Camille de Peretti est une romancière que je suis avec intérêt depuis ses débuts. Si j'ai été touchée par "
Thornytorinx" et adoré "La
Casati", sa plus belle réussite à mes yeux, j'ai été très déçue par "
Petits arrangements avec nos coeurs". J'attendais donc beaucoup de cette lecture et elle m'a convaincue. L'héroïne que l'on suit est aussi émouvante qu'elle est perdue. D'ailleurs, l'auteur ne l'appelle pas "Vickie" mais "la fille" ou "la blonde". Parce qu'elle n'a pas d'identité bien définie. Parce qu'au fond elle existe à peine…
L'écriture est moins facile qu'elle n'y paraît au premier abord. On sent que l'auteur a pensé chaque phrase ; il n'y a ni surplus ni manque, elle va à l'essentiel, précise. Et cette écriture rend le texte tragique et malsain. On a mal à lire cette fille qui s'égare, qui s'abîme, qui ne sait pas qui elle est en dehors de son corps et du regard que les hommes posent sur lui. On tourne les pages avec inquiétude pour elle, avec peine et compassion. Parce qu'elle est attachante, malgré ses errances, la "fille blonde". Tellement disciplinée, tellement souriante, tellement naïve… Elle ne hausse jamais la voix et accepte tout, et on a presque l'impression que parfois elle ne s'incarne même plus, qu'elle vole, arachnéenne, détachée de toute chose. Elle renvoie également à tous ces instants où, en tant que femme, on s'est sentie utilisée, manipulée, salie, bout de chair sous les yeux d'un homme. C'est ce qui rend cette lecture aussi difficile, presque insupportable parfois : on assiste à la déchéance d'un ange à qui on a tellement menti, une "poupée" qu'on a tellement trompée, abusée, dépouillée de toute substance, écorchée.
J'ai été touchée, émue, par Vickie même si je n'ai pas pu comprendre ses choix – mais ce n'est au final pas le but du livre. Elle m'a laissé l'impression d'une femme baladée du début à la fin, qui ne sait même pas si elle est d'accord ou non. Une femme qui n'a aucun avis, aucune notion de qui elle est. Un être inoccupé, très beau mais très perdu, qui ne connaît que les augmentations de poitrine, de plus en plus démesurées, et sourit lorsqu'on lui demande de sourire, interminablement. Aujourd'hui je vois d'un oeil totalement différent la vie trop brève et douloureuse d'Anna Nicole Smith, dont l'auteur a confié s'être inspirée. Quelles souffrances physiques et morales elle a endurées, quels chagrins elle a cachés… C'est un livre à la fois très brut et très pur qui ne la juge jamais mais qui la regarde sombrer, très doucement, en sachant que tendre la main ne servira à rien sinon cogner le vide.
Merci à NetGalley et aux éditions Kero pour cette belle lecture.