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sur 1195 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Jérôme et Sylvie sont jeunes et l'immensité de leurs désirs les paralysent. Ils succombent aux signes de la richesse ; ils aiment la richesse avant d'aimer la vie. Ils attendent de vivre, ils attendent l'argent. Mais cette passion, celle du mieux vivre les épuise, submergés qu'ils sont par l'ampleur de leurs besoins. Alors que peut-être ils se trompent ; ils sont en train de se perdre.

Jérôme et Sylvie nous montrent qu'avoir vingt ans dans les années soixante, quand on est enfants de petits bourgeois, et un tant soit peu intellectuel, c'est balancer entre un bonheur lié à une certaine richesse et un bonheur lié à un travail qui laisserait du temps pour se cultiver, faire ce que l'on aime, mais priverait de l'aisance financière. Un désir de posséder des choses qui serait donc une option envisageable comme source de bonheur, à condition de s'en donner les moyens, et de renoncer à une forme de liberté.

On l'aura compris cette réflexion sur le bonheur et la fascinante possession des choses, remarquable de modernité, a été inspirée à Georges Perec par sa jeunesse. Lui qui avait vingt-quatre ans en 1960 explique : « Il y a entre les choses du monde moderne et le bonheur, un rapport obligé. Une certaine richesse de notre civilisation rend un type de bonheur possible ... Ceux qui se sont imaginé que je condamnais la société de consommation n'ont vraiment rien compris à mon livre. Mais ce bonheur demeure un possible ; car, dans notre société capitaliste, c'est : choses promises ne sont pas choses dues. »

Challenge MULTI-DÉFIS 2020
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Il est des écrivains devant lesquels on se sent très petit, desquels on n'ose pas ouvrir les livres parce que...
Et pourtant, ils nous adressent bon nombre de clins d'oeil : un livre sur Ellis Island - lieu sur lequel on ne s'arrête jamais de vouloir apprendre sans vraiment savoir pourquoi, sans vraiment de raison tangible - un livre - biographie - qu'on a longuement regardé et laissé sur l'étal du bouquiniste que l'on fréquente, un chat noir aux grands yeux sereins perché sur une épaule....

Je me suis décidée... et je sais que je viens de trouver une pile de livres à lire et qu'ils vont m'enchanter.

Les choses , c'est l'histoire - un peu autobiographique - de l'écrivain, un jeune couple, les années 60, une certaine définition du bonheur...

Ce bonheur que ne semble devoir s'acquérir qu'avec de l'argent, beaucoup d'argent afin d'être "large" et de ne pas craindre d'en manquer.
Ce n'est pas une critique de la société de consommation telle qu'elle commence à apparaître dans ces années, plutôt le constat d'une attitude, d'un état de fait d'une génération, l'argent devient disponible pour davantage que la survie, il peut permettre d'acquérir ces choses destinées à apporter le bonheur, du moins dans l'imaginaire des gens.
Concilier profession, rêves à réaliser, mode de vie désiré, rien n'est facile, finalement.
Et puis, un changement de vie, le désir de s'affranchir des ces désirs qu'on n'assouvit pas et qui restent seulement des rêves : le départ pour Sfax, et une vie toute en simplicité, toute en retenue, une vie qui ralentit , sans frénésie. Et si le bonheur résidait dans cette simplicité, justement, dans cette absence de course ?

Pourtant ce jeune couple choisira de rentrer en France...

Juste une question après avoir refermé ce récit : "être" ensemble, n'était-ce pas suffisant pour parler de bonheur ? Faut-il toujours vivre dans l'agitation, même seulement celle de l'imagination ?


