Extrait du livre audio "Mythos" de Stephen Fry lu par Frédéric Souterelle. Parution numérique le 27 avril 2022.
https://www.audiolib.fr/livre/mythos-9791035407902/
— Je ne vais pas vous faire la leçon, Healey, et je ne veux pas vous priver de votre récréation du matin, mais vous devez vous apercevoir que plusieurs enseignants sont en train de perdre patience. Peut-être pensez-vous qu'ils vous comprennent mal ?
— Je pense que le problème, c'est qu'ils me comprennent, monsieur.
— Oui. C'est exactement le genre de remarque dont vous pouvez être sûr qu'elle braque certains de vos maîtres, n'est-ce pas ? Le raffinement n'est pas une qualité très admirée. Pas seulement au collège. Personne, nulle part, n'apprécie le raffinement. En tout cas, pas en Angleterre.
- Les médecins sont unanimes. La leucémie. Plus de rémission possible.
- La vache ! Sincèrement désolé, Jane.
- Merci.
- Tu as peur ?
- Plus maintenant.
- J'imagine qu'il est difficile de prévoir quand le couperet va tomber, non ?
- Bientôt, selon eux... D'ici à trois mois.
- Eh bien, ma chérie, si tu as fait la paix avec tes ennemis, pris congé de tes amis, tu ne devrais pas trop regretter de tirer ta révérence si tôt. C'est un monde pourri, une époque pourrie, et, de toute façon, on ne va pas tarder à tous aller te rejoindre.
Je ne sais pas pourquoi je trouve intensément érotique de me tenir nu devant un frigo ouvert, mais c'est le cas. Peut-être y a t-il un rapport avec l'attente d'une faim bientôt satisfaite, peut-être est-ce le flot de lumière sur mon corps qui me donne l'impression d'être un stripteaseur professionnel.
Tom traçait toujours son chemin avec ses propres idées. Il était arrivé à avoir les cheveux les plus longs de l'Internat et la plus grande consommation publique de nicotine de toute l'École, tout cela sans jamais attirer l'attention sur lui. Tout se passait comme s'il se laissait pousser les cheveux et fumait ses cigarettes parce qu'il aimait ça, et non parce qu'il aimait être vu. Voilà qui était dangereusement subversif.

— Ce que je veux dire, coupa Oncle T, c’est qu’autrefois, pour tout ce qui concernait notre âme, on avait recours au latin et c’était le prêtre, ou le curé, qui se chargeait de la soigner. Maintenant, dans notre époque de technocrates, nous disons psyché au lieu d’âme et thérapeutes au lieu de prêtres. Le grec est devenu le langage de la science. Remarquez, avec ces conneries de New Age, on en revient aux termes anglo-saxons et le monde y va de son petit couplet sur la « guérison ». Mais c’est le même processus. Saint, sain de corps ou d’esprit, en bonne santé, cure, thérapie, guérison.
— Vous ne voyez vraiment aucune différence, monsieur Wallace ? demanda l’évêque. Vous ne percevez pas qu’il existe différentes sortes de « mauvaise santé » ?
— Différentes sortes de « mauvaise sainteté », vous voulez dire ? Eh bien, si je me casse la jambe, je vais voir mon vieil ami le Dr Posner, mais si c’est mon cœur qui est brisé, je vais voir mon vieil ami le Dr Macallan.
— Le Dr Macallan ?
— Ted parle d’une marque de whisky, expliqua ta mère tout en lui lançant un regard au vitriol style « ferme ta gueule et laisse tomber ! ».

Je ressentais la même sensation qui t’envahit lorsque tu te relèves la nuit pour chercher l’origine mystérieuse d’un bruit qui t’empêche de dormir. Tu restes sur les marches de l’escalier, le cœur battant et la bouche entrouverte. Tu fais le tour des explications les plus évidentes : une branche de vigne vierge frottant contre un carreau ; ton chien, ta femme ou ton gamin effectuant une razzia sur le garde-manger ; les lames du plancher se dilatant sous l’effet du chauffage qui a redémarré. Aucune de ces hypothèses ne correspondant au bruit, tu te mets à envisager une série de causes moins banales : une souris se débattant dans les affres de l’agonie ; une chauve-souris égarée dans la cuisine ; un jouet mécanique d’enfant qui s’est remis en route ; le chat marchant par mégarde (ou exprès) sur la commande du magnétoscope et actionnant le rembobinage d’une cassette. Mais aucune de ces explications ne s’applique à ce bruit particulier. Alors… si tu es comme moi, tu remontes dare-dare l’escalier, tu plonges sous ta couette et enfouis ta tête sous l’oreiller, préférant ne rien savoir.
L'énigme que j'affronte peut se définir par les déclarations suivantes:
A: Rien de ce qui va suivre n'est jamais arrivé.
B: Tout ce qui va suivre est entièrement vrai.
Essayez de vous accoutumer à ces idées. Cela signifie que ma tâche consiste à vous raconter l'histoire vraie de ce qui ne m'est jamais arrivé.
"Look at the kind of people who most object to the childishness and cheapness of celebrity culture. Does one really want to side with such apoplectic and bombastic bores? I should know, I often catch myself being one, and it isn't pretty. I will defend the absolute value of Mozart over Miley Cyrus, of course I will, but we should be wary of false dichotomies. You do not have to choose between one or the other. You can have both. The human cultural jungle should be as varied and plural as the Amazonian rainforest. We are all richer for biodiversity. We may decide that a puma is worth more to us than a caterpillar, but surely we can agree that the habitat is all the better for being able to sustain each. Monocultures are uninhabitably dull and end as deserts."
Les rayons du soleil caressaient l'autel, faisaient luire les calices, les patènes et les bougeoirs, la mitre de l'évêque et nos jeunes têtes néophytes, nimbant l'ensemble d'un halo doré qui semblait calculé pour toucher dans l'auditoire l'athée le plus endurci et le pousser à s'agenouiller pour hurler sa foi inconditionnelle...
Un tas de conneries naturellement. La seule chose qui luisait, cet après-midi là, c'était la goutte qui pendait au nez de l'évêque.
Malgré les manifestations évidentes de vie autour de moi – les oiseaux déjà mentionnés plus haut, la frénésie végétale perceptible dans chaque massif, buisson et arbre –, je fus frappé par une impression de vide absolu. Londres, en revanche, Londres à quatre heures et demie du matin, pète de vie, tout simplement. Le boucan des fourgonnettes de la presse fonçant dans les rues désertes, le gazouillis de mictions de clodos, le martèlement des talons aiguilles bon marché sur les pavés, le tintamarre d’un taxi solitaire, et, dans les squares et sur les avenues, le chant des merles et des moineaux dépassant de plusieurs décibels celui de leurs homologues ruraux, tous ces sons se trouvent dotés d’une qualité spéciale et amplifiés par ce que les grandes villes ont en commun : l’acoustique. Tout résonne en ville.