Révélation brutale

Si les mensonges l'agaçaient, la vérité semblait l'irriter encore plus. Surtout lorsqu'elle ne lui convenait pas.

Peu de gens, savait-il, réussissaient à vivre dans la solitude. Même si certaines personnes la désiraient, même si elles choisissaient de vivre ainsi, la plupart ne le supportaient pas. Elles ne savaient pas comment occuper leur temps et finissaient pas s'ennuyer.

Il s’était donc forgé une carapace pour résister aux attaques. De telles cuirasses permettaient à de jeunes enfants de survivre, Gamache le savait bien, mais elles cessaient rapidement de protéger et devenaient le problème. Parce que si la carapace tenait la douleur à distance, elle bloquait aussi la lumière. Et à l’intérieur, la pauvre petite âme effrayée devenait quelque chose de complètement différent, qui se développait uniquement dans l’obscurité

(Flammarion, p. 301)

" L'un de nous "... Trois petits mots, mais puissants.
Ils avaient, plus que tout autre chose, mis des milliers de bateaux à la mer, déclenché des milliers de guerre.
L'un de nous. Un cercle tracé. Et fermé. Une frontière marquée. Ceux qui sont à l'intérieur et ceux qui ne le sont pas.
Mais il s'agissait plus que du simple fait d'appartenir à un groupe.
Si "l'appartenance" était si puissante, si attrayante, si elle faisait tant partie des aspirations profondes des êtres humains, c'était parce qu'elle assurait aussi la sécurité, et la loyauté. Si vous étiez "l'un de nous", vous étiez protégé.

" J'avais dans ma maison trois chaises : une pour la solitude, deux pour l'amitié, trois pour la société."

Si la vérité était la première victime d'une guerre, les mensonges des gens comptaient parmi les premières victimes d'une enquête criminelle.
Les mensonges qu'ils se racontaient à eux-mêmes, ceux qu'ils racontaient aux autres. Les petits mensonges qui leur permettaient de sortir du lit par un matin froid et gris.

La musique les surprit tous. Une complainte celtique s'échappa de l'archet, du violon, du jeune agent. Elle remplit la cabane, monta jusqu'aux poutres du plafond, s'enfonça presque dans les coins. Une mélodie toute simple, agréable comme des couleurs harmonieuses, un bon repas, une conversation plaisante, tourbillonna autour d'eux. Et se logea dans leur poitrine. Pas dans leurs oreilles ni dans leur tête, mais dans leur coeur. La musique, lente, pleine de dignité mais joyeuse, était jouée avec assurance. Avec grâce.

Quoi qu'on fasse, notre conscience nous trouve. Le passé refait toujours surface. Voilà pourquoi, savait Gamache, il était essentiel d'être conscient des actions accomplies dans le présent. Car le présent devenait le passé, et le passé grossissait, et vous suivait.

Un être très dangereux circulait parmi eux. Une personne qui paraissait heureuse, aimable, gentille même. Mais c'était une tromperie. Un masque. Gamache savait que, lorsqu'il trouverait le meurtrier et lui retirerait son masque, il lui arracherait aussi la peau. Le masque était devenu l'homme. La duplicité était totale.

Enquêter sur un meurtre pouvait sembler un processus complexe. En fait, c'était plutôt simple. Il suffisait de poser, encore et encore, la question : "que s'est-il passé ensuite ?" Et d'écouter les réponses, bien sûr.