Avant que le coq chante

Ce recueil de trois récits (entre la nouvelle et le roman).
On suit le destin de trois hommes très seuls et souvent lâches.
Dans Par chez nous, un citadin suit sans le vouloir vraiment son compagnon de cellule relâché le même jour que lui dans la ferme de son père où il sera engagé comme mécanicien. Il se rend vite compte que son compagnon est capable du pire mais il ne pourra pas l'empêcher (par manque de courage) de commettre le pire.
Dans La prison, un jeune ingénieur est placé en liberté surveillée (on imagine pour des raisons politiques) dans un village côtier du Sud de l'Italie loin de sa région d'origine où il va se sentir très seul, il ne s'adaptera jamais à la vie du village et s'il change le destin des rares personnes avec qui il a tissé des liens , ce ne sera pas dans le bon sens.
Dans la maison sur les collines, à mon sens le meilleur des trois récits, un professeur de lycée à Turin s'échappe régulièrement de la vie citadine et de la guerre en se promenant dans les collines où il rencontrera une ancienne fiancée. Il renouera avec elle mais il ne s'engagera pas plus que par le passé. Quand elle est arrêtée par les Allemands, il ne cherchera pas à la faire libérer tout comme il ne défendra pas son collègue mis à pied injustement. Les Allemands vont également le rechercher et après s'être réfugié dans un monastère il rejoindra son village natal dans la montagne sans jamais s'engager dans la résistance. L'écriture de Pavese détaille avec précision la petitesse des hommes. Une très belle découverte pour moi.

J'avais lu la version italienne qui ne contient que deux récits : "Il carcere", la prison écrit en 1838-39 et La maison dans la colline de 1947-48.
Le lien entre les deux est la place de l'autobiographie de l'auteur.
La Prison est à l'image de la solitude du protagoniste, caractéristique de la nature profonde de Pavese.
Le récit, écrit à la troisième personne retrace l'histoire d'un ingénieur du Nord Stefano, relégué pour antifascisme dans un petit village du Sud, le Mezzogiorno, situé en bord de mer. Ceci me rappelle "Le Christ s'est arrêté à Eboli" de Carlo Levi. Même cause, même effet.
La prison de Stefano n'est pas tant son apprentissage politique que la vérification, la révélation de sa propre nature et de ses propres sentiments, dans un paysage splendide et inerte. Habité par des femmes ! L'une, mal mariée, lui voue un amour profond qui finira par lui peser, tandis que l'autre , une sauvageonne, sera la source de son désir inassouvi.
Le récit est habilement rythmé par le passage du temps, les occupations quotidiennes.

Le même motif de liberté retrouvée reviendra dans "La maison dans la colline". Dramatique liberté pendant la guerre.
Corrado est un jeune professeur qui se raconte à la première personne. Il est un intellectuel troublé au moment du choix politique, mais non de ses idées.
Corrado personnifie le drame des personnages de Pavese qui, en prise à la violence et à la guerre cherche à vaincre sa propre nature solitaire, s'ouvrant aux autres et participant à leur lutte mais sans pouvoir changer sa nature intellectuelle introvertie et complexe.

3 nouvelles superbes d'authenticité. le personnage principal, à l'image de Pavese lui même, ne trouve sa place nulle part, déchiré entre son enfance et sa vie actuelle, entre ses collines et la ville, entre l'action politique et la tranquillité, entre l'engagement amoureux et la sollitude.