Portraits sentimentaux

A travers cette galerie de portraits, Claire nous autorise à entrer dans son intimité, celle de sa famille, de la maternité, de l'amitié, du quotidien.
Bébés endormis, adolescents boudeurs, fillettes absorbées dans leur jeu, jeunes femmes au regard sans détour, vieilles dames pleines de vigueur.
Peu de sourires, des visages graves ou concentrés, des yeux baissés ou qui regardent ailleurs. Quelques ébauches de caricature, dont une d'elle-même en dessinatrice revêche et mal fagotée, assise entre son chevalet et un buste de Tintin!
Nous ne savons pas qui sont Paul, Marguerite ou Yvonne. Mais nous les connaissons, nous les avons rencontrés sur ces pages, nous avons reconnu leurs sentiments, deviné leur personnalité, leurs histoires.
N'est-ce pas cela qui compte, quand on fait un portrait? C'est qu'il nous parle de son modèle, et un peu, aussi, de celui qui l'a fait.

Depuis l'enfance, Claire dessine. Chez elle, enfant silencieuse ("Heureusement, il y avait l'école et les copines...") elle lit, écrit et dessine: elle dessine les gens de son entourage, aux crayons de couleur, mais aussi elle invente des bandes dessinées - sur le modèle de ce qu'elle voit dans Coeur Vaillant, Lisette, La semaine de Suzette, Les Pieds Nickelés - dont elle écrit les textes et fait les dessins au crayon à mine de plomb. Vers douze ans, la découverte de l'encre de Chine, puis des encres de couleur "lui sauve la vie: à l'encre, ça ressemble aux journaux".
Elle n'envisage pas d'autre métier que celui de dessinatrice, et continue son "double travail": d'un côté les portraits des proches, le dessin illusionniste; de l'autre, le dessin narratif, les BD. A l'adolescence, tout est déjà en place pour les deux scènes, mais, l'une et l'autre, alors, sont privées...

Tous les portraits, sauf les trois autoportraits peints devant un miroir, ont été réalisés d'après une photographie, prise par Claire Bretécher elle-même. Pourquoi peindre d'après des photos plutôt que de les agrandir pour les poser sur les murs? "Pour la ressemblance, tiens!"
Pour pallier le manque de vérité de l'image photographique et la charger du supplément de réalité que détiennent la main du peintre et les couleurs qu'elle pose.