Eux

« Quand on souffre de la façon dont j’ai souffert, on n’en tire aucune leçon ; ça ne vous apprend rien, et ça ne vous rend pas meilleure : cela ne fait que vous briser totalement… » (p. 460)

Voici comment ça s'est passé : j'étais si déprimé que je voulais mourir. je n'arrivais pas à me secouer, à changer. Alors j'ai pensé à me faire descendre par la police, parce que si je m'en chargeais, ce serait un vrai carnage

Maureen avait les yeux fixés sur la chair épaisse et lisse sous ses doigts, et elle comprenait la raison de son silence. Son propre père avait été silencieux. Il y avait trop de chair chez les hommes, trop de poids pour laisser passer les mots.

Oh! nous, les femmes, nous savons des choses que vous ne savez pas, vous autres professeurs, lecteurs et auteurs de livres ; nous sommes celles qui nous attardons dans les bibliothèques quand il est temps de partir, ou qui restons à boire du café seules dans la cuisine ; nous formons des plans de mariage fous, mais nous n'avons pas d'homme ; nous rêvons de voler des hommes, nous sommes celles qui regardent lentement aux alentours en descendant de l'autobus sans même trouver ce que nous cherchons ; nous ne pouvons même pas nous rappeler tout à fait comment nous sommes arrivées là ; nous nous demandons toujours ce qui va se produire ensuite, quelle chose terrible va se produire. Nous sommes celles qui feuillettent des magazines en couleur et qui passent de longues et lourdes heures enfoncées dans nos corps, à penser, nous souvenir, rêver, espérant que quelque chose nous arrive, qui donne une forme à tant de souffrance.

Pourquoi pensiez-vous que ce livre sur Mme B était important? Pourquoi disiez-vous qu'ils avaient plus d'importance que la vie? Ils n'en ont pas plus que ma vie à moi.
Vous vous accrochiez à vos livres....qu'ils avaient plus d'importance à vos yeux qu'aucun d'entre nous...
Nous sommes celles qui feuillettent les magasines en couleur et qui passent de longues et lourdes heures enfoncées dans nos corps, à penser, nous souvenir, rêver espérant que quelque chose nous arrive, qui donne une forme à tant de souffrance.



Vous avez dit "la littérature donne forme à la vie". ..Quelle forme y-a-t-il à la façon dont les choses arrivent?... J'ai vécu ma vie, mais elle n'a revêtu aucune forme.

Il se fait une certaine idée de moi, de ma vie. il a dit qu'il aimerait écrire l'histoire de ma vie comme document social. Mais j'ai dit Pourquoi, bon Dieu? Tout ce qui m'est arrivé avant ceci n'est rien - ça n'existe pas ! -ma vie commence seulement aujourd'hui.

Il pensa qu'il ne dormirait peut-être plus jamais vraiment.

La simple pensée d'une vie passée à attendre dans un appartement qu'un homme rentrât l'irritait ; et à quoi se consacrent les hommes ? toutes ses heures passées quelque part entre eux, à parler, à jurer et à rire avec emportement, en laissant retomber sur la table des poings à demi fermés, à éplucher les étiquettes des bouteilles de bière, à regarder l'heure, à remuer nerveusement les épaules dans leurs vêtements. Quand les hommes étaient ensemble, ils parlaient de choses qu'on ne pouvait dire aux femmes.

Brock avait fini de manger. Il repoussa son assiette, à la manière de son père et d'autres hommes de leurs connaissances ; il y avait quelque chose dans ce geste qui irritait Loretta mais qui lui donnait envie de rire. C'était tellement prévisible.

Lui-même, Jules Wendall, avait-il jamais été un enfant? [...]
Cela voulait-il dire que l'enfant Jules était encore avec lui, enfermé dans son squelette, gosse alerte, inquiet, aux yeux creux, doué de l'amour des cartes, de la musique, des femmes pâles et ardentes ? p 119