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3,69

sur 1194 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Un couple de jeunes psychosociologues des années 60, Jérome et Sylvie, rêvent d'un appartement bourgeois rempli de livres et de bibelots de prix ("agathes et oeufs de pierre, boites à priser")) où "la vie là serait facile, serait simple", entre art de vivre et harmonie, sans contraintes terre à terre puisqu'ils auraient une femme de ménage.
Cette douce utopie est contrecarrée par leur 35 m2 dont le manque d'espace face "à l'immensité de leur désirs" les paralyse.
Feraient-ils passer l'amour de la richesse avant celui de la vie?
Leur jouissance serait-elle liée au besoin de posséder?
Jérome, aux "goûts sûrs", affectionne les antiquaires et collectionne les objets rares. Leurs vêtements d'étudiants changent pour suivre la mode anglaise.
C'est l'évolution de ce couple; leur impatience;leur métamorphose en jeunes cadres inhérente à leurs valeurs,ambitions, à certains critères glanés dans des magazines tels L'express; le piège de leurs projets qui les englue peu à peu; la dépendance de leur vie affective à l'économie; leur obsession de faire fortune qui les pousse à partir en Tunisie puis à revenir tout aussi seuls, "sans rien"; que nous donne à voir Georges Perec (écrivain du XX° siècle à présent décédé qui a obtenu le prix Renaudot 1965 pour Les choses: une histoire des années 60 et le prix Médicis pour La vie mode d'emploi).
C'est "une tragédie qui s'installe au coeur de leur vie ralentie" que dépeint admirablement bien Georges Perec, une réflexion sur la vie,l'amour, le couple et le bonheur très intéressante à lire.
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Ce livre a beau avoir près de soixante ans, le miroir qu'il nous tend n'en continue pas moins de générer un certain malaise : s'y reconnaître en creux, à un degré ou à un autre est loin d'être plaisant. le contexte a changé, les parcours sociaux de "petit bourgeois" à "embourgeoisé" sont mois linéaires et encore moins systématiques, mais n'empêche : cette accumulation voire déification de "choses" au détriment d'une vie pleine, on y baigne tous un peu.

C'est mon premier Perec et je ne m'attendais pas du tout à ça : là où je pensais découvrir un écrivain très intello, un peu loufoque et héraut d'un mouvement littéraire très marqué sixties aux codes oubliés, je me suis retrouvé face au regard aiguisé et de longue portée d'un fin observateur de la société qui, à travers la narration clinique de la traversée du vide d'un jeune couple affamé de biens, aura su révéler le néant abyssal que cache le confort délicieux de la société de consommation.
Espérons que ce roman ne reste pas éternellement intemporel...
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Peut-être avez-vous déjà entendu l'expression "marqueur culturel"...Je n'aime pas vraiment cette expression, je ne la comprends pas dans le fond, mais je suppose qu'elle irait comme un gant à ce roman de Geroges Perec, paru en 1965 et qui remporta le prix Renaudot. C'est sans doute son oeuvre la plus connue, avec "la Vie Mode d'Emploi".

Oeuvre singulière, en effet, dont la trame s'inscrit dans le contexte de la France des années 60, les trente glorieuses battent leur plein, l'Algérie est en proie à une guerre qui ne dit pas son nom. La société de consommation s'impose comme une évidence.

Perec, à travers un parti pris "sociologique", retrace le parcours d'un couple, Jérôme et Sylvie ; ils sont juste assez signifiants pour refléter leur époque : ils bossent dans la pub, leur carrière, leur désir d'objets (de marqueurs sociaux) sont l'alpha et l'oméga de leur vie. Ils sont les instruments et les fidèles de la nouvelle religion de la consommation.

