Le mouvement des soldats : les comités de soldats et l'antimilitarisme révolutionnaire

Dans ce court livre d'entretien, Serge Ravet et Robert Pelletier reviennent sur une expérience maintenant méconnue dont ils ont été des acteurs importants: le mouvement des soldats qui ébranla les casernes de 1974 à 1976.
Ce mouvement inédit prend forme à la fin des années 1968, alors que les acteurs de ces mobilisations sont nombreux parmi les appelés. Certains courants révolutionnaires refusent d'aller sous les drapeaux, prônant l'objection de conscience. D'autres, dont la Ligue Communiste (devenue Ligue Communiste Révolutionnaire après sa dissolution) à laquelle appartiennent les auteurs, voient dans ce passage dans l'armée l'occasion d'accéder à un nouveau milieu de militantisme.
Pendant l'élection présidentielle de 1974, un Appel des 100 (rapidement signé par 6000 appelés) fait connaître un certain nombre de revendications sociales similaires à celle du reste du monde du travail (réclamant une solde égale au SMIC, le droit de résiliation des contrats pour les engagés, la gratuité des transports pour pouvoir profiter des permissions...) mais aussi des revendications démocratiques élémentaires dont sont privés les soldats appelés comme engagés (droit de se syndiquer, droit à l'information libre, droit de grève et manifestation...).
Dans les mois qui suivent de nombreux journaux clandestins et comités de soldats tout aussi clandestins se développent dans les casernes, dépassant largement les quelques militants révolutionnaires sous les drapeaux. Malgré la très forte répression et les réticences d'une grande part du mouvement ouvrier traditionnel à les soutenir, les mobilisations vont se développer sous différentes formes, y compris la manifestation de soldat, évidemment illégale.
Dans ce livre, les auteurs nous racontent tout ça mais ils développent aussi leurs idées anti-militaristes, anti-colonialistes, anti-patriotiques, contre la hiérarchie...
Le livre est sorti alors que les événements narrés n'étaient même pas terminés. Il ne faut donc pas y chercher un livre d'histoire avec du recul, de l'analyse froide et ordonnée. Au contraire, c'est parfois un peu brouillon, on se perd parfois un peu dans la chronologie des faits. Par contre on est marqué par la force de conviction des auteurs, l'énergie révolutionnaire dont ils font preuve dans cette période de reflux. Car la fin du mouvement des soldats marque aussi peu ou prou la fin de la poussée révolutionnaire en Europe (la concomitance de ce mouvement des soldats en France avec la révolution des oeillets au Portugal et le rôle qu'y jouèrent les soldats progressiste).
Enfin ce livre est aussi un beau document d'archives avec les fac-similés de pas mal d'extraits de journaux ou tracts de soldats contestataires difficiles à trouver.