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Relu plusieurs fois. La dernière fois un peu avant « L'homme qui dort ». A chaque fois, de plus en plus bouleversé. Comment ne pas s'identifier à ces jeunes gens, ce jeune couple amoureux des années 60 ? Avenir complètement déterminé et prévisible sans qu'ils le sachent. Essai de s'intégrer à cette société de consommation qui commençait à refermer ses mâchoires sur nos libertés. Mais dans cette société où les objets remplacent les idéaux, ils ne seront jamais vraiment inclus. Sentiment que tout est malgré tout possible, âge où on s'imagine pouvoir influencer la société…
(Scola et Maccari écriront un peu plus tard pour le scénario de « Nous nous sommes tant aimés » : On voulait changer la société. Et c'est la société qui nous a changés !)
Pour comprendre et bien se rendre compte que la société nous impose ses règles, ses lois.
Sfax ne sera pas l'Eldorado espéré !
Perec pose un constat sans pitié sur les années 60.
C'était il y a longtemps. Très longtemps en ce qui me concerne. le couple s'est fatalement écroulé dans la faillite des illusions…
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Être ou avoir ( sans être).
C'est ce qu'évoque ce récit du génial Georges Perec, récit distancié au point d'être, je trouve, presque glaçant, car ce sont « les choses », ces « obscurs objets du désir » qui en sont les personnages principaux, elles qui qui absorbent, aspirent, phagocytent la vie désincarnée de jeunes du début des années 60.

De façon tout à fait originale, le récit commence par une visite d'un petit appartement de 35 m2, encombré d'objets dont il nous est fait une description détaillée dont Perec est passé maître.
Puis, nous suivons la vie du couple qui l'occupe (ou le rêve?, on ne sait), Jérôme et Sylvie. Ils ont arrêté leurs études universitaires, sont devenus « psychosociologues », et enquêtent en « free-lance » pour le compte d'agences de publicité, afin de connaître les goûts, préférences des français de ce début des « sixties ».
Une vie faite d'un travail pas trop éreintant, un peu bohème, avec des week-ends entre amis, dans lesquels on parle, boit, fume, beaucoup, l'une des préoccupations étant le thème de la Guerre d'Algérie, dont la fin s'annonce.

Mais la préoccupation majeure de Jérôme et Sylvie, ce sont, dans ce Paris où les sollicitations sont si nombreuses, l'infinité des choses qui tentent le consommateur dont le désir est inassouvi, car les choses sont le plus souvent inaccessibles aux finances du jeune couple. Un désir aussi de consommer « comme il faut », guidé en cela par ces journaux réputés pour leur « bon goût », et décortiqués par ce couple « bobo » qui prétend préférer sa liberté dans le choix de ses missions professionnelles, avec comme conséquence des emplois précaires et peu rémunérés.

Cette frénésie consumériste insatisfaite, c'est sans nul doute le thème central du récit, qui anticipe la révolte de mai 68. : « Dans le monde qui était le leur, il était presque de règle de désirer toujours plus qu'on ne pouvait acquérir », nous dit Georges Perec. Et les deux personnages principaux ne semblent pas rechercher le bonheur dans une certaine façon d'être, mais n'existent que dans la recherche et la possession d'objets, même inutiles. Et cette vie où chacune et chacun est préoccupé par la satisfaction de ses propres besoins et désirs, est une vie faite de frustration et de solitude.

Conscients néanmoins de ce vide, et refusant aussi de se « ranger » dans un travail stable, ce que font beaucoup de leurs amis, Jérôme et Sylvie, postulent pour un travail de coopérants, très en vogue à cette époque post-coloniale du début des années soixante.
L'expérience sera affreuse, d'autant plus que Jérôme ne trouvera pas d'emploi, suite à son absence de diplômes, alors que Sylvie avait été recrutée comme institutrice. Milieu hostile ou indifférent, très peu d'amis et de vie sociale, et un appartement délabré et comble du désespoir, très peu de choses, très peu de meubles, d'objets.
De retour à Paris après une année scolaire, le couple se résigne à se ranger comme les autres dans un emploi stable, et, avec l'aide de leurs amis, ils trouveront un poste de directrice et directeur d'Agence de publicité à Bordeaux. Et, à nouveau, se mettent à rêver d'une vie d'opulence. Mais le repas insipide servi dans le train ne présage rien de bon, en tout cas un bonheur incertain.

