Citations sur Les équinoxes (41)
Pourquoi faut-il porter sa vie avec soi comme un spectacle éphémère et invisible aux autres ?
Tu ne peux pas répéter pendant des décennies : « le bilan du communisme soviétique est globalement positif » …
… et dire ensuite : « bon, d’accord, on vous a peut être raconté des conneries, désolés, mais continuez à nous faire confiance ! »
Si tu essaies de me dire qu’on a échoué, je te remercie …
… mais je suis au courant.
Un équinoxe est un instant de l'année où le Soleil traverse le plan équatorial terrestre, changeant ainsi d'hémisphère céleste.
- Qu'est-ce que tu fais ?Tu les jettes, ceux-là ?
- Il faudrait...Mais je n'y arrive pas. J'en ai trop, ça déborde de partout, je vais en mettre au grenier.
- Pourquoi tu les gardes ? Tu ne vas pas les relire de toute façon...
- Non, c'est vrai.
[...]
- Je n'avais pas beaucoup de temps pour lire. Je n'ai pas pris assez de temps pour tout ça de toute façon...J'aurais dû. Je ne peux pas les jeter. Ils ont tous un double fond avec ma vie dedans.
Les rames du métro défilent sous ses yeux, toutes les trois minutes.
Les quais se remplissent, se vident, puis se remplissent de nouveau en vagues régulières. Il observe ce chassé-croisé fluide des passagers du matin, celui des gens qui ont à faire. Tous semblent portés par l'illusion rassurante d'être reliés entre eux, protégés par une loi inébranlable de la physique. Comme les atomes d'une même molécule, chacun a sa place, son rôle. Hier encore lui aussi avait le sien, il s'en souvient. Il doit aujourd'hui se contenter d'observer leur ballet.
Un tourbillon de pensées confuses partait en assauts répétés se fracasser contre une muraille invisible. Les vagues montaient, irrépressibles.
Lorsqu'il croyait parvenir enfin à les contenir un instant avec l'espoir de les saisir, les comprendre, elles disparaissaient, laissant derrière elles un vide.
Une rivière à sec.
Certaines photos dans ces recueils sont devenues des mystères familiers. Des oncles lointains, des visages aux prénoms oubliés, des gros ventres, des yeux rieurs, des chapeaux, des voitures noires, des jardins. Immobiles. Pour toujours. Des vies transformées en figures abstraites sur du papier. Il lui semble presque impossible d'imaginer ces corps animés de désirs, d'espoirs ou de souffrances. La partie de campagne. L'enfant boudeur sur le tricycle, l'homme adossé au cerisier, la nappe blanche et les bouquets fleuris sur la grande table lui paraissent irréels au point de rendre leur disparition sans importance.
Elle aussi, à son tour, aux yeux de tous, deviennent lentement une image dans l'album du passé. Une mutation irréversible, difficile à admettre, mais c'est bien ainsi que la jeune femme l'avait vue. Enfermée à double tour derrière le masque de sa vieillesse.
- Regarde l'humanité tout entière. On est gros, on est laids, on est lâches. Incapables de bonté. On ne vaut pas mieux que des putains de lapins.
- Haha ! Des lapins ? !
- Mais oui ! Peu importe que les autres crèvent si moi j'ai à manger et un terrier pas trop merdique. C'est ça l'humanité.
- Je n'avais pas beaucoup de temps pour lire. Je n'ai pas pris assez de temps pour tout ça de toute façon. J'aurais dû. Je ne peux pas les jeter. Ils ont tous un double fond avec ma vie dedans.
Je me demande parfois si j’avais réellement si peu besoin des autres, ou si je me tenais à l’écart faute de pouvoir être moi-même au milieu d’eux. Nos discussions ressemblaient à des monologues parallèles. Nous ne partagions sans doute rien d’autre que notre incompréhension mutuelle. Pourtant, de temps en temps, je les rencontrais. Je voyais un corps, un visage, et un cour instant, j’entendais leur musique. J’aurais aimé les prendre dans mes bras et leur dire « vous aussi vous avez senti ? Vous avez entendu comme c’était beau ? J’étais tendue vers vous, et j’ai vu quelque chose de juste et de vrai. Quelque chose est arrivé, ici et maintenant, qui ne se reproduira plus jamais. »