Quand les Homo Sapiens rencontrent les Néandertals...
L'auteur nous fait voyager dans le Nord de l'Espagne et dans le Sud Ouest de la France, de grotte en grotte, en suivant les pérégrinations d'un personnage énigmatique dénommé l'Errant. Il met en scène une vie quotidienne hypotéthique faite de chasse (nombreuses scènes et stratégies présentées, peut s'avérer lassant par moment), de rites religieux et chamaniques (dont il fait l'origine de l'art pariétal, suivant l'hypothèse de
Jean Clottes), le tout étant toujours tourné vers la survie et le développement du clan.
J'ai trouvé très intéressant de voir le degré déjà élevé de maîtrise et d'utilisation de l'environnement (traitement des peaux, plantes pour soigner etc.)
On peut aussi comparer les particularités des Homo Sapiens et celles des Néandertals (outils, techniques etc.) du fait que ces régions à cette époque accueillent les deux populations et que notre auteur les fait se cotoyer et se rencontrer... de façon peu amène.
En effet, pour pallier la baisse de fécondité de ses femmes (hypothèse actuelle sur la cause de sa disparition), Néandertal cherche à s'emparer de celles d'homo sapiens (j'ai eu l'impression de retrouver l'enlèvement des Sabines fomenté par Romulus à la fondation de Rome...).
Tout ça est mené en suivant plus particulièrement deux jeunes garçons au départ isolés chacun dans leur clan pour des raisons particulières, et l'on assiste à leur trajectoire, incarnant ce qui fait la valeur d'un homme.
Intéressant mais assez traditionnel.
Un gros bémol : j'ai été extrêmement gênée et, je l'avoue, franchement agacée, par l'image donnée de la femme, qui aurait déjà été bobonne aux fourneaux, cueilleuse uniquement, reproductrice et nourrice, infirmière, attendant sagement au coin du feu que son homme rentre de la chasse ou de toute autre expédition dangereuse. L'ensemble de l'oeuvre semble très bien documentée, mais il apparaît que les dernières recherches sur les femmes préhistoriques sont presque inconnues de l'auteur. En effet, on trouve la mention d'une jeune fille sachant lancer la sagaie (mais sans préciser si c'est une pratique commune et sans qu'elle participe jamais à une chasse) et d'une autre jeune fille assistante peintre (présentée de manière à laisser penser que c'est tout à fait exceptionnel). Pourtant, aucune trouvaille archéologique n'atteste cet état de fait (pour ma part, j'y ai surtout vu la reproduction de la société sexiste et machiste que l'on connaît bien), et au contraire, des découvertes récentes attestent que des femmes - plusieurs, pas une ici ou là - participaient à la chasse (squelettes féminins avec un bras surdéveloppé, comme les hommes) et participaient à des peintures rupestres (les petites mains vues au départ - par les hommes archéologues - comme des mains d'adolescents, mâles donc). Pour en savoir plus, on peut lire par exemple "l'homme préhistorique est aussi une femme" de Marylène Patou-Mathys (thème traité dans la deuxième partie, le reste abordant plus largement, dans les sciences notamment, "une histoire de l'invisibilité des femmes" comme l'indique le sous-titre).
Ce qui me gêne c'est que, ce livre étant très récent, le lecteur peut penser qu'il est à la pointe des recherches alors qu'il continue, sur ce point, à véhiculer une image forgée par les pères de la discipline à une époque où le code civil napoléonien imprégnait toutes les fibres de la société.
Que puissent se poursuivre les analyses ADN aidant à éclaircir ce sujet - découverte là aussi pour laquelle on a mis beaucoup de temps à admettre la contribution essentielle d'une femme, Rosalind Franklin.