Michel Pastoureau livre, sous ce titre, une nouvelle étude érudite et absolument passionnante. Ce grand spécialiste des armoiries publie depuis des années, des recherches savantes et extrêmement accessibles sur l'histoire et l'évolution de la perception des
couleurs en Occident. Il étudie ici l'origine de l'association de la France à la couleur bleue ! Ce bleu que revêt
Louis XIV, peint par
Hyacinthe Rigaud, lors de son sacre ; ce bleu du maillot des footballeurs ; ce bleu, enfin, qui identifie en compétition l'athlète français. Si la question avait été posée, sans doute la référence à la bande bleue de notre drapeau tricolore serait passée pour la réponse la plus probante. Il n'en est rien, et les origines en sont bien plus anciennes ; suffisamment pour qu'à la Révolution française, le bleu et la France soient déjà indéfectiblement liés. C'est un 13 octobre 1131 qu'a lieu l'évènement fondateur. Ce n'est, au demeurant qu'un simple fait divers, certes tragique : la mort du fils aîné du roi de France, Louis VI le Gros. Cet adolescent, tout juste âgé de 15 ans, tombe de cheval dans les faubourgs de Paris, et en tombe mal. Il meurt de sa chute. En quoi est-ce important ? Philippe avait déjà été sacré roi et régnait aux côtés de son père, comme le voulait alors la tradition. Alors, question de succession ? D'enjeux dynastiques ? Pour nos esprits occidentaux contemporains, frappés au coin de la logique cartésienne, la raison, justement, ne semble pouvoir en être une. Mais telle était la pensée symbolique à cette époque. L'outil du destin de la mort du jeune roi fût un pourceau, divaguant comme des centaines d'autres dans les rues de toutes les villes, faisant bonne fortune des déchets et détritus qu'aujourd'hui les services d'hygiène et de voierie collectent et traitent. Alea dirions-nous aujourd'hui, pas jadis, quand êtres et gens étaient jugés selon des normes qui nous dépassent, trouvant une place qui leur était dévolue par la naissance sur une échelle de valeur, de vertus et d'honneur. Alors quand un roi meurt du fait d'un cochon, une injonction s'impose, laver l'honneur de la royauté. Comment ? Cette question simple, aux enjeux complexes mais dépassant l'entendement de notre conscience actuelle, fut résolue par le choix d'une couleur à la valeur hautement symbolique, le bleu.