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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Premier roman de Paola Pigani, lu après le deuxième, Venus d'ailleurs. le thème est proche : s'immiscer au coeur d'une population sinistrée. Si Venus d'ailleurs s'attachait à l'itinérance de ceux qui fuient une guerre, une oppression, et la menace permanente, N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures aborde en contraste la mise en captivité d'un peuple essentiellement nomade. La guerre est encore ici le prétexte à contrôler les gitans.

« En période de guerre, la circulation des nomades, individus errant généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective, constitue, pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté"

Eux qui avaient déjà payer leur tribu à la France lors de la Grande Boucherie de 14-18, sans pour autant recevoir l'inutile honneur de figurer sur les monuments de gloire posthume, se retrouveront séquestrés en zone occupée dans des camps qui n'ont rien à envier aux sinistres établissements polonais ou allemands.

C'est à travers Alba, une toute jeune fille qui découvre les émois de l'adolescence, que l'auteur nous fera vivre le quotidien misérable du groupe, grossi peu à peu des nouveau-nés ou d'arrivants arbitrairement désignés.

Toute la vie dans ce camp est synonyme de perte : de l'identité, de la liberté, de l'envie de vivre même pour certains. L'évasion est illusoire, à l'extérieur , il ne suffit pas d'échapper à la vigilance des Schmits, la horde des bien-pensants est là pour signaler les errances et envoyer à l'abris des regards les différences qui incommodent.

Superbement écrit, le récit ne peut que nous séduire et nous rallier à la cause de cette minorité, malmenée dès que les désordres de la vie sociale réclament un bouc émissaire.

Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le 6 avril 1940 le gouvernement décrète :
"La circulation des nomades est interdite sur la totalité du territoire.
Les nomades, c'est-à-dire toutes personnes réputées telles dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi du 16 juillet 19121, sont astreints à se présenter sous les quinze jours qui suivent la publication du présent décret, à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police le plus voisin du lieu où ils se trouvent. Il leur sera enjoint de se rendre dans une localité où ils seront tenus à résider sous surveillance de la police. Cette localité sera fixée pour chaque département par arrêté du Préfet".
Le rapport relatif à ce décret précisait :
"En période de guerre, la circulation des nomades, individus errant généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective, constitue, pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté".


Pour Alba, qui a alors quatorze ans, et ses parents, Louis et Maria, ce sera le camp des Alliers, situé sur la commune de Sillac, près d'Angoulême, qu'ils atteindront après une longue marche, dans le froid et sous la pluie, encadrés par les « schmits » (= gendarmes)
« C'est une horde de noyés qui franchit le portail du camp des Alliers ce jour de novembre 1940 »

Ils ont toujours vécu sous le vent, dans la crainte des murs, ils sont trop vivants pour les faiseurs de loi qui aiment que tout soit encadré même le rire des enfants.

Tout ce qui fait leur vie va s'éteindre comme la flamme de leurs feux.
Avec leur arrivée dans ce camp d'internement où on les parque, tout ce qui faisait leur joie, leur grâce et la légèreté de leur pas va s'étioler : « le seul savoir qui vaille chez les siens : avancer dans une vie où rien ne se perd, où tout est donné dans l'instant. »
Ce camp, en bordure de la ligne de chemin de fer Paris Bordeaux, va être le lieu sordide d'une succession de pertes : l'odeur du feu de bois qui imprégnait les vêtements, celle du lièvre grillé, de la lessive en plein air, 
perte du compagnon de voyage, l'animal le plus important pour leur survie, le cheval qui finit par mourir faute d'une nourriture appropriée
«  Les chevaux sont leurs ailes, leur puissance, leur signe extérieur de richesse. Ils sentent l'orage, les drames, imposent le respect aux gadjé, emportent des familles entières où bon leur semble. C'est à cheval qu'on s'enfuit, qu'on enlève les fiancées, qu'on traverse les forêts, les contrées inconnues, qu'on franchit les regards hostiles. » p 56

Perte du goût de faire vibrer les cordes du violon
p 88 le violon qui accompagne les fêtes et les deuils n'a plus que trois cordes et ils n'ont plus le goût d'en jouer.

Alba va devenir femme dans ce camp (p 75 « Alba est devenue une jeune fille grave, poussée par son propre sang et par l'absurdité de la guerre. »)
C'est par ses yeux que nous traversons le quotidien de la vie, les joies, les peines, les humiliations de ces années.

