Un gros coup de coeur ! Pour le thème, pour l'ambiance, pour les personnages, pour l'intrigue, pour le style dynamique, pour les réflexions suscitées.
Un éditeur charge une jeune femme, Lex, de retrouver Sniper, un graffeur célèbre, pour le convaincre de publier ses oeuvres et de participer à une grande exposition. Sniper est un seigneur adulé. Certains jeunes ont même perdu leur vie en voulant relever certains défis qu'il avait lancés. Lex infiltre le milieu de ces artistes de l'ombre, traverse plusieurs pays, finit retrouver sa trace et… je ne dévoilerai pas le dénouement assez inattendu de cette traque.
J'assume le risque de provoquer l'hilarité de ceux qui, connaissant ma physionomie, m'imagineraient en situation et j'ose avouer que je rêve d'être un graffeur, comme un enfant rêverait de devenir cosmonaute ou justicier inter-galactique. Ce rêve restera un rêve. Mais tant qu'il sera là, une petite flamme d'impertinence continuera à brûler dans mon univers bourgeois…
Tout ça pour dire que, à mon grand bonheur, je me suis retrouvé à rêver en étant plongé dans le milieu des graffeurs, dont le livre rend l'ambiance à merveille. On y partage l'idéalisme de ces artistes, on ressent les montées d'adrénaline en les accompagnant dans leur expéditions nocturne, on vit dans leurs meutes. Et la forme se met au service du fond: le style rapide et dynamique est en totale harmonie avec l'ambiance.
Certains trouveront peut-être les personnages stéréotypés. Moi, je les ai trouvés attachants par leur détermination et leur loyauté, même si l'auteur met habilement en doute la sincérité de certaines idoles qui cultivent le mystère autour de leur identité. La loyauté de Lex, guerrière en son genre, se révélera de manière inattendue dans les dernières pages.
Et bien sûr, tout au long du récit,
Arturo Perez-Reverte place intelligemment les questions habituelles de la place de ces dessins clandestins. Est-ce de l'art (mais qu'est-ce que l'art…) ? Faut-il l'encourager ou le réprimer ? Les graffeurs sont-ils des voyous ? Ce n'est pas ici le lieu où mener ce débat. Alors je terminerai simplement en citant un slogan écrit en 2007 sur un mur de l'université de Perpignan: « On ne dégrade pas, on ajoute de la matière ».