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Citations sur Petit précis de mondialisation, tome 1 : Voyages au pay.. (64)

1976.
L'entreprise Monsanto lance sur le marché un herbicide qui tout de suite fait fureur. Les techniciens l'appellent glyphosate, les autres Round up. Son "large spectre", ne laisse aucune chance aux végétations inopportunes.

(...)

Comment agit le Round up ? Versé sur une herbe, il désactive chez elle l'enzyme productrice des acides aminés. Privée de ces acides, l'herbe meurt. Il suffit de prendre le gène de cette enzyme : de le rendre résistant au Round up ; puis de l'insérer dans un cotonnier. Lequel supportera sans dommage une pluie de glysophate, au contraire de toutes les plantes voisines qui décéderont en peu de jours.
Monsanto vient d'inventer le double filon : vendre à la fois l'herbicide et la semence de la plante qui résiste à l'herbicide.
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Le coton est le porc de la botanique : chez lui, tout est bon à prendre. Donc tout est pris. D'abord, on récupère le plus précieux : les fibres. Ce sont ces longs fils blancs, formant les flocons qui entourent les graines. Des machines vont les en séparer. Les fibres du coton sont douces, souples et pourtant solides. Elles résistent à l'eau et à l'humidité. Elles ne s'offusquent pas de nos transpirations. Sans grogner, elles acceptent d'être mille fois lavées, mille et une fois repassées. Elles prennent comme personne la teinture, et la gardent... La longue liste de ces qualités a découragé les matières naturelles concurrentes, animales et végétales. La laine et le lin ne représentent plus rien. Si la fibre synthétique domine le marché du textile (soixante pour cent), le coton résiste (quarante pour cent). Et c'est ainsi que le coton vêt l'espèce humaine. Il ne s'en tient pas là.
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D'un bout à l'autre du monde, rien de ressemble plus à une ville nouvelle qu'une autre ville nouvelle : un peu trop de clarté, une propreté inquiétante et un permanent sentiment de vide, l'impression de se promener dans des vêtements trop grands... Seule l'accumulation d'existence et d'années remplira peu à peu l'espace et lui donnera corps.
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Comme l'aide alimentaire qui concurrençant les paysanneries, porte si souvent en elle les germes des famines futures, le don ruine la production locale. En une étrange complicité, l'industrie chinoise s'alliait à la charité du Nord pour détruire dans l’œuf toute velléité de textile malien.
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« M. Machado fait la moue et lève la main droite. M. Machado est fataliste : - Si le numérique continue à s'étendre, j'irai ailleurs. De toute façon, je ne suis plus jeune. Je n'aurais plus si longtemps à m'enfuir. C'est aux jeunes que je pense. Et M. Machado se met à pleurer. Des larmes lui coulent des yeux, qu'il n'essuie pas. J'apprendrai plus tard que les soixante-quinze mille rues ne sont pas les seuls cauchemars de l'ancien photographe. Sur le siège avant droit, à la place du mort, est un fantôme. M. Machado avait un fils de seize ans. Lequel, un soir, dans un café, échange quelques mots un peu vifs avec un autre jeune. Le lendemain, l'autre jeune revient, il égorge le fils de l'ancien photographe. M. Machado profite d'un feu rouge pour me regarder. Je vois ses yeux et sa bouche grossis dans le rétroviseur. Il a cessé de pleurer. Il sourit. Je me retiens pour ne pas le supplier d'arrêter : son sourire est plus triste que ses larmes. »
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Ces nurseries au fond des jardins cultivent une autre illusion : piéger le temps.L'enfermer dans un arbre. L'arbre est le seul récipient qui conviennent au temps. Le seul ou il accepte d'être vu. L'arbre est une lente, très lente et durable horloge. (...) L'espace est une grandeur simple. Peu ou prou, tous les peuples y livrent bataille de la meme manière. Le temps est une autre affaire. Un pays bien plus retors. Où se révèlent les civilisations." (pge 247 Ed LdP)
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Madamin, jusque-là si discret, a presque crié. Nos voisins sursautent.
