Dans la Chine du XVIIIème siècle, dans la province de Chantong, c'est le juge Ti qui est sollicité pour enquêter pour les délits et affaires criminelles. Une première affaire concerne les meurtres de deux negociants en soie. Puis il doit se pencher sur la mort violente d'un homme dont la jeune épouse vit désormais recluse dans sa maison mais dont le juge Ti soupçonne l'infidélité et la responsabilité dans ce crime. Enfin une dernière affaire concerne une jeune mariée, morte empoisonnée le lendemain de la noce.
L'intérêt de ce roman est moins la découverte des coupables que la description des méthodes d'enquête, le récit détaillé les moyens dont dispose le juge pour faire éclater la vérité et confondre les auteurs des crimes. Et tous les moyens sont bons, pour que le juge fasse éclater la vérité, le recours aux déguisements pour se faire passer pour un commerçant ou un médecin pour ainsi recueillir des confidences, l'interprétation des rêves dans lesquels le juge décrypte les signes pour désigner un auteur de délit ou de meurtre ou comprendre les faits - dans une société encline à croire aux signes divinatoires ou aux fantômes, enfin le pire de toutes les méthodes, la torture - des coups de bâton à l'utilisation des poucettes (doigts et orteils serrés dans un étau) en passant par le suspect maintenu à genou sur des chaînes chauffées à blanc...
Le roman permet également de comprendre l'organisation de la société et surtout les rapports de force qui sous-tendent cette société, le juge est alors tout puissant, le justiciable qui est convoqué ou sollicité dans une affaire doit se prosterner devant le juge, jusqu'à baisser le front à terre en prononçant la formule ”L'insignifiante personne qui se prosterne devant vous...” . Ses pouvoirs ne sont pas toutefois illimités, un juge qui, s'il a torturé à tort un justiciable, peut être condamné, lui même ainsi que son équipe, aux même supplices infligés jusqu'à la peine de mort.
Un roman intéressant sur le contexte de la société chinoise, inspirée par la vie d'un vrai juge, ayant vécu au VII ème siècle, mais dont le récit datant du XVIII a été redécouvert et traduit par Robert van Gulick au XX ème siècle.
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Vous avez un caractère dépravé, mais étant candidat aux examens littéraires, vous êtes capable de raisonner avec logique. Vous comprendrez qu’il serait vain de m’obliger à vous interroger sous la torture. Épargnez-moi ainsi qu’à vous-même cette peine inutile...
Lorsque le juge Ti eut été informé de leur présence, il leur ordonna d’attendre dans la salle d’audience. Puis il revêtit sa robe de cérémonie et sa coiffe de magistrat : le rideau de l’estrade s’ouvrit et le juge apparut, assis derrière la haute table. Tournant les yeux vers les scribes et les sbires en rang face à lui, il ordonna d’une voix forte :
- Faites avancer l’accusée !
Ils atteignirent au bout de trois jours le Village Divin en chaises à porteurs de louage et s’arrêtèrent à l’entrée du bourg.
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Robert van Gulik :
Le Jour de grâce]
Depuis Amsterdam Olivier BARROT présente le livre de Robert van GULIK, "
Le Jour de grâce".