C'est un coin de campagne reculé, un massif, qui a connu dix Fukushima. Irradié, contaminé, condamné ; une zone morte. Pourtant, ils sont quelques-uns à vivre toujours là. Certains pour l'argent, dédommagés par le gouvernement pour occuper le terrain ; d'autres, comme Fred et Sarah, pour honorer le souvenir de disparus. Vic, leur fille emportée par la maladie, repose dans le cimetière du village.
Ils sont un petit groupe, réduit à sa plus simple expression. En dehors de Fred et Sarah, il y a là un second couple, Lorna et Marc, et enfin Alessandro. Leurs seuls voisins sont à une quinzaine de kilomètres : un groupe de petits vieux qui eux non plus n'ont pas voulu quitter leur région, leur histoire. Ils seront rejoints bientôt par une famille d'Ouzbeks délogés de leur refuge par les intempéries, ouvriers survivants des travaux de déblaiement de la centrale endommagée.
Les besoins ont été réduits à l'essentiel. On récupère l'eau de pluie, on cultive le minimum sur les parcelles les plus épargnées par la radiation, on élève quelques poules recluses dans des poulaillers protégés.
Les autorités ont bien tenté de les déloger, par la persuasion d'abord, par la force ensuite, mais ils ont tenu bon, porté par la détermination de Sarah qui refusait d'abandonner sa fille. Alors la zone contaminée a été clôturée, électrifiée ; suffisamment étendue pour leur laisser de quoi vivre en « pillant » les réserves laissées sur place lors de la fuite.
Leur perspective, c'est trois ans. Elle n'est pas clairement exprimée, juste acceptée. Une vie en combinaison protectrice à l'extérieur, une vie entourée d'amis à l'intérieur. Dehors, tout paraît « normal », le mal est invisible, pernicieux, caché, à l'affût. La nature a repris ses droits, luxuriante. Il leur faut cependant garder constamment à l'esprit qu'elle reste mortelle.
Et puis il y a cette question qui revient sans cesse : pourquoi rester ?
C'est un court récit que propose
Laurent Petitmangin, une histoire qui va à l'essentiel, dans une situation dystopique pas vraiment localisée, ni dans l'espace ni dans le temps, qui s'apparente à un grave accident nucléaire. Pour autant, pas d'intrigue post-apocalyptique, ce qui intéresse l'auteur ce sont les humains, leurs failles, leurs espoirs, leur essence.
En s'attachant alternativement aux différents membres de ce quintet plongé dans cette atmosphère de fin du monde, il écrit une partition aux accents humanistes.
Chacun à sa manière s'interroge. Vaut-il mieux vivre « libre » dans un monde qui pourrit sur pied, ou entravé dans une société trop policée ? Il est aussi question de l'attachement à la terre, aux racines, de l'amitié qui remonte à l'enfance, et face à ces points d'interrogation, les hommes n'ont pas toujours les mêmes réponses que les femmes.
Un événement (heureusement que je ne lis jamais les quatrièmes de couverture) viendra bouleverser le fragile équilibre de cette mini communauté et faire exploser les certitudes « recomposées ».
Laurent Petitmangin pousse ses personnages dans leurs derniers retranchements. C'est une aventure à la fois belle et triste. En précipitant leur « fin », il offre à ses protagonistes une parenthèse « (dés)enchantée » sur fond de compteur Geiger, comme un retour à l'essentiel des relations humaines, avant de fondre leur espoir dans le drame et le renoncement, puis de conclure sur un final déchirant.
Un roman pas drôle du tout…
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