Dans ce conte sous forme de parabole, un homme quitte tout pour suivre l'injonction d'un personnage mystérieux à peine entrevu.
C'est le cauchemar de tout écrivain : mourir sans avoir pu achever le livre qu'il a sur le métier.
«
le Pèlerin », c'est le cauchemar personnel de
Fernando Pessoa. Une oeuvre inachevée, à laquelle les éditeurs/héritiers spirituels ont tenté de donner la vie, une sorte de créature de Frankenstein de mots et de papiers ramenée à la vie.
La première partie du texte est terminée, si tant est qu'un livre soit jamais terminé (un écrivain ne termine jamais un livre, il cesse seulement de chercher à l'améliorer). On y suit les réflexions et les états d'âme du héros, jusqu'au moment où il décide de partir sur la route, sans but, si ce n'est celui de répondre à l'injonction de ce mystérieux « Homme en noir ».
On y trouve toute la puissance d'écriture de
Pessoa. C'est conforme à ce que l'on écrivait il y a plus d'un siècle : beaucoup de réflexions, d'idées, d'introspections, de philosophie. Les écrivains étaient alors de vrais « intellectuels », mais il faut reconnaître qu'aujourd'hui cela peut paraître bavard, grandiloquent, surjoué, en tout cas pour le grand public (dont je fais partie).
La partie suivante, plus courte, semble elle aussi terminée, mais elle n'est pas reliée à la première. Deux îles de littérature séparées par un vide, entre lesquelles l'auteur n'a pas eu le temps de construire ses ponts.
Et en fin de l'ouvrage se trouvent les notes de l'auteur. C'est le synopsis de l'histoire qu'il avait prévue, avec des termes beaucoup plus simples que ceux qu'il utilise dans son écriture à destination des lecteurs. Un texte qu'il n'a rédigé que pour lui-même, sans fioritures, et en tant que padawan écrivain j'ai apprécié de pouvoir pénétrer ainsi dans l'intimité du travail d'auteur, d'entrevoir les fils de sa création avant qu'il ne les efface, son oeuvre terminée.
Au final, c'est un ouvrage que je ne conseillerais peut-être pas aux « simples » lecteurs d'avant le coucher du soir.
Mais aux curieux, aux amoureux de la chose littéraire, oui, sans hésiter.