Avec le recul, je pense que c'est un roman clivant car ; pas d'intrigue, pas de dialogues, pas vraiment de personnages. Pseudo-roman pour les uns, oeuvre singulière, voire radicale, pour les autres. Mais Perec était visionnaire quand même, en mettant en exergue l'insignifiance de ce désir perverti par un système aliénant. C'est, finalement, l'histoire d'une frustration organisée, d'une absence de sens, qu'il entrevoit comme l'impasse vers laquelle fonce cette France des années 60.

Personnellement, j'ai beaucoup apprécié.



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Plus que la simple critique de la société de consommation à laquelle on le résume parfois , ce livre est plus généralement le portrait d'éternels insatisfaits, incapable de prendre une décision et qui cherchent toujours à leur mal -être une raison extérieure: ça sera mieux quand on aura de l'argent, ça sera mieux quand on quittera Paris, ça sera mieux quand on reviendra à Paris...
Le portrait de conformistes à la vision étriquée formatée par leurs lectures, leurs présupposés, leurs fréquentations, et pour qui le bonheur est "comme on leur a dit qu'il doit être" et pas autrement, et qui passent à côté de tout à force de trop idéaliser ce bonheur. Un livre assez inconfortable en ce qu'il renvoie le lecteur à ses propres marottes, avec une écriture étouffante de détails et surchargée de descriptions qui colle parfaitement au thème de la quête du bonheur dans la surabondance, du bonheur conditionné. Bref, une "histoire des années soixante" toujours terriblement actuelle.
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Un petit livre, mais une belle réflexion sur le manque de véritables projets de ces jeunes adultes des années 60. le livre, publié vers 1966, s'arrête un peu avant 68, mais ce que sont devenus une bonne partie des soixante-huitards les aurait sans doute achevés. Plus que la société de consommation, c'est l'abondance relative et les modèles, plus riches de biens matériels que d'idéaux, qui tuent l'enthousiasme de leur jeunesse. L' écriture est très originale et expressive. Comme à chaque fois qu'il ne se passe pas grand chose, on peut trouver des longueurs mais avec à peine 160 pages, le risque est limité. C'est un texte assez troublant que j'ai bien aimé. J'hésite quand même à le lancer dans la vie mode d'emploi, craignant d'avoir du mal à tenir la distance.
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C'est après avoir découvert l'excellent roman de Sophie Divry, "La condition pavillonnaire" que l'envie de relire ce fameux roman de Pérec m'est revenue.
En effet, la filiation littéraire être ces deux oeuvres est patente et j'avais envie d'enchaîner avec "Les choses" que je n'avais pas relu depuis mes années de lycée.
Loin d'être un connaisseur de l'oeuvre de Perec, j'ai savouré ce jalon de la littérature française du XXe siècle sans a priori et qui m'a laissé moins amer que lorsque je l'avais découvert étant adolescent. Est-ce parce qu'à l'aube de la quarantaine, je m'y suis reconnu avec plus de sérénité et de résignation ?... Sans doute.
Roman des illusions de jeunesse, non pas perdues, mais destinėes à n'être jamais atteintes, il s'en dégage un poisseux sentiment de gâchis métaphysique d'autant plus douloureux qu'il est facile de s'identifier à certains des traits psychologiques du couple décrit par Pérec.
Plus qu'une critique de la société de consommation (alors en plein essor) à laquelle on l'associe et le limite communément, j'y ai vu pour ma part une description littéraire très "clinique" du désoeuvrement moral dans lequel est plongée la jeunesse occidentale moderne (un peu comme si l'"ultra moderne solitude" chantée par Souchon rencontrait la France moderne décrite dans les films de Jacques Tati tels que "Trafic", "Playtime" et "Mon oncle").
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Introduisez dans l'appartement parisien d'un jeune couple fraîchement diplômé, une banquette IKEA, un iPhone dernier cri, la cafetière de l'acteur et un vélo électrique en lieu et place de ces "Choses" des années 60, vous mesurerez sans peine le chemin parcouru par nos sociétés depuis ce bijou de Perec.
Implacable constat du conformisme morne et stérile engendré par cette société où comme le chante Alain Souchon :
"le bonheur c'est d'avoir
de l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires"

