Prix du Quai des Orfèvres 2023,
Fils de personne de
Jean-François Pasques, se présente comme un roman policier classique, d'enquête avant tout.
Au début des années 2000, le cadavre d'un homme âgé d'une soixantaine d'années, sans aucun papier d'identité sur lui, est retrouvé dans un bassin des Tuileries. Une blessure à la tête permet de supposer qu'il ne s'agit pas d'un accident. L'enquête sur les circonstances de sa mort est confiée à la PJ au groupe dirigé par Julien Delestan, secondé par Victoire Beaumont. On n'échappe donc pas ici non plus au duo mixte de flics différents en tous points, mais il est très bien exploité. En particulier parce que la jeunesse de Victoire permet à l'auteur de bien ancrer son roman dans l'époque actuelle. Cette nouvelle enquête leur est attribuée alors qu'ils sont déjà perplexes à la suite des disparitions successives de trois femmes, toutes de milieux aisés mais que rien par ailleurs ne semble rapprocher.
Le lecteur suit dès lors les policiers dans leurs enquêtes parfois bien fastidieuses, occasions pour l'auteur de montrer que la première qualité requise est la patience (la cause de la mort ne sera établie que vers la page 180), la capacité de s'intéresser à autrui, de s'interroger sans cesse sur ce qu'on pense avoir compris ; celle aussi de faire découvrir des destins douloureux abordés avec résignation mais sans panache particulier. C'est donc peu à peu que les flics vont découvrir l'identité du mort, établir des rapports etc. Et si, le lecteur ne s'ennuie pas un seul instant c'est que l'auteur propose une intrigue subtile sans excès et des analyses psychologiques très abouties, mais aussi une balade dans Paris hors des chemins battus et à la place originale qu'il accorde aux livres et à la lecture dont il fait la passion de certains de ses personnages. C'est toujours enrichissant jamais pesant parce que très bien intégré à l'intrigue. Ainsi quand Delestan passe par l'église Notre-Dame de l'Assomption ne manque-t-il de se rappeler que les obsèques
De Stendhal y furent célébrées. Mais si
Jean-François Pasques s'inscrit dans la lignée d'un prédécesseur c'est manifestement dans celle de
Simenon, auquel il n'hésite pas à se référer : « C'était un emprunt à
Simenon » écrit-il non sans un humour. Oui son univers fait penser à celui du père de
Maigret, mais dépoussiéré de ses caractères réactionnaires et misogynes ; il n'en garde que les qualités et c'est plutôt séduisant ; enfin, il s'autorise aussi à la fin de l'enquête un brin de suspense, accélérant le rythme du récit tout en restant réaliste, l'équilibre est sauvegardé.
C'est un policier très réussi, qui propose une enquête passionnante qui ouvre sur une réflexion humaniste.