Cela fait de longs mois que j'entends parler de
Pierre Pevel, auteur français de fantasy, mais jusqu'ici je n'avais encore rien lu de lui malgré les avis élogieux trouvés sur la blogosphère. Et c'est une lecture commune organisée par ma partenaire de Destockage de PAL en duo, Cassie, qui m'a poussée à franchir le pas. Je la remercie d'ailleurs d'avoir choisi ce livre car ce fut une délicieuse découverte et je l'ai dévoré avec beaucoup de gourmandise.
Le prologue nous présente Lorn Askariàn, chevalier appartenant à la Garde royale et promis à un prestigieux avenir. Malgré ses origines de petite noblesse, il est fiancé à Alissia de Laurens, la soeur d'Elenzio dont le père n'est rien moins que le parrain d'Alderán, le deuxième fils du Haut-Roi. Il a grandi en compagnie d'Elenzio (Enzio) et Alderán (Alan) qui sont devenus de véritables amis. D'ailleurs, le prologue sert à montrer les liens profonds qui les unissent quand Lorn sauve d'une mort dégradante le prince.
Trois ans plus tard, la situation du jeune chevalier est devenue désespérée. Accusé à tort de trahison, il a été enfermé, après un procès à huit-clos, dans l'inexpugnable forteresse de Dalroth qu'un mal étrange ronge sous la forme de l'Obscure, en brisant la volonté des prisonniers et en altérant leur santé mentale.
Gracié tout aussi mystérieusement qu'il a été condamné (en tout cas, à ce stade du récit), Lorn est arraché à sa prison par le prince Alan puis conduit à la Citadelle, forteresse reculée où se terre le Haut-Roi. Celui-ci, affaibli par la maladie, lui confie la mission de reformer la Garde d'Onyx, créée et dissolue par Erklant Ier, le premier roi de la dynastie, et lui confère le titre prestigieux de Premier Chevalier du Royaume, qui est le représentant direct du Roi, et a préséance sur tous, y compris la reine et ses conseillers...
Or, Lorn, que son séjour à Dalroth a profondément métamorphosé, aussi bien physiquement que moralement, est victime de crises violentes provoquées par l'Obscure, ainsi que d'une traque incessante dont on ne sait si elle vise à l'éliminer, à le neutraliser ou à le convertir à la cause du commanditaire...
Au début, l'intrigue semble assez simple : un homme, injustement accusé, est réhabilité après 3 années de détention éprouvante et désire faire la lumière sur ce qui s'est réellement passé pour se venger des coupables. Puis, au fur et à mesure que l'on avance dans notre lecture, certaines de nos certitudes vacillent. Et si l'auteur nous manipulait ?
Car nous avons affaire à un véritable imbroglio politique où plusieurs factions, dont il est difficile de démêler les véritables motivations, oeuvrent dans l'ombre pour s'accaparer le pouvoir ou restituer sa grandeur au Haut-Royaume :
♦ la reine Célyane et son premier ministre Estévéris
♦ le duc de Feln
♦ l'Assemblée des Ir'kans, gardiens de la volonté du Destin
♦ Serk'Arn, le Dragon de la Destruction, dieu asservi par un sortilège, désirant conclure un pacte avec l'un des protagonistes
♦ les opposants à la cession d'Angborn
Car tout tourne autour des négociations devant céder cette région, durement conquise par l'actuel Roi pour protéger les frontières du Haut-Royaume, à l'Yrgaärd, l'ennemi héréditaire qui voue un culte au Grand Dragon Noir.
Ce sont ces négociations, antérieures de quelques années aux événements présents, qui ont précipité la chute de Lorn.
Dans la quatrième partie, les révélations et les coups de théâtre s'enchaînent jusqu'au cliffhanger final, laissant comprendre au lecteur combien les apparences peuvent se révéler trompeuses...
L'auteur a construit un univers riche et complexe aussi bien au niveau du bestiaire (nous rencontrons des vyvernes, montures ailées dont a besoin un des comploteurs de l'histoire pour s'opposer aux Dragons noirs et fomenter sa révolte, les dracs blancs, êtres reptiliens servant d'émissaires aux Ir'kans, les enfants du Dragon noir dont la description est fascinante) que de la religion, qui conserve une bonne part de mystères.
Concernant les personnages, ceux-ci abondent, si bien que parfois l'on se perd un peu parmi tous ces noms, mais certains sortent du lot et se révèlent attachants ou intrigants : Reik Vahrd , le loyal forgeron et sa fille Naé, une rebelle idéaliste, Cael Dorsiàn, un opposant à la cession d'Angborn et un rival de Lorn, le Prince Yrdel, fils aîné du roi né d'un premier lit et premier dans l'ordre de succession, mais effacé et menacé par des manigances de cour, Eylinn de Feln, l'énigmatique amie intime d'Alyssia, Daril, le jeune écuyer futé et maladroit, et bien sûr le Prince Alan, jeune homme fragile et vulnérable.
Personnellement, j'ai beaucoup aimé Lorn Askariàn, la manière dont sont décrites l'altération de son caractère et les séquelles laissées par l'Obscure. Profondément métamorphosé, il est devenu un être cynique, froid, impitoyable et manipulateur, dont on ne sait trop quels intérêts il sert ni quel but il poursuit. C'est cet aspect ambivalent et énigmatique qui le rend aussi intéressant, d'autant que ses véritables origines sont entourées de secrets et que certains aveux sur lui le rendent inquiétant.
Pour conclure une intrigue haletante, où l'auteur fait savamment monter la tension en ne nous livrant que parcimonieusement certaines clés de l'intrigue. Trahisons, complots, faux-semblants s'entremêlent, faisant se perdre le lecteur en conjectures au gré des révélations toujours plus surprenantes. D'autant que la manière dont Lorn vainc le prince-dragon ne laisse rien présager de bon pour la suite...
Seul bémol : l'absence d'une carte pour visualiser les différents royaumes !
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