Le temps se distendait comme dans ces rêves qui disent en quelques minutes plus qu'une journée, plus qu'une vie parfois, qui disent que votre âme est plus vaste que votre vie et que vous la tenez enfermée depuis trop longtemps.
Je faisais de la peine à tout le monde, c'est incroyable comme on se sent seule si souvent, chaque jour pour être tout à fait honnête, et comme la moindre de nos décisions pèse sur les autres. Où étaient-ils quand on se sentait si inutile, totalement vide, quand tout semblait tellement superficiel, une longue suite d'obligations qui nous tenaient debout du matin au soir...?
Et si vous saviez comme c'est long et commun à tous, ce qui vous attend ! Si vous saviez comme il va y en avoir des queues dans les supermarchés, des patrons qui vous méprisent, des factures et des nuits blanches, des paroles qui vous font mal, des amis qui trahissent et des enfants qui s'éloignent, des massacres à la télévision et vos voisins qui font du bruit.
elle approcha son visage du sien dans ces secondes éternelles ces secondes arrêtées en arrêt devant cette merveille, cette chose possible à deux, deux bouches deux désirs deux langues deux vies deux visages vis-à-vis l'un contre l'autre l'un sur l'autre pour la première fois au goût de la peau de l'autre la peau inconnue contre la sienne nouvelle, une première fois unique le premier baiser...
...Je me souviens comme nous parlions de" l'an 2000" lorsque j'étais enfant, avec les copines de l'école. On calculait : "En l'an 2000 j'aurai... J'aurai ..." J'avais trouvé la première : moi j'aurai 40 ans ! Ça nous avait fait rire, parce que l'an 2000, les extraterrestres, les soucoupes volantes et les mutants : d'accord... Mais 40 ans ! J'essayais de me plaquer sur la tête la coiffure de ma mère, le visage de la maîtresse, le manteau de la voisine... 40 ans ! Ça n'était pas possible, sûrement on n'arriverait jamais à l'an 2000, d'ailleurs les extraterrestres n'existent pas.
La vie est un manque, irrattrapable, et nous demeurons pour toujours inconsolés.
Enfant, ce que j'aimais dans les jouets, c'étaient les catalogues. Ils me faisaient rêver à ce que je n'aurai jamais.
Parce qu'il y a des lumières qui s'allument en permanence dans le monde.
Parce que quand je me couche d'autres se lèvent, parce qu'au moment même où je parle, deux personnes s'embrassent pour la première fois.
J'embrassais le temps perdu et le passé obsédant, j'embrassais la jeunesse révolue, le gouffre tout proche et mon premier amour, pour la dernière fois.
La peur est l'ennemie du bonheur.