Parmi les joies celle, par exemple, d'entendre arriver et voir la migration des grues cendrées : « Un doux vacarme fait lever tous les yeux en même temps que les siens. Un voile sonore qui enfle au-dessus de leurs têtes, au-dessus des barbelés. Il les oblige à se souvenir qu'un grand territoire leur appartient encore, une zone libre céleste. C'est le passage des grues cendrées, là-haut. Des centaines d'ailes bruyantes, un immense V comme un accroc dans le bleu du ciel. p 54

Mais aussi la grande tristesse devant la dégradation des liens de la tribu : « Des règlements de compte agitent de nombreuses familles ici. La faim , le froid attisent des haines surgies de choses minuscules. » p 86 « …des mensonges des envies y faisandent » 
« Louis n'aime pas la tournure que prennent les choses, l'ennui qui éteint les regards et les voix, les jalousies nouvelles qui brisent les liens et cette peur toujours latente qui ruine l'espoir. »

Paola Pigani a réinventé la vie d'Alexienne (Alba dans le livre) qu'elle a rencontré alors qu'elle avait 80 ans. Elle nous dit qu'elle a « écrit sur des silences, sur un lieu qui n'existe plus. » Merci à elle pour avoir su ranimer la mémoire et redonner vie, à travers la voix de Alba-Alexienne, dans une belle langue pleine de poésie, à tous ceux qui y ont souffert et pour certains qui y ont laissé leur vie.
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Je ne sais pas si vous connaissez le décret du 6 Avril 1940 qui édictait la norme suivante: "en période de guerre, la circulation des nomades, des individus errant généralement sans domicile fixe, ni patrie, ni profession effective, constitue pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté. »

Suite à cette disposition, environ 350 Tsiganes de Charente et de Charente-Maritime furent internés en octobre 1940 au camp des Alliers sous l'autorité du préfet et de la Kommandantur d'Angoulême alors en zone occupée. Les familles ont vécu là six années dans des conditions déplorables.

Paola Pigani a recueilli les souvenirs d'une grand-mère Manouche qui a passé toute son adolescence dans ce camp d'internement, elle nous livre un beau récit poignant, véritable roman d'initiation ou Alba qui a 14 ans à son arrivée au camp le quittera six année plus tard jeune mère de famille. Entre temps elle aura tout vécu, le froid, la faim, l'humiliation ,le deuil mais aussi la solidarité, l'amitié et l'amour.

D'une écriture sensible et poétique, l'auteur sait donner vie et chair à toute cette communauté et longtemps après les personnages nous poursuivent. Voici une fort belle oeuvre littéraire mais aussi un vrai récit humaniste qui donne la parole à ceux qui ne l'ont pas. Une très belle découverte de cette rentrée et une nouvelle plume, celle de Paola Pigani, qui écrivait jusqu'alors des nouvelles et des poèmes, à suivre désormais avec la plus grande attention!!.
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Beaucoup de poésie et de sensibilité pour ce beau roman qui évoque l'internement des gens du voyage dans des camps pendant la 2e guerre mondiale.
En se basant sur les souvenirs d'une vieille tsigane, l'auteure raconte l'adolescence d'Alba, jeune fille de 14 ans enfermée avec sa famille dans un camp de Charente : six longues années à souffrir de la faim, du froid et de la vermine, six longues années privée de mouvement, de plein air, de feux de bois et de nuits à la belle étoile, à s'interroger sur les raisons de cet internement… Une belle réflexion sur la liberté porté par un texte extrêmement poétique. Merci Babélio et Liana Lévi !
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D'abord, il y a ce titre magnifique porteur de poésie qui fait référence à un proverbe tsigane : "on n'entre pas impunément chez les Manouches, ni dans leur présent, ni dans leur mémoire". Et cette couverture qui représente seule cette grande route de la roulotte des gens du voyage enlevée de son essieu comme la fin d'un voyage, l'opposé de la liberté et donc du mode de vie de cette communauté. le 6 avril 1940, ce décret : "en période de guerre, la circulation des nomades, des individus errant généralement sans domicile fixe, ni patrie, ni profession effective, constitue pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté " fut un tournant dans la vie des gens du voyages en France. Car oui, c'est bien dans notre pays que ce déroule ce roman inspiré d'une histoire vraie. Premier choc qui fait douloureusement mal et honte. Trois-cent-cinquante tsiganes de Charente-Maritime furent conduits sous escorte policière dans le camp des Alliers sur ordre de Préfet de la Kommandantur d'Angoulême. Deuxième choc car le mot « camp » associé la Seconde Guerre Mondiale évoque généralement et principalement l'Allemagne et non la France.

