Citations sur Petit précis de mondialisation, tome 1 : Voyages au pay.. (64)
Les matières premières sont les cadeaux que nous fait la Terre. Cadeaux enfouis ou cadeaux visibles. Cadeaux fossiles, cadeaux miniers qui, un jour, s'épuiseront.
Les marques, qui résument notre époque, sont jalouses des légendes. Avec quelque raison. Celles-ci distinguent quand celles-là banalisent. Qui rêvera jamais devant une enseigne Sofitel ? Plus grave, on devient chez ces marques la haine du divers. Elles tentent de raboter le voyage. Comme si le pareil au même était le comble de la douceur, alors qu'il n'est qu'un avant-goût du trépas. Trépas, très pas : beaucoup de rien. Vous avez traversé la moitié de la planète ? Illusion, puisque ce soir vous dormirez dans une chambre en tout point semblable à la précédente. On a beau faire, hisser la voile, sauter d'un avion à un train, on ne quitte jamais ces nouveaux mornes pays qui ont précompté nos nuits et s'appellent Hilton, Hyatt, Sheraton ou Sofitel.
Les chinois ont inventé l’ouvrier idéal. C’est-à-dire l’ouvrier qui coûte encore moins cher que l’absence d’ouvrier
Voyager, c'est glaner.
Une fois revenu des lointains, on ouvre son panier. Et ne pas s'inquiéter s'il paraît vide. La plupart des glanures ne sont pas visibles : ce sont des mécomptes ou des émerveillements, des parfums, des musiques, des visages, des paysages. Et des histoires.
« Un euro le jean ! »
Comment ne pas prendre cette annonce pour ce qu'elle est : une insulte au travail ?
Ainsi va l'espèce humaine de nos pays développés. Elle vitupère la mondialisation et se précipite dans ses temples : les hypers, les mégas, les mammouths et autres mousquetaires du commerce à prix cassés (sur le dos de qui ?).
Nous sommes de courts vivants. L'arbre, né bien avant nous, nous survivra des siècles. Je parle de l'arbre digne de ce nom. Pas l'arbre de pépinière. Lequel vivra moins qu'un homme.
Les directeurs de ces pépinières ne peuvent que s'être déclarés en guerre contre le temps. Ainsi, on croit deux fois triompher de lui : en économisant sur l'enfance et en abrégeant l'arbre.
L'espace est une grandeur simple. Peu ou prou, tous les peuples y livrent bataille de la même manière.
Le temps est une autre affaire. Un pays bien plus retors. Où se révèlent les civilisations.
Au sortir de Shanghai, le voyageur croyait trouver des rizières ponctuées d'aigrettes, des bosquets de bambous, quelques buffles, au loin, tirés par des enfants, bref, ces paysages qu'on appelle communément « la campagne » et qui reposent l'âme.
Pauvre voyageur !
Quelqu'un lui a volé son Asie éternelle.
Trois cent kilomètres durant, des chantiers vont l'accabler, des grues, des tours, des ponts, des usines, des villes entières flambant neuves, des échangeurs, des rocades et de nouveau des usines, encore et toujours des usines, les unes à peine achevées, les autres cachées derrière des bâches vert sombre et d'autant plus menaçantes.
Et, pour le cas où il n'aurait pas deviné, pauvre voyageur, le rêve chinois, de gigantesques panneaux multicolores lui présentent l'avenir proche, ô combien radieux. Ici une marina lacustre, The Splendid City. Là un parc de loisirs, A Paradise for Children, Les idéogrammes suffisent auraient suffi. Pourquoi ces traductions anglaises sinon pour planter le clou de l'humiliation sur la tête de l'étranger que le décalage horaire, déjà, chamboule ?
La honte soudain me prend de m'intéresser au coton : lui aussi s'attaque au vert. Éternelle bataille entre les cultures qui nourrissent et celles qui enrichissent (cultures vivrières contre cultures d'exportation).
Le vrai tissage est le lien qui se développe entre les humains.
[...] les Chinois ont inventé l'ouvrier idéal. C'est-à-dire l'ouvrier qui coûte encore moins cher que l'absence d'ouvrier.