Les propos du critique d'art tranchaient nettement avec tout ce qu'il avait pu dire et écrire jusque-là. Il admettait, pour la première fois, qu'elle avait un vrai talent, et reconnaissait même qu'elle était l'une des valeurs sûres de la profession. Publiquement il faisait ainsi son mea culpa. Alexandra pourtant n'en tira aucune satisfaction d'aucune sorte. Depuis longtemps elle savait que cet homme travaillait pour Steve. Il était devenu l'instrument de la vengeance que son ex-mari continuait d'assouvir depuis la Californie où il s'était installé, si bien que depuis quatre ans, chacune de ses expositions était clouée au pilori médiatique, placée au centre de polémiques et de dénonciations virulentes, menacées de censure et de procès, le tout personnellement lancé par Harry Parker.
L'argent, la soif d'argent peut faire faire n'importe quoi, et dans cette course où les sommes mises en jeu sont colossales, il n'y a rien d'étonnant à ce que des recherches et des essais soient entrepris un peu partout sur cette terre, et testés sur des individus qui n'ont pas forcément le pouvoir de refuser. Ces pauvres gens n'ont pas de quoi vivre si bien qu'ils en sont réduits à vendre leur corps pour une bouchée de pain.
Elle éprouvait toujours cet incommensurable soulagement, et toujours aussi, cette amertume tenace. Elle avait eu la naïveté de croire que l'aéroport John F. Kennedy était une espèce d'antichambre du bonheur, et qu'il suffisait de passer de l'autre côté de ces portes à ouverture automatique par lesquelles passaient chaque jour des dizaines de milliers de d’hommes, de femmes et d’enfants, pour enfin être heureuse.
Elle n'avait plus de vie sentimentale, sa vie sociale était réduite au strict minimum et sa vie professionnelle était remise en cause à chaque nouvelle exposition. Là où Steve avait su faire preuve de courage pour tout recommencer, elle avait totalement baissé les bras. En récompense de ses efforts, il avait retrouvé l’amour tandis qu’elle guettait impatiemment la mort.
La politesse suppose de ne pas insulter les inconnus non? Et que l'on s'excuse lorsqu’on bouscule les gens. Je vous ai vue hier soir donner un violent coup d’épaule à cette pauvre touriste qui a eu le malheur de se trouver sur votre chemin. Pas très joli.