Paola Pigani nous raconte à travers l'histoire d'Alba tout juste âgée de quatorze ans à son arrivée avec sa famille au camp les souvenirs d'Adrienne une grand-mère tsigane de quatre-vingt-sept ans. Six années dans ce camp cloîtrés sans aucune liberté, la promiscuité dans des hangars, la faim et le mort à petit feu des espoirs. "Les objectifs secondaires de l'internement sont de leur apprendre à vivre comme tout le monde, d'abandonner leurs rites, leurs vices, d'adopter des règles d'hygiène, d'éduquer les enfants, de les faire travailler afin qu'ils soient pas à la charge de l'état" : sous-entendu supprimer leur mode de vie, leurs traditions pour en en faire des sédentaires. Il y a les humiliations et ce dont on les prive. Eux qui étaient habitués à travailler pour subvenir à leurs besoins et à sillonner librement les routes n'ont plus aucun droit. Les hommes ne savent que faire de leurs mains, la gaieté s'éteint dans les yeux de tous. Et l'interdiction de dormir dans la roulotte bien plus qu'un moyen de transport , elle est leur habitat, le foyer où se retrouve toute la famille : "Ainsi cachées, immobiles, les roulottes n'existent plus aux yeux de la population locale. Les autorités se gaussent déjà de la réussite de leur entreprise : donner à ceux-là le goût de prendre racine, d'être comme tours citoyens français. "
La mère d'Alba dépérit, son père privé de son cheval est devenu est un homme terne. La faim, les hivers rudes, la saleté les usent tous. Bien sûr, la révolte et l'incompréhension les habitent mais ils n'ont aucun moyen de se faire entendre. La solidarité et l'entraide, piliers de la communauté, sont mises à mal "Là où auparavant on donnait sa part toujours au plus pauvre, on ne voit plus l'autre pareil". Durant ces six années, Alba deviendra femme puis mère en devant supporter la souffrance, les paroles qui blessent mais heureusement, il y a de une vraie humanité encore présente chez quelque personnes.

Avec sensibilité, poésie et pudeur, Paolo Pigani nous offre un roman bouleversant, touchant, digne et sans pathos. J'ai été fracassée par cette histoire et gagnée par la honte. Car cette communauté qui a souffert dans sa chair et son esprit par le passé est souvent pointée du doigt, accusée à tort et à travers. Il n'y a qu'à regarder ces terrains à la périphérie des ville où ils se retrouvent rassemblés (pour ne pas utiliser un autre mot) et de tendre l'oreille pour écouter ce qui est prononcé à leur égard. Une lecture uppercut qui fait mal, qui nous ouvre les yeux sur un pan de l'Histoire peu connue mais un roman nécessaire qui montre ô combien la différence dérange.

la suite sur :
http://fibromaman.blogspot.fr/2014/03/paola-pigani-nentre-pas-dans-mon-ame.html
Lien : http://fibromaman.blogspot.f..
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Quelle belle écriture pour nous emmener sans nos chaussures dans cette histoire en forme de devoir de mémoire.

Merci à l'auteure d'avoir ainsi mis en lumière l'internement des manouches lors de la seconde guerre mondiale. Ces personnages sont si forts et si faibles à la fois, traités comme des moins que rien et privés de tout...J'ai honte de ce que l'homme est capable de faire à ses semblables...

Et dire que l'histoire ne fait que se répéter...aujourd'hui ce sont les réfugiés qui se retrouvent ainsi...

