Weegee a inventé ou réinventé – superbement – une esthétique de la vitesse. Une esthétique Black and White. Avec Weegee, je vérifie une fois de plus une de mes plus intenses convictions en ce qui concerne la photographie : le noir et blanc révèle la vérité ; la couleur agresse, masque cette vérité. L’angle de vue, il faut le trouver tout de suite. Je songe à une photo de Weegee que je n’ai pas présentement sous les yeux. Plusieurs femmes, manifestement de type sicilien, se tordent les mains, se déchirent le visage, le regard exorbité. Que peut-il donc se passer ? Il se passe que les familles de ces femmes sont en train de brûler vives dans la maison d’en face en proie à un incendie féroce. Weegee ignore délibérément la baraque en feu. Il cadre ces trois ou quatre figures de la désolation. Il nous force à décrypter le spectacle de la Douleur humaine. Il fait, certes, un scoop, mais il fait absolument autre chose. Une image à jamais immortelle de visages ravagés par l’intolérable. Il ne cherche pas à frapper sous la ceinture. Simplement il dit « C’est ça aussi la vie ».
(extrait de la préface signée André Laude)