Pour la soif d'idéal, quand je constate la popularité des "Marseillais" et de Cyril Hanouna, je suis moins optimiste que le chanteur.
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On attribue à Gandhi cette merveilleuse réponse sur notre civilisation : « Vous me demandez ce que je pense de la civilisation occidentale. Je pense que ce serait une très bonne idée. »

En écrivant son « roman » au conditionnel ou au futur jamais atteignable, et en le consacrant à « l'intérieur bourgeois », bourgeois parce qu'intérieur, clos, tapissé, décoré, tout composé de biens matériels, jusqu'à l'intérieur de soi, fardé et costumé mais authentique, Perec souligne à quel point cette « civilisation » de la consommation, de la possession, de l'apparence, de l'immédiateté, du plaisir, de l'argent plus que du sens, de l'avoir plus que de l'être est une illusion plus qu'une utopie.

Et le grand paradoxe de cette histoire, le roman de Pérec cette fois, c'est de nous emporter, de nous transporter, de nous donner à penser par un texte presque tout entièrement consacré à la surface, aux choses de notre monde quotidien : c'est que ce décor dans lequel nous vivons, ces costumes dont nous nous drapons, ces produits que nous avalons, inhalons, nous injectons, incorporons, absorbons, tout ce que nous souhaitons, avons, renouvelons, concentrent finalement tout entier, bien tristement, tragiquement, et aujourd'hui dangereusement, notre rapport au Monde. L'abondance des choses, c'est la surface qui recouvre le vide de nos vies, du présent et de l'avenir de notre culture. L'accumulation maladive c'est, finalement, le signe de la dépossession. le règne des choses, c'est le règne du faux : faux besoins (manipulation), fausse réalité (illusions), fausse information (propagande), fausse vision (mirage), faux semblants (aliénation), fausses vérités (mensonges) . C'est la dictature parfaite : la soumission organisée des hommes par leurs marchandises et leurs spectacles, l'annihilation de l'humanité par la superficialité. Les choses c'est le roman de la réification de la désubstantialisation, de l'assèchement de l'être. Les choses, c'est la vie (toujours) reportée après.
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Cette nouvelle de Georges Perec est bien écrite et très juste.
Elle m'a particulièrement touché car je me suis reconnu dans ce jeune couple épris de beaux objets et tout entiers tendus vers un futur meilleur.
Je n'y ai pas vu l'apologie ou la critique du consumérisme comme certains.
J'y ai vu l'analyse fine de nos attentes et déceptions dans la société moderne : le goût du beau, l'aspiration à la liberté, l'écueil du confort et de la routine, les voies divergentes de nos amitiés, et ce temps qui passe vite, trop vite.
Cette lecture m'a plu mais m'a légèrement mis mal à l'aise tant elle dessine les contours de la vacuité de notre existence dans notre société.
Au final, la leçon reçue l'a emportée sur le désagrément.
Lien : http://axel-roques.iggybook...
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Il y a une multitude de choses à dire sur ce roman, c'en est même un encombrement. L'écriture de Perec est unique, captivante, déconcertante : elle nous immerge dans l'hyperréalité d'un monde consumériste par le biais d'une analyse psychosociologique qui s'inscrit dans une description chirurgicale des environnements.
Monographie sur un couple du début des années 60, Perec déploie son récit comme un réalisateur, l'écrit comme le script d'un scenario, fixe chaque détail dans un long plan séquence déroulant leur vie. La plume se fait camera, avec des accélérés qui révèlent la frénésie et l'illusion de la société de consommation, pour remplir un vide identitaire.
Le roman reste très contemporain, décrivant des personnages en fuite, en quête d'autres horizons mais qui n'ont pas prise sur leur existence. On peut trouver une certaine proximité avec Houellebecq, sur le thème du désenchantement d'une société du conformisme social aseptisé par la marchandisation de nos aspirations et de nos affects.
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