L'histoire bouleversante - et pourtant pleine de gaieté - d'un couple face à la maladie. Un premier roman lumineux qui m'a fait passer par toute la gamme des émotions!
Adrien, Monsieur tout-le-monde un peu insignifiant, tombe amoureux de Louise, artiste peintre lumineuse et respirant la joie de vivre. Sa fantaisie le charme au premier regard, lui qui en a si peu. Quant à Louise, elle trouve en cet employé modèle de la société des eaux de la ville, un roc auquel s'amarrer. Ils vivent un amour sans nuage, fantasque et passionné, éblouis de s'être trouvé l'un l'autre jusqu'au jour où Louise apprend qu'elle est atteinte d'un cancer du poumon…
Loin de se laisser abattre, Louise, petite fée malicieuse, se révèle époustouflante de courage et d'optimisme! Elle accepte sa maladie comme une nouvelle péripétie de sa vie, y puise même une énergie nouvelle, un sens à son existence à travers ce combat à mener. Pas question de s'apitoyer ni de capituler, la jeune femme décide de mener cette bataille – perdue d'avance – avec panache ! Elle personnifie son corps, ses médicaments, sa bonbonne d'oxygène, pour mieux apprivoiser sa maladie, insuffler de la légèreté au drame, profiter de la vie jusqu'au bout.
Adrien opère également des changements dans sa vie : son boulot l'exilant au fin fond d'un placard, il décide de ne plus aller travailler pour se consacrer à Louise, oubliant tout le reste et surtout d'en avertir son employeur!
J'ai été très touchée par certains passages, tristes à en pleurer, d'autres merveilleux d'audace et de joie de vivre m'ont, au contraire, réchauffer le coeur par leur beauté et leur humanité.
L'histoire de Louise m'a fait penser à celle de Chloé dans "l'Écume des jours" de
Boris Vian, même si, contrairement à cette dernière, l'héroïne des "Déraisons" ne se meurt pas d'un nénuphar dans les poumons mais de petits "honey pops" , indésirables colonisateurs. Les deux jeunes femmes partagent donc le même combat contre un envahisseur venu prendre possession de leurs poumons, ainsi que des maris dévoués et aimants prêts à tout pour leur faire garder le sourire. Cette fantaisie, cette poésie se dressent comme d'ultimes remparts contre le malheur et c'est très beau…
📔Le personnage d'Adrien, mari dévasté par la maladie de sa femme, m'a particulièrement touché. Cet homme sans envergure, éclipsé jusque là par la fantaisie de sa femme, prend alors toute son ampleur une fois la maladie déclarée. Paradoxalement, il se révèle par son abnégation, son dévouement absolu à sa femme, comme s'il s'était désagrégé, n'existant plus que par et pour Louise. Il se laisse ainsi absorber tout entier par sa mission : guérir Louise devient sa raison de vivre, son sacerdoce. Il met sa vie entre parenthèses pour se consacrer à la seule chose à laquelle il tient réellement et qui le rend heureux. le côté surréaliste du roman tient également au fait que, durant un an, personne ne s'apercevra de son absence au travail! Certains chapitres relatent d'ailleurs le procès loufoque qui l'oppose à son employeur suite à ses absences.
En bref, un livre intense et poétique, une véritable ode à la vie et aux petits bonheurs du quotidien.
"Elle avait déplacé le centre de gravité des événements, leur avait ôté leur foutu côté obscur. Ne restaient que des bulles de savon sur lesquelles elle soufflait avec une puérilité assumée. Il n'y avait qu'elle pour transformer ainsi le gravier en guimauve."
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