En 1914, deux bébés sont abandonnés à l'hôpital de la Miséricorde de Montréal à quelques jours d'intervalle. Ils sont surnommés Pierrot et Rose.
La vie à l'orphelinat est difficile et miséreuse: les soeurs n'ont que dégout pour ces enfants issus de situations illégitimes.Rose est prise en grippe par une des religieuses et manque de mourir sous ses coups. Tandis que cette même religieuse s'adonne à des pratiques pédophiles avec Pierrot.
Néanmoins les deux enfants parviennent à se créer un monde illusoire et magique, une bulle, où ils se retrouvent, où ils invitent, parfois, leur camarades. Ils vont développer de grandes capacités artistiques: Pierrot est un pianiste accompli, tandis que Rose est une excellente pantomime. Lorsqu'ils sont ensemble, leur numéro est exceptionnel de beauté et de grâce. Ils rendent les gens heureux.
Ils finissent évidemment par tomber amoureux, mais avant qu'ils n'aient le temps d'aller au bout de leurs sentiments, Pierrot est adopté par un vieil homme riche, M. Irving, qui est tombé sous le charme de son jeu au piano. de son côté, Rose est engagée comme gouvernante d'enfants chez l'un des plus importants mafieux de Montréal, MacMahon.
Pour chacun commence une vie de débrouille. Rose découvre l'emprise qu'elle peut avoir sur les hommes grâce au sexe. Elle devient la maîtresse de MacMahon. Avec lui, elle découvre le Montréal interlope des années 30, ses prostituées, ses cabarets…
Pierrot, à la mort de son bienfaiteur, se retrouve sans le sou. Il est contraint de vivre dans la rue où il devient héroïnomane. Afin de payer ses doses, il parvient à se faire engager comme pianiste dans un cinéma, et commet des cambriolages. Toutefois Rose n'a pas quitté son esprit, tout comme Pierrot n'a pas quitté celui de Rose.
Reprenant les codes du conte pour enfants, Heather O'Neill ne nous raconte pas une doucereuse bluette entre deux orphelins. Bien au contraire. Sous un vocabulaire presque naïf, elle dresse un terrible portrait de Montréal au temps de la grande dépression qui fait suite au krach de 1929. La mafia domine les rues, arrose policiers et politiques afin de tenir les débits de boissons, le commerce du sexe et celui de la drogue.
Elle raconte la misère du petit peuple: les files d'attente aux soupes populaires, le chômage, l'argent qui manque, la débrouille, l'entraide, mais aussi le désespoir. le désespoir qui pousse les filles à la prostitution ou au cinéma porno. le désespoir qui entraine vers les drogues, la dépendance et la mort.On y parle aussi des femmes, de leur place dans la société montréalaise des années 30, mais pas que: femme mariée, mère de famille, putain, la femme vit sous la coupe d'un homme. Rose résiste et pose de véritable question sur la condition féminine. Elle incarne la libération qui viendra des années plus tard. Elle démontre qu'elle peut faire aussi bien, voir mieux qu'un homme. Mais qu'une femme peut tomber dans les mêmes travers, lorsque son ambition est démesurée.
Roman surprenant et atypique, il est une jolie découverte de la rentrée littéraire.
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