PEPITE !
Comment vais-je arriver à rendre compte de ce roman qui m'a littéralement bouleversée, de ce roman qui saigne, qui sépare si bien le « bon côté du monde » du mauvais côté ? Comment atteindre le niveau impalpable de la conscience de la narratrice, qui « avait perdu le fil qui (la) tirait vers l'âge adulte » ?
Cette jeune fille de 16 ans passe les vacances, avec sa soeur un peu plus âgée, dans la maison de ses grands-parents située dans un petit village à la lisière des Vosges. Cet été-là est particulièrement chaud, accablant. La grande soeur, Angélique, ne pense qu'aux jeunes de la colo logeant un peu plus loin et au flirt. Mais notre Catherine, la sauvage, la décalée, n'est heureuse qu'au grenier où elle peut s'imprégner de l'esprit des choses ; et dans la nature, aussi, spontanée et irraisonnée. Toute la nature, des animaux aux plantes, de la rivière aux champs lui remplit le coeur. Et c'est au coeur de cette nature que LA rencontre s'amorce, et puis s'accomplit...
Et me voilà de nouveau confrontée à l'angoisse de ne pas bien rendre compte de l'état d'esprit de Catherine. Pourtant, je m'y suis retrouvée, je l'ai comprise, je l'ai « sentie ». Sa difficulté de s'intégrer à l'apparence de son époque (ah, les années 70 ... !), sa gaucherie et pourtant son mouvement naturel vers la vie, son amour du vrai sont décrits avec tellement d'aisance, sans artifice aucun que je me suis collée à elle. J'ai donc ressenti et sa joie et la blessure profonde qui l'a suivie peu après. Une blessure de prise de conscience. Et la honte qu'elle n'a pas bue. La honte qui est restée, qui s'est enfoncée en elle telle une écharde. « La vie est là, sous mes fenêtres, dans les prés, dans les bois. Une vie impensable, inacceptable, qui n'attend que moi, et dont je n'ai pas voulu ». Par honte. Par désir de se tourner du « bon côté » de la vie, du côté des « normaux ». « Apprendre la raison à grands coups de pied dans le coeur », on peut dire que cette phrase résume bien tout le propos du roman.
J'ai adoré ce roman sensible et pudique, touchant au plus intime de l'être, loin de ces leçons de développement personnel dont on nous abreuve dans la littérature. Rien n'est calculé, ici. C'est une belle leçon de vie, et je terminerai par une phrase d'
Anne Percin, que je considère d'ores et déjà comme un très grand auteur, du même acabit que
Geneviève Damas, un des mes écrivains fétiches :
« Tous les crève-coeurs de l'enfance sont des douleurs saignantes qui se referment et laissent des cicatrices. La sagesse n'est rien d'autre qu'un réseau de stigmates. »
INOUBLIABLE.