-Je vous en supplie! Tournez-vous. Pardonnez-moi, mais le directeur m'a donné comme première consigne de vous protéger.
- Que se passe-t-il?
-Vous avez regardé une Tatare.
Cette femme en tailleur gris? On dirait une avocate ou une banquière.
-Malheureux! c'est une Tatare. Aucun Français ne résiste à une femme Tatare. Ce doit être dans leur sang et dans le vôtre. J'en connais déjà cinq. A peine arrivés de Paris et même s'ils sont mariés, ils se mettent en ménage avec une Tatare. Le directeur m'a bien fait promettre : pas de femme Tatare pour M. Orsenna.
-Allons, allons, à l'âge que j'ai!
-Les femmes Tatares ne craignent pas les années, bien au contraire.
-On dirait qu'elle nous sourit.
-Qu'est-ce que je vous disais? partons.
Nous ne sommes montés dans l'autobus de Samarkand qu'au tout dernier moment. Et encore, après que mon garde du corps eut vérifié qu'aucune de ces créatures malfaisantes ne nous avait précédés.
Sur la route, entre autres informations érudites sur Alexandre le Grand, je reçois ma leçon de tatarologie, branche hélas trop méconnue de la démonologie.
Résumons. Il y a deux catégories de femmes Tatares : Les Tatares de Crimée, qui ont vu leur flamme s'apaiser avec les siècles; elles restent dangereuses, mais une âme moyennement morale peut les combattre; en revanche, devant une Tatare originelle, une Tatare de Kazan, la seule solution est la fuite immédiate.
-Vous connaissez Kazan?
J'avoue mon ignorance.
- Kazan est sans doute la vraie capitale mystique de la Russie. Feu de Dieu et feu de diable, il brûle là-bas un incendie qui dévore les habitants et ne s'éteint jamais. Une vraie Tatare de Kazan ne lâche pas sa proie. Où que vous fuyez, elle vous retrouve.
Vous savez comment on les reconnaît?
-Quand on leur tend quelque chose, trois fois rien, un sac, un journal, elles l'agrippent à deux mains et elles serrent, elles serrent. Vous voyez que j'ai bien fait de vous protéger!
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« - Je peux vous parler ? - De quoi ? - Du coton. Aucune réponse. Beignet. Coca. Beignet. Coca. Inutile d'insister. J'étais prévenu. C'est un jour sans. Il me faudra attendre le lendemain pour m'entretenir de coton. Le planteur qui accepte de me parler est plus modeste : six cents hectares au lieu de mille cent. Mais il a un chien. Et c'est grâce au chien que nous avons noué connaissance. Il ventait dur, ce jour-là. Une grosse boule d'épines roulait sur la route. Elle semblait venir de très loin, peut-être de l'Arizona ou du Colorado. Le chien jouait avec elle. Quand on ne peut pas se perdre, il faut bien se distraire avec quelque chose. Une rafale plus violente que les autres poussa la boule contre le chien. Il ne pouvait plus se dégager. Je l'ai aidé. Le maître du chien m'a invité sur son tracteur. - Maudit vent. - Maudit vent. Avec une telle introduction et l'amitié des chiens en partage, on devient vite amis. - Vous voulez connaître la vie d'un paysan du coton ? Vous êtes prêt à ne pas beaucoup rire ? Bon. Par où voulez-vous que je commence ? »
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Cette tristesse, l'ai-je inventée, que j'ai cru lire dans les yeux des anciens lorsque le camion, sous les vivats des plus jeunes, s'en est allé vers l'usine ?
Autrefois, le coton cueilli demeurait au village et c'est au village qu'on le tissait et teignait.
Aujourd'hui, à peine cueilli, il disparaît. et ne réapparaîtra sous forme de tee-shirt qu'après un très lointain voyage; (p.23)
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INTRODUCTION

Les matière premières sont les cadeaux que nous fait la Terre. Cadeaux enfouis ou cadeaux visibles. Cadeaux fossiles, cadeaux miniers qui, un jour, s'épuiseront. Ou cadeaux botaniques que le soleil et l'activité de l'homme, chaque année, renouvellent.
Les matières premières sont des cadeaux qui parlent. Il suffit d'écouter. Elles nous chuchotent toutes sortes d'histoire à l'oreille : il était une fois..., dit le pétrole ; il était une fois..., dit le blé.
Chaque matière première est un univers, avec sa mythologie, sa langue, ses guerres, ses villes, ses habitants : les bons, les méchants et les haut en couleur. Et chaque matière première, en se racontant, raconte à sa manière la planète.
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