Comme une déferlante projetée sur le genre dont il a littéralement renouvelé la manière, ce roman est venu lessiver la littérature maritime.
Il est une convergence des temps et une concordance des hasards.
Il est né de plusieurs rencontres, d'un besoin d'humanité et du désir de raconter une histoire exemplaire.
"
Commandant" est un roman écrit à quatre mains par
Sandro Veronesi et Edoardo Angelis.
Il a été publié en France, en novembre 2023, dans la collection "En lettres d'Ancre" des éditions Grasset.
Un livre, un écrivain et un réalisateur, deux scénaristes, un film, serait-ce le retour de ce bon vieux roman-ciné, bien oublié aujourd'hui ?
Car "
Commandante", le film, dont la date de sortie en France n'est pas encore communiquée, a fait l'ouverture de la 80ème édition de la Mostra de Venise en septembre 2023.
Enfermé dans un corset de fer depuis un accident d'hydravion, le
commandant Salvatore Todaro, en septembre 1940, a pris le commandement du sous-marin "le Capellini", dont la proue a été doublée d'acier affilé pour l'archaïque occasion éventuelle d'un éperonnage avec l'ennemi.
C'est que Salvatore Todaro était un homme particulier, flanqué d'un esprit-guide, un guerrier de la Grèce antique.
Le "Capellini", après avoir franchi Gibraltar, s'est embusqué dans l'Atlantique ...
Ce roman est un grand roman maritime, très original et très atypique.
Tout d'abord, il s'est débarrassé comme de vieux oripeaux inutiles du vocabulaire technique et traditionnel accroché au genre.
Tout au long des chapitres, le récit a été confié à plusieurs narrateurs dont il a adopté la façon de parler.
Ce qui hache un peu le récit par l'alternance des styles, mais lui offre au final une densité et une humanité multipliées.
Ce récit est soutenu par le grand principe de solidarité en mer du marin envers un autre marin.
C'est inaliénable.
C'est inscrit dans plusieurs millénaires d'une grande peur de l'horizon.
Mais les temps barbares que nous vivons ont d'abord vu des pavillons de complaisance mépriser cette pierre angulaire de la navigation, puis, plus grave encore, des états ont sombré dans cette inhumanité depuis que des "migrants" ont commencé à traverser en nombre la méditerranée.
L'édifiante introduction au roman signé de
Sandro Veronesi vient acter cette convergence des temps avec laquelle j'ai ouvert ma critique.
Ce roman, "
Commandant", est passionnant.
La description de l'attaque du sous-marin contre le cargo belge "le Kabalo" est un modèle du genre.
Mais ce livre n'est pas réellement un livre de guerre.
C'est un ouvrage de principes et d'humanité, qui s'intéresse aux hommes et fait la part belle aux personnages.
Petit clin d'oeil à
Gustave le Rouge, le récit est piqueté de bonne cuisine et d'annonces de spécialités culinaires italiennes.
D'ailleurs, dans sa forme, même traduit en français, même ancré dans son universalité, le récit reste très italien.
Ce qui donne à la lecture un véritable plaisir supplémentaire et inédit.
Ce roman est l'épopée d'un sous-marin.
Il est le rappel d'un héroïsme salvateur enchâssé dans un conflit sans merci.
Il raconte le destin d'un équipage mené par un homme exceptionnel.
Mais surtout il est l'affirmation du principe intangible rappelé par ce même homme exceptionnel que pour un marin, rien n'est plus enthousiasmant que de sauver un naufragé ...