Un ancien motif, l'avarice, paraît différemment à travers les époques littéraires et chez les écrivains. Chez les classiques (Plaute, Molière), les avares sont présentés ayant des traits appartenant à la typologie générale du caractère, avec des détails vagues sur leur biographie, atemporaux et aspatiaux. Leur destin est d'habitude comique et cela s'explique par le fait qu'au premier plan se trouve le caractère dans son essentialiaté universelle, c'est-à-dire abstraite, non pas dans ses ressorts humains historiquement impliqués qui sont éludés. Une fois l'avarice et le caractère de l'avare montrés, le conflit que ceux-ci semblaient déclencher coulent de source (deus ex machina) et le final est toujours heureux : la fille d'Euclio (l'avare de Plaute) se marie avec le jeune homme qu'elle aime, de même que la fille et le fils d'Harpagon, se marient avec ceux qu'ils aiment ; les avares sont aussi heureux – et ridicules – avec le pot de terre ou la cassette pleins d'argent, perdus et retrouvés, avec leur existence précaire et mesquine. Chez Marlowe («Le Juif de Malte») ou Shakespeare («Le Marchand de Venise»), influencés par le baroque, l'avarice est exacerbée, elle détruit tout sentiment humain, pousse aux actes d'une monstrueuse cruauté. C'est une exacerbation rencontrée aussi chez les romantiques, où la contemplation de l'or, de l'argent ramassé a l'aspect d'une cérémonie presque mystique, donne à l'avare des délices inimaginables («Le Chevalier avare» de Pouchkine), mène, quelquefois, à la complète atrophie de l'instinct de conservation (Sbierea, l'avare de «Răzvan et Vidra» de Hasdeu). Chez les réalistes, l'avare est présenté dans son cadre historique, celui-ci minutieusement évoqué dans ses ressorts sociaux et politiques ; de même, le milieu proche où l'avare vit, sa biographie (Gobseck et Grandet de Balzac, Dicoï de l'Orage d'Ostrovski, le vieux Karamazov, l'avare de Dostoievski, Mara, l'héroïne du roman de Slavici e.d.). Chez les naturalistes, l'avarice combinée avec la cupidité, pousse les personnages vers la totale dégradation («La Terre» de Zola) ou, comme il arrive chez certains avares romantiques, à la perte de l'instinct de conservation («Hagi-Tudose» de Delavrancea).
(Résumé en français du livre, par l'auteur lui-même).