Dimanche 19 août 2012 - 00:30
Deuxième nuit la plus chaude de Belgique, le thermomètre n'est pas descendu en dessous des 24 degrés... 31 degrés dans la chambre! Je suis en sueur, goût de sel sur mes lèvres, plus une goutte d'eau dans mon corps, plus une larme pour accompagner la dernière ligne de ce journal. Image forte comme point final, celle d'un corps momifié dans une boite comme dernier cadeau d'un père à sa fille. Plutôt morbide quand on y pense. Et de me souvenir dans la foulée de son faux frère antagoniste évoqué par le narrateur lui-même: "Pour exprimer la douceur sous toutes ses formes, psychologique, sentimentale, tactile, alimentaire, sonore, les italiens disent morbido".
Car, c'est bien de cela qu'il s'agit. de douceur... En léguant ses cahiers à sa fille, il lui offre un cadeau inestimable, lui qui n'était pas vraiment un père "physique", prodigue en câlins, il lui confie son jardin secret. Il ne s'agit pas d'un journal intime traditionnel mais du journal de son corps, "notre compagnon de route, notre machine à être".
Image forte pour en finir, image choc pour débuter: celle d'un gamin attaché à un arbre se pissant et se chiant dessus de panique. Ce traumatisme est le point de départ de ce journal. Fantôme d'un père mourant, déception d'une mère rigide, le narrateur décide de dompter son corps, de surmonter ses peurs, de se réapproprier une existence physique auquel il pense ne pas avoir droit.
"Si je décris exactement tout ce que je ressens, mon journal sera un ambassadeur entre mon esprit et mon corps. Il sera le traducteur de mes sensations."
C'est ce qu'il fera de ses douze à quatre-vingt-sept ans, couvrant les années 1936 à 2010. En décrivant les manifestations de son corps, c'est finalement de son être qu'il nous parle. de ses difficultés d'exister, enfant, à celle d'exprimer (ailleurs que dans ce journal) ses sentiments, adulte. Et, inévitablement, ces pages font écho à ce que chacun de nous expérimente, depuis son premier cri jusqu'à son dernier souffle. Je vous mentirais en vous disant que cette lecture était facile! Non, certains passages m'ont parfois choquée (foutue éducation judéo-chrétienne), d'autres m'ont renvoyée à mes propres angoisses pas toujours très agréables (celles de la vieillesse, la maladie, la mort), à mes propres expériences de vie...
Mais, à y bien réfléchir, chacun de nous devrait tenir ce type de journal! de un, comme le dit le narrateur lui-même, pour éviter de nous plaindre à nos proches. de deux, car, tous, ne sommes que les habitants provisoires d'une coquille - notre enveloppe charnelle - qui notre vie durant nous reste étrangère et que nous passons notre temps à tenter d'accepter telle qu'elle est et devient!
Un dernier mot concernant le style de l'auteur: remarquable! Par moments, surtout dans les quatre premières parties, de 12 à 19 ans, j'ai retrouvé les saveurs d'un
Pagnol, d'un Bazin voire de Labro avec le Petit garçon. Si la période de l'éveil sexuel fut quelque peu plus hard pour moi, les suivantes, ma tranche d'âge ainsi que celles de mes ainés, parents et grands-parents m'ont tour à tour amusée et émue aux larmes. J'ai également apprécié les Notes à Lison où le narrateur, a posteriori, amenait un éclairage complémentaire sur ses écrits.
Maintenant, pour conclure, là où le narrateur aimerait lire "le journal qu'une femme aurait tenu de son corps. Histoire de lever un coin de mystère? (...) En ceci par exemple qu'un homme ignore ce que ressent une femme quant aux volume et au poids de ses seins, et que les femmes ne savent rien de ce que ressentent les hommes quant à l'encombrement de leur sexe", je dois avouer qu'en ce qui me concerne, ce ne sont pas ces questions qui m'ont de prime abord intéressée. Non, derrière la machine, c'est l'être qui m'a davantage scotchée!
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