Un livre à lire pour la beauté de son écriture, pour le devoir de mémoire, pour ne pas oublier.
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La Kommandantur l'avait demandé : plus aucun nomade sur les routes...verboten ! Kontrol Bitte !!...
Alors du préfet au simple gendarme,tout le monde a obéi...La grande Histoire de la France, est parfois, voire souvent, faite de turpitudes des hommes au pouvoir. L'histoire de la Seconde Guerre Mondiale, de la collaboration, nous le confirme.
Une bassesse de plus de ce régime nous est dévoilée avec ce roman de Paola Pigani.
On est bien loin, avec de nouveau titre, de la poésie "Des orties et des hommes", roman qui m'avait permis de faire connaissance avec l'auteure.
Mais là encore j'ai pu apprécier le réalisme de cette auteure.
Pétain et son régime ont donc fait enfermer dans des camps, ces amoureux de la liberté, que sont les gitans, les manouches, les romanichels...Oui ces voleurs de poules, ces gens sales et ignares, sans domiciles fixes, à leurs yeux, étaient dangereux et devaient de ce fait être écartés, regroupés et mis à la disposition des autorités allemandes, qui pouvaient à discrétion puiser dans cette main d'oeuvre disponible pour son Service du Travail Obligatoire : le sinistre STO
"En période de guerre, la circulation des nomades, individus errant généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective, constitue, pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté", disait le décret du 6 Avril 1940 qui leur imposait de se rendre dans les commissariats ou gendarmeries .
Il fallait à tout prix casser ces voleurs de poules vivant dans des roulottes, casser ce qui faisait leur personnalité, leur amour de la liberté. Alors on les a regroupés dans les baraques ouvertes aux quatre vents en supportant la proximité d'autres familles, eux qui aimaient leur espace clos, mais petit qu'étaient leur roulotte. On les a dépossédés de leurs papiers d'identité, de leurs roulottes et de leurs chevaux, on leur a fait bouffer des soupes infâmes...Il fallait à tout prix leur faire perdre ce qui faisait leur vie, leur culture, leur âme. Casser l'unité et la force du groupe!
Là dans ces camps, dont personne ne parle, dans le camp des Alliers proche d'Angoulême, dans cette Charente qu'affectionne Paola Pigani, dans cette honte, ces amoureux de la liberté sans patrie pour le législateur eurent faim, eurent froid, ont vécu dans la crasse, la promiscuité. Leurs chevaux qui broutaient à l'extérieur eurent faim, leurs dépouilles furent emportées par l'équarrisseur, les roulottes servirent pour faire du feu ou pourrirent.
Les femmes vendirent quelques paniers d'osier afin d'améliorer l'ordinaire, et les hommes furent recrutés par la Kommandantur pour effectuer des travaux pénibles payés au lance-pierre.
C'est Alba, adolescente de 14 ans qui nous conte cette histoire. Elle vivra six ans dans ces sinistres baraquements, bien au delà de la fin de la guerre, bien au delà du départ des armées allemandes...le Gouvernement de la Libération avait sans doute d'autres chats à fouetter....la libération n'avait pas la même valeur selon les origines...Sinistre réalité.
Dans ce camp, ils s'aimèrent malgré tout et surtout purent survivre grâce à la solidarité du groupe.
Et quand il fallut repartir sur les routes, leur âme connaissait le chemin de leur liberté, leur débrouillardise sut reconstruire des roulottes.
Afin d'écrire ce roman, Paola Pigani rencontra la vieille femme qui lui inspira le personnage d'Alba, qui lui conta ce passé trouble et méconnu. Cette souffrance jamais oubliée.
Merci pour cette découverte d'une partie de notre Histoire oubliée...par honte sans doute
Lien : https://mesbelleslectures.co..
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Attirée (trop) plus jeune par les récits sur la seconde guerre mondiale et sur les camps, mes lectures s'étaient éloignées de ce sujet. J'étais un peu sur la réserve en entamant le récit d'Alba, jeune bohémienne sous l'occupation allemande.

Surprise: loin des clichés, des a priori et des "déjà lu", j'ai enlevé mes chaussures et suis entrée dans l'intimité feutrée et aimante de ces nomades tout autant méconnus que non reconnus.

Un peuple riche de liberté simple, abandonné sur la route (c'est un comble!) de la reconstruction d'après guerre, auquel on a tout pris et rien redonné, bien qu'il ait eu son lot de misères, comme tout le monde à l'époque.

Je ne saurais démêler le vécu de la fiction et peu importe. Paola Pigani a habilement retranscris les propos recueillis et me faire entrevoir un pan de l'histoire régionale et européenne peu abordée dans les livres d'Histoire.

A lire au coin du feu, enveloppé dans une couverture, avec la bande originale de Gadjo Dilo en fond musical.
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L'histoire dans l'Histoire. L'histoire des Manouches au travers une famille qui vivait dans les Charentes avant la dernière guerre. Depuis leur incarcération due aux lois de Vichy à leur libération en 1949 ! C