Moi seule trimballais le souvenir de ce qui avait été – la gloire du monde tel que je l’imaginais quand j’étais jeune, quand la passion semblait me faire accéder à un immense royaume, quand, parfois, j’avais l’impression de quitter la Terre pour m’élancer dans l’univers et y scintiller de tout mon être. Quand je ne me posais aucune question sur moi-même. Quand j’avais foi en tout.
Ne vous lamentez pas si la vie est injuste envers vous. Il n'y a pas de justice.
Globalement, je les (mes amis) aime comme ils sont et s'ils veulent rester comme ils sont et s'ils veulent rester tels, cela me convient. Alors je me suis aperçue que je n'avais jamais été aussi indulgente envers moi-même. Toute ma vie, je me suis enjoint de changer, de m'améliorer. Jamais je ne me suis traitée avec amour. Et c'a été comme si, enfin, je comprenais. S'aimer soi-même, ce n'est pas faire preuve de complaisance égoïste. L'amour peut nous ouvrir. Il peut nous adoucir et nous permettre d'échapper aux vieux moules. L'amour est une attention délicate et protectrice. En dirigeant cette attention vers soit-même, on permet aux pousses fragiles d'un nouveau moi de s'épanouir.
De fait, la marée finit toujours par s'inverser et, au fond de moi, un changement commençait à se faire jour. Deux ou trois signes sont venus m'indiquer que j'avais cessé de courir derrière un horizon qui s'éloignait sans cesse. je touchais au rivage.
Il n'y a rien d'amusant à se trouver encore jeune quand tout le monde vous trouve le contraire.
Il devait savoir , le jour où nous avions marché jusqu'à la Pigeon House, que je serais anéantie d'apprendre qu'il quittait l'Irlande - et pas dans un futur proche mais le soir même. C'était peut-être pour ça qu'il s'occupait si gentiment de mon projet éditorial. Pour réparer cette grande blessure. Après tout comme je l'avais écrit dans mon bout d'essai, l'âge mûr était celui des restitutions miraculeuses.
« Des maquereaux ! s’est exclamé mon père. Bon Dieu, un banc de maquereaux ! »
La surface s’est mise à bouillonner et les poissons ont environné le bateau, pressés de contourner l’obstacle ; Victimes de leur propre nombre, ils se sont trouvés projetés hors de l’eau, bondissant an arcs argentés au-dessus de la surface huileuse, métamorphosant le paysage en une frénésie de reflets verts, bleus et gris-noir. Le tout en silence, ou presque : on n’entendait qu’une succession de plufs et de bruits durs des maquereaux qui heurtaient le bois au fond de la barque où ceux qui avaient échoué frétillaient un instant avant de mourir.
Mon père était fou de joie : « Attendez un peu que Min voie ça ! C’est poissons qu’on va lui rapporter. Et tout ça sans canne à pêche ! »
C'est dans la librairie située face à Trinity College que j'ai déniché le premier trésor de la journée, un livre de portraits lithographiés dus à un artiste allemand. Ces portraits représentaient non des visages entiers, mais des yeux, et chaque paire d'yeux voisinaient avec un poème de style haîku de W. G. Sebald. La relation entre les mots et les images m'échappait, à mins qu'elle ne fût tonale, mais l'une des paires d'yeux était celle du chien de Sebald et ils étaient aussi tristes que ceux de leur maître. J'ai acheté le livre (...).
Attachez-vous non à ce qui aurait pu être, mais à ce qui est.
« Cette chose qui m’avait laissée avec des amis partout et nulle part, que j’avais volontairement payée de ma solitude, c’était la liberté de poursuivre le merveilleux. » (p. 410)