Dans cette histoire en apparence toute simple, Perec réussit à nous faire saisir, à la fois par la nature désincarnée des protagonistes du couple, dont on ne saura rien des caractéristiques physiques, des origines, etc.., par une narration sans émotion, sans pathos, par l'accumulation de la description des « choses », la quasi-aliénation à laquelle mène la société de consommation où les individus ne se définissent que par les objets qu'ils possèdent, et non par leurs sentiments, engagements, expériences, etc..
Une critique d'une société dans laquelle ce que vous étalez de vos « richesses » (maintenant sur les réseaux sociaux) suffit à dire qui vous êtes, ça reste d'actualité, n'est-ce pas?
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Un livre que je relis toujours avec plaisir. Histoire des années soixante? Histoire sans fin, sans âge à mon sens.
Une histoire d'un couple moyen, aux idées molles, avec pour seul amour véritable l'acquisition des "choses".
Ah ces choses.... vêtements derniers cri, appartement moderne, rêvé certes, mais qui ne peut que devenir un jour concret.
Ces choses qui nous empoisonnent, inutiles mais rendues ici si envoûtantes sous la plume de Perec.
On ressent avec le couple l'appel de ces choses. Oui, ce cuir anglais nous est indispensable, sinon pourquoi existerait-il?
Tout est là. Un monde de choses sans nombre. Des choses éternelles, qui se renouvellent sans cesse. A leur contact la vie du couple s'étiole. le charme de ces choses brise le charme de leur vie.
La fin du récit renvoie au bilan amer et gris d'une vie matérielle sans saveur. Les choses n'ont de beauté que celle qui leur est donnée. Et nous sommes tous prisonniers volontaires de ces choses.
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"Je prie les choses et les choses m'ont pris
Elles me posent, elles me donnent un prix
Je prie les choses, elles comblent ma vie
C'est plus "je pense" mais "j'ai, donc je suis""
chante Jean-Jacques Goldman cinquante ans après la parution du livre de Georges Pérec. Lors de sa parution en 1965, Les choses devait être un OVNI littéraire, entre roman et essai sociologique, avec Sylvie et Jérome, des anti-héros sans grand destin, noyés sur leur envie de choses et d'autre chose, mais quoi ? Telle est la question.
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Objets de consommation,
Jérôme et Sylvie emménagent ensemble, et ne rêvent que d'amour et d'épanouissement. Mais pour être heureux, il va falloir acheter... Roman troublant, écrit en 1965, sur le désir de possession. Un style léger et envoûtant. Fascinant et inoubliable.

29/08/2009
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Les Choses : «lieux de la fascination mercantile». Fable réaliste. Les personnages existent en fonction de l'avoir, ou du désir d'avoir et non en fonction de l'être. En gros, les choses deviennent les êtres et les êtres deviennent les choses.
En perdant toute personnification, les personnages de Jérôme et Sylvie deviennent des types. Des types de l'humanité dans la société de consommation. le Neveu de Rameau dit : «une sottise commune est de croire que le plus habile est celui qui en a le plus». Sottise toujours présente aujourd'hui.
Dis-moi ce que tu possèdes et je te dirai qui tu es. Il y a présence de paradoxe : l'on croit parfois être absolument détaché de la vie matérielle, mais l'on peut croire aussi que l'image projetée de soi-même parle pour nous. Ces croyances sont fausses et vraies à la fois. Mais comme l'image trompe, il vaut mieux parler avant elle.
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Ça commence au conditionnel avec une énumération de toutes ces choses qu'on pourrait avoir et qui feraient de nos vies une vie parfaite. Ça continue sur l'histoire de ce couple, en plein dans les années soixante, psychosociologue tous les deux, allant de petits boulots en petits boulots, ayant comme seule ambition d'être riche. Et sans aucun effort si possible. C'est une histoire des années soixante, comme le dit le sous-titre, mais qui reste toujours d'actualité.

Car il est effarant de voir à quel point chacun peut encore se reconnaître aujourd'hui dans ce livre. On reste souvent encore tourné vers cette idée du bonheur si..., un jour peut-être..., le jour où j'aurais de l'argent..., le jour où j'aurais le temps..., le jour où j'aurais atteint un certain statut... Ce conditionnel qui tue l'instant présent et nous emmène vers une quête perpétuelle et inutile d'une idée que l'on se fait du bonheur.
[...] Lire la suite
Lien : http://www.tulisquoi.net/les..
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Georges Perec dépeint admirablement la vie d'un couple parisien dont l'identité passe par la possession et les apparences. Des jeunes gens, tout imprégnés des idées de 68, qui se veulent rebelles tout en travaillant dans le secteur publicitaire, qui refusent la prison du contrat à durée indéterminée tout en rêvant de richesse, dont les amitiés sont aussi superficielles que leur propre rapport à la vie. Leur vie étriquée les pousse à tenter leur chance à Sfax en Tunisie, à la petitesse succède l'impression de vide.
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