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sur 3158 notes
"Enryo": Etre réservé, un état d'esprit chez les Japonais...
Julie Otsuka l'utilise afin de donner la voix à plusieurs femmes, à la fois. Un Japonais utilise peu le "je" et préfère le "nous", le groupe, la famille!

Ce sont les voix oubliées de Japonaises parties en Amérique, pour trouver un mari, un travail ou un nouvelle terre... " En": la destinée, dérivé de la philosophie Bouddhiste... L'auteure n'explique pas vraiment le pourquoi: la pauvreté, la famine, le besoin d'argent...

Rapidement, elles auront un enfant. Souvent déposé dans un fossé, un sillon, dans un panier d'osier, un cageot de pommes, ces femmes le portaient aussi dans leur dos, tout en continuant à travailler.
De peur que le mari, le patron ne les renvoient au Japon.
" Haji": la peur de la honte..
La honte serait surtout, pour leur famille!

La honte! Rejetée, elle n'aurait plus qu'à se tuer.
Rejetée, même par un homme qui ne les aime pas, qui profite d'elle... Et ce, dès leur arrivée...

La première nuit:
Certains hommes les ont prises, à la hâte... Ou calmement sans un mot( elles ne maîtrisent pas la langue), car ces maris croyaient qu'elles étaient encore vierges, et presque toutes l'étaient...
"Avec notre kimono de soie blanche, sur notre tête, et nous avons cru mourir!"
Avec gourmandise et voracité, parfois avec violence...
Certains se sont excusés, avec politesse...

Elles se souviennent : de ce bateau vers l'Amérique !
Elles n'ont qu'une photo de leur fiancé. Elles se demandaient: les reconnaîtrons nous, d'après leur portrait, et les aimerons nous?

Elles pensent à leur mère, au pays. Pense-t-elle à moi, à sa fille ? Marche-t-elle, 3 pas derrière le père , chargée de paquets, alors qu'il a les mains vides? M'envie-t-elle en secret, alors que je vomis, à cause du mal de mer, et à cause de la puanteur des latrines?
Il y a des puces et des punaises de lit...

Elles croyaient qu'en Amérique, les filles ne travaillaient pas aux champs, "qu'il y a du riz et du bois de chauffage, pour tout le monde".
La plus jeune de ces femmes n'a que 12 ans, et n'avait pas encore ses règles. On l'a mariée pour l'argent de la dot. La plus âgée a 37 ans...

"Ganbaru" et "Hondo" : faire des efforts et garder un esprit combatif. Autres principes des Japonaises, elle travaillèrent sans se plaindre, toujours de peur d'être renvoyées...

Et puis, vint l'attaque de Pearl Harbor, et ces Japonaises connurent le rejet, l'ostracisme et... la haine!
Elles furent déportées et parquées...ailleurs!
Où ? ... En 1942, plus de 110 000 civils sino-japonais furent internés, dans des camps dans le désert, par peur d'une " 5ème colonne"...

"Sode suriau mo tasho no en" : Même une rencontre fortuite est décrétée par le destin.
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Je vous le dis tout net : j'ai très moyennement apprécié ce roman mettant en scène des Japonaises qui, au début du 20e siècle, ont bravé la mer pour se rendre sur la côte ouest des Etats-Unis afin de se marier avec des Japonais émigrés. le récit de la traversée, de l'arrivée, de la nuit de noces, de leur travail intense et difficile, de la naissance de leurs enfants, de leurs problèmes d'éducation, et enfin de leur – encore une fois – déracinement à cause de la guerre, tout cela m'a laissée de marbre.

Et pourtant, j'aime les gens ! Je fais attention à leurs petits soucis, à leurs grandes joies, je fonds devant les enfants, je pleure quand ils ont mal, je m'efforce d'être là, enfin.
Et ici, rien.
Pourtant il y en a des gens, dans ce roman. Des Japonaises de toutes classes sociales, de tout caractère... Celles qui ont eu de la chance en se mariant, celles qui sont battues, violées, celles qui ont des enfants à n'en plus finir, celles qui sont stériles, celles qui se suicident, celles qui espèrent, celles qui en aiment un autre...

Oui, ce roman est rempli. Ce roman fourmille de voix.
Et c'est probablement cela qui m'a gênée, ou disons qui ne m'a pas permis d'accompagner ces gens. Aucun « je ». Rien que des « nous ». Et des phrases, des phrases, des phrases, comme une incantation.
Nous y voilà ! Une incantation, c'est fait pour être clamé. Dit à haute voix. Lentement, pas à pas, mot à mot, et la transe arrive. La magie opère.

J'aurais dû lire tout haut. M'arrêter à chaque phrase, juste un petit peu. Faire résonner la vérité. La rendre éternelle.
Mais je ne l'ai pas fait (je lis souvent dans mon lit, quand mon mari dort...Vous vous imaginez, je serais devenue responsable de ses insomnies ! ).
Tant pis, je passe le relais à d'autres lecteurs. Qu'ils essaient, et qu'ils me disent ce que ça donne !
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Court et incisif, ce touchant témoignage bien documenté nous ouvre les portes d'un monde peu connu, celui de l'immigration des jeunes Japonaises au début du XXème siècle pour rejoindre des "époux", plus exactement des hommes qu'elles n'ont jamais vus et dont elles ne connaissent que les qualités créées de toutes pièces par les marieuses. Mystification collégiale de milliers de destinées, autant d'innocences fuyant la misère et le désespoir de leur pays pour vivre un rêve américain qui vire rapidement au cauchemar.

Julie Otsuka a choisi de traiter ce thème par une narration impersonnelle, comme une chronique froide aux voix multiples et, paradoxalement, c'est le réalisme des faits rapportés qui lui confère toute son humanité.

Un frisson glacé nous parcourant l'échine, nous découvrons le parcours morbide de ces femmes et de ces filles livrées aux maris, aux patrons, aux maîtresses et destinées à cultiver la terre jusqu'à l'épuisement, à se soumettre aux excès des hommes, à accoucher tous les ans, à voir leurs enfants mourir tôt, à vieillir prématurément et à supporter le pire dans l'espoir que le meilleur arrivera enfin un jour.

Récit de l'immigration qui n'a pas été sans me rappeler l'excellente saga du suédois Vilhelm Moberg, "Les émigrés". Tout m'a plu dans ce texte qui va droit au but, excepté le dernier chapitre où l'on change brusquement de locuteur pour donner la parole à l'opinion publique américaine. J'ai ressenti cette fin à la fois comme un parallèle un peu facile et ostentatoire avec la shoah et comme un blanchiment de conscience collectif, une confession bancale et tardive des "hôtes" américains pour se délester de leurs remords.


Challenge ABC 2014 - 2015
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J'ai très mauvaise conscience, parce que je sens que j'aurais dû aimer ce roman. mais si je ne l'ai pas refermé avant la fin, c'est sans doute que quelque chose m'a permis de le poursuivre. Ce quelque choses, c'est une partie historique que je ne maîtrise pas, un pan de l'histoire des Etats-unis que j'ignorais, bien sûr comme chacun, j'avais entendu parler de Pearl Harbor, et d'une relation tendue et de la guerre entre l'Amérique et le Japon…

Et je découvre bien plus : une immigration de masse des japonais aux Etats-Unis à partir de 1865, et grâce au livre de Julie Otsuka, le transfer de femmes a qui on fait miroiter un destin heureux dans les bras de quelque amant riche et puissant, et qui se retrouveront esclaves de maris dominants, de patrons exigeants et peu attentionnés, condamnées au travail inhumain et perpétuel pour devenir avec leur famille, l'ennemi numéro un à abattre, à éliminer à envoyer en internement dans des camps, rayées de la population, oubliées comme si elles n'avaient jamais existé.

J'aurai cependant préféré lire un roman rédigé de façon peut-être plus classique, c'est certes une gageure que de présenter la situation de ces femmes en usant et abusant de "nous", de "certaines", d'"autres" et encore "d'autres", dans le but de raconter avec précision ce qu'a pu être le sort de ces femmes, mais personnellement, j'ai trouvé cela soûlant et fatiguant à lire, je me découvre extrêmement sensible au style d'écriture.

J'ai malgré cela beaucoup appris en lisant ce livre qui ne
m'a pas laissée indifférente.

Challenge riquiqui
challenge Multi-défis
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Un livre magnifique à lire absolument. Je ne connaissais pas du tout ce pan de l'immigration japonaise aux Etas Unis.
Chaque chapitre est consacré à une partie de leur histoire : la traversée en bateau, la première nuit, les blancs, les naissances, les enfants, les traîtres, les derniers jours et la disparition. Un récit sans concession, qui va droit au but.
L'auteure commence souvent ses phrases par certaines ou nous, ce qui rend le texte encore plus puissant. Une écriture superbe et bouleversante à travers les voix de ces femmes.
J'ai découvert l'attente, l'espoir, la vie quotidienne et la déception de ses japonaises déracinées et envoyées aux États Unis afin de se marier avec des japonais déjà installés. Que de déception et de désillusion : le désoeuvrement de ses femmes est total. Rien ne leur sera épargné du début à la fin de leur périple. La vision et le traitement des américains par rapport aux japonais immigrés m'ont laissée sans voix.
Il se dégage de de ce roman une totale injustice, une tristesse infinie et malgré tout, ces femmes possèdent une force et une volonté incroyables.
Un livre à lire absolument afin de connaître cette histoire inspirée de ces immigrants japonais aux États Unis. Un livre bouleversant qui ne laisse pas indifférent une fois refermé.
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En 1919, un bateau quitte le Japon pour la Californie.
De Jeunes Japonaises vont rejoindre leurs maris, travailleurs japonais en Amérique.
Elles ne connaissent ces messieurs que par correspondance, avec une photo bien mise en scène mais le mariage existe bien.
Elles ont tout abandonné car elles imaginent rencontrer des messieurs nantis qui leur fera connaître une vie meilleure.
Le voyage va être éprouvant, parmi la classe pauvre.
Et pourtant des scènes nous paraissent amusantes, voire cocasses comme lorsqu'elles interrogent Charles, un voyageur américain au sujet de son pays, de l'odeur de Américains et c'est qu'il se prête à ce jeu naïf.
Arrivées à destination, tout humour , tout espoir est abandonné; ce ne sont pas des messieurs en costume qui les accueillent mais des travailleurs agricoles en bonnet de laine.
Tout au long du livre, les voix des femmes s'élèvent en utilisant le "nous", tantôt pour des réalités douces, normales brusques, violentes. Leurs maris ont tous des caractères différents. Aucune ne semble exprimer le bonheur sinon les regrets d'avoir laissé leur patrie derrière elle au point d'oublier progressivement qui elles sont.
Elles ne rencontreront aucun respect de la part des Américains.
Un livre très noir dont l'humanité est un peu gommée par l'emploi de ce "nous" qui vient jeter un voile un peu trop anonyme sur le récit.
Un livre qui a le mérité d'exister pour nous faire connaître une période bien regrettable.

Challenge plumes féminines 2018

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Belle découverte car je ne connaissais pas cet épisode de l'Histoire…

J'ai longtemps attendu pour lire ce roman, car j'aime bien prendre mon temps quand il y a un emballement médiatique; de plus, j'ai été plutôt échaudée avec les prix littéraires (cf. « Boussole » que je n'ai pas encore terminé ou « le royaume » qui me nargue dans ma bibliothèque!!!).

J'ai aimé l'histoire de ces femmes qui ont tout quitté pour épouser des Américains qu'elles n'avaient vus qu'en photo, pour avoir un meilleur avenir. L'auteure a décrit sans pathos leur traversée en mer, leurs appréhension à l'idée de la rencontre, la désillusion, les photos étaient souvent trompeuses, la nuit de noce, leurs conditions de travail extrêmement difficiles, leurs accouchements et le parcours de leurs enfants ainsi que les relations avec les Blancs…

Les mères font tout pour que leurs enfants aient une vie meilleure, mais voient qu'ils oublient le vocabulaire japonais, s'éloigne des coutumes et s'américanisent et surtout ont parfois honte d'elles:

» Et surtout, ils avaient honte de nous. de nos pauvres chapeaux de paille et de nos vêtements miteux. de nos mains calleuses, craquelées. de nos visages aux rides profondes tannés par des années passées à ramasser les pêches, tailler les vignes en plein soleil. Ils voulaient des mères différentes, meilleures, qui n'aient pas l'air aussi usées, P 86

Les Japonais sont appréciés pour leur discrétion, leur politesse, mais on ne se mélange pas trop, une situation de compromis jusqu'à l'attaque de Pearl Harbor , où ils deviennent L'Ennemi, que l'on va traquer, dénoncer, déporter d'une manière qui rappelle étrangement la rafle du Vel d'Hiv, et les délations de l'époque…

Julie Otsuka nous livre ici un roman polyphonique, elle emploie toujours le terme « nous » pour donner la parole à ces femmes, avec leurs vies, certes, différentes, mais en plus de chaque destin individuel, c'est le destin collectif d'un groupe de femmes, et le rythme s'amplifie, les instruments se répondent et les thèmes s'enrichissent comme dans une symphonie pour atteindre le point d'orgue.

Elle prend soin aussi d'écrire en italiques les nuances, les précisions qui sont individuelles, au milieu de cette narration collective…

Julie Otsuka a reçu le prix Femina étranger en 2012 pour ce livre que j‘ai vraiment beaucoup aimé, et un seul regret, avoir attendu trop longtemps pour le lire.
Lien : https://leslivresdeve.wordpr..
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Nous sommes des Japonaises du début du vingtième siècle, vendues par leurs pères ou appâtées par les leurres de l'Amérique.

Nous sommes de toutes petites femmes qui ont quitté leur famille et leur pays. Nous avons traversé l'océan, vécu le désenchantement des époux qui n'étaient pas ce qu'on croyait et d'une nuit de noce parfois brutale. Nous avons travaillé dur, accouché dans des conditions précaires et tout fait pour que nos enfants connaissent une vie meilleure. Nous avons tenté de nous intégrer à une nouvelle société jusqu'à ce qu'une guerre vienne compromettre nos efforts.

Nous sommes les voisins qui ont vu disparaître les familles, qui ont pleuré leur départ, qui ont profité de leur détresse et pillé leurs maisons.

Nous avons lu ce tout petit livre, nous avons découvert son écriture originale où on ne suit pas des personnages particuliers, mais le destin de toutes, en utilisant un « nous » inclusif.

Nous avons aimé ce livre en nous indignant du sort de ces femmes d'autrefois, ces femmes oubliées de l'histoire, en négligeant de se rappeler qu'aujourd'hui encore, des femmes sont vendues ou mariées contre leur gré…
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Certaines n'avaient jamais vu la mer est avant tout un récit historique : c'est l'histoire vraie de ces Japonaises qui ont émigré dans les années 1900 en Californie pour y retrouver un mari jusque là seulement aperçu sur des photographies. C'est l'histoire vraie d'un espoir immense et d'une désillusion sans fin, désillusion qui trouve d'ailleurs son apothéose après l'attaque de Pearl Harbor par le Japon en 1941, les immigrants japonais étant alors traqués et internés dans des camps.
C'est un texte qui a beaucoup de qualités et qui est extrêmement intéressant, tant dans sa forme que dans son fond. Plus qu'un roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer est une sorte de long chant litanique énoncé par un narrateur pluriel – « nous » – et mettant en avant le collectif féminin par le biais d'une succession d'énumérations, chacune correspondant à un aspect de la nouvelle vie des Japonaises. La démultiplication des situations vécues et des angles adoptés contribue incontestablement à la richesse du texte mais le procédé peut aussi paraître répétitif et, personnellement, j'ai trouvé qu'il éloignait le lecteur de la sphère émotionnelle.
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Comme beaucoup de lecteurs j'ai découvert avec ce livre une page d'histoire qui m'était totalement inconnue. le destin de ces femmes japonaises ayant quitté leur pays natal au début du 20° siècle pour épouser des compatriotes installés aux Etats-Unis, des rêves et des espoirs plein la tête et le coeur…
Et puis la réalité, jamais à la hauteur, et puis la guerre qui les désignent comme ennemis du peuple américain, la stigmatisation, le racisme rampant, les camps…

Un texte fort, avec une narration à la première personne du pluriel, ce « nous » qui rassemble des destins multiples, qui emporte dans son sillage des éclats de vies, qui déroule des instants, des détails, des fractions d'existences pour former une vague puissante, où chacune de ces femmes vient à tour de rôle sur le haut de la crête, comme une écume bouillonnante sans cesse renouvelée.

La vague passée, je reprends mon souffle…
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