Undertow, tome 1 : Boatman's Call

Ce tome comprend une histoire complète et indépendante de toute autre. Il contient les épisodes 1 à 6 initialement parus en 2014, écrits par Steve Orlando, dessinés, encrés et mis en couleurs par Artyom Trakhanov.

Ukinnu Alal est un jeune homme issu de la bourgeoisie atlante qui a choisi de s'engager dans l'armée, pour lutter contre les rebelles et surveiller les êtres humains. Au cours d'un engagement contre les rebelles, il est recruté par Redum Anshargal, le chef des rebelles. Ce dernier l'intègre à son équipe et l'emmène avec une poignée d'autres hommes, dans une mission en surface, pour retrouver les traces de l'Amphibien, individu génétiquement modifié qui pourrait porter en lui l'avenir de l'évolution des atlantes.

Sur le vaisseau rebelle, la concubine de Redum Anshargal essaye tant bien que mal de calmer les esprits, le conseil estimant qu'Anshargal est porté disparu et qu'il faut envisager la suite de cette communauté sans lui.

Les auteurs emmènent le lecteur dans un monde totalement nouveau : il s'agit des habitants d'Atlantis, déjà engloutie, respirant sous l'eau et incapable de respirer l'air de la surface. le récit se déroule alors que l'humanité en est encore à sa préhistoire. Orlando et Trakhanov doivent donc présenter les personnages, exposer la situation, mettre en lumière la dynamique des différents groupes en lice, et développer une intrigue.

La première moitié du récit se révèle aussi prenante que satisfaisante. le lecteur comprend que la société établie d'Atlantis semble figée dans un état ne permettant pas l'évolution. Redum Anshargal est un meneur charismatique, avec une vision ambitieuse pour sa communauté, afin de lui assurer une pérennité. Il y a l'existence de l'amphibien, être presque mythique, espoir peut-être illusoire. Il y a une forme de dissension au sein même de la communauté rebelle, entre ceux qui espèrent de pouvoir s'installer pour fonder une nouvelle cité et ceux qui estiment que leur communauté a pour vocation d'être nomade.

Orlando pimente son récit avec l'expédition menée Redum Anshargal sur Terre qui permet à Ukinnu Alal de découvrir ses compagnons d'arme, et d'observer le chef charismatique. le scénariste s'amuse à inverser les observations de l'équipe par rapport à la surface. C'est à dire qu'il transpose les remarques que le lecteur peut faire sur le monde aquatique, aux atlantes qui font ces mêmes remarques, mais transposées à la surface. Ainsi les personnages s'essayent à la pêche aux oiseaux (formule à la fois littérale, et onirique, poétique).

Les histoires de civilisation sous-marines présentent toujours une difficulté pour les dessinateurs. Généralement ils se contentent de transposer un urbanisme de surface en rajoutant des petits traits fins pour figurer le courant maritime, et des personnages qui nagent de temps à autres (mais assez rarement). Au départ, Artyom Trakhanov évite avec habilité ces écueils. le récit ne nécessite de représenter qu'à de rares reprises les bâtiments d'Atlantis, ce qui permet d'éviter une architecture trop similaire à celle de la surface. Les séquences se déroulent essentiellement dans 3 milieux : sur la terre ferme (pas de difficultés particulières pour conceptualiser cet environnement), soit sur le navire des rebelles (qui est sous-marin, et rempli d'eau pour ses passagers puissent respirer), soit dans l'eau (où Trakhanov fait des efforts remarquables pour rendre compte de la luminosité aléatoire en fonction de la profondeur.

Globalement la conception graphique du milieu aquatique présente des caractéristiques mieux pensées que les séries de superhéros de Namor (Marvel) ou Aquaman (DC). Il n'y a que les tenues vestimentaires qui n'ont pas bénéficié d'une réflexion puisqu'elles semblent majoritairement en tissu, donc fortement imbibées d'eau, lourdes et peu adaptées à un environnement aquatique.

Pour le reste, Trakhanov réalise des dessins avec un bon niveau de détails, et un encrage un peu sale, bien adapté à la nature du récit (exploration risquée + affrontements physiques). le lecteur apprécie la consistance des dessins, ainsi les petites différences morphologiques des atlantes qui permettent de facilement les distinguer des êtres humains (sans compter leur casque pour respirer à la surface). le dessinateur réussit plusieurs séquences impressionnantes telles que des discussions animées, un duel avec une arme constituée d'une longue chaîne, une belle mise à mort de mammouth, ou encore des combats sous-marins complexes.

Dans le dernier tiers du tome, le lecteur ressent une forme de précipitation, Steve Orlando souhaitant faire aboutir de nombreuses intrigues, allant du devenir de la communauté de rebelles (sédentarisation ou non), à son avenir à plus long terme (possibilité d'utiliser l'ADN de l'amphibien). Cette accélération nuit à la qualité de la narration. Trakhanov oublie un peu son parti pris sur les couleurs et utilisent des teintes de plus en plus vives, dignes d'une discothèque, reflétant de moins en moins une civilisation des profondeurs.

Au récit principal s'ajoutent 4 récits courts à l'intérêt très relatifs, pas directement rattachés à l'histoire principale. Il y a également une postface de 2 pages dans laquelle Steve Orlando explique la genèse de cette série. Il indique qu'il espère pouvoir lui donner une suite rapidement. Dans la mesure où les créateurs restent propriétaires des droits de leur oeuvre, la suite ne verra le jour qu'à condition que le tome initial ait bénéficié de chiffres de vente suffisant. En tout état de cause, ces 6 épisodes forment une histoire complète, et le lecteur referme ce tome sur une fin satisfaisante.