, Wanda est une paysanne qui a manqué de tout, mais qui apprend vite également, et c'est un bonheur de la voir apprendre à lire et à compter en ayant l'impression de faire de la magie - mais Irina et Miryem ne nous enseignent-elles pas que bien savoir utiliser sa tête est la plus grande des magies ?!
J'ai été très étonnée de voir dans cet ouvrage de fantasy des personnages juifs, qui se revendiquent comme tels, qui sont critiqués pour cela, avec antisémitisme que l'on peut connaitre de notre monde. J'ai trouvé intéressant que cette culture se fasse une petite place dans ce roman, et j'ai appris quelques petites choses que j'ignorai (et je m'aperçois d'ailleurs que je ne connais pas grand chose à cette culture). Shabbat, notamment. Peut-être d'autres choses que j'ai loupé par ignorance également ! le mélange est surprenant, mais pas dérangeant du tout, et même tout à fait louable.
Les histoires de ces 3 femmes finissent par se rejoindre, comme on pouvait s'y attendre, pour un final absolument parfait, loin d'être prévisible, tant à un moment, on craint même un final plus que tragique pour tout le monde. Ma seule critique sera liée à quelques longueurs : si j'ai trouvé très intéressant les différents points de vue, chacun s'exprimant à sa manière sans qu'on ai besoin qu'on nous dise explicitement qui parle, le petit frère, Stepon, et sa façon candide et enfantine de parler, m'a un peu ennuyé. C'était presque de trop, n'apportant pas grand chose, et surtout, si ça pouvait être mignon au début, ses interventions deviennent trop longues, et pas vraiment justifiées. le rythme s'en retrouvait un peu cassé, au point que l'on pouvait même se dire "Mais il ne va pas se taire, ce gosse, et nous laisser suivre les filles, bon sang ?!"
Mais c'est vraiment un très léger bémol, tant la lecture de l'ouvrage m'a enchanté, du début à la fin, cette fin qui m'a tiré des larmes et que j'ai trouvé d'une puissance folle.
Épique et beau, voilà les deux mots pour décrire cet ouvrage !
Oh, et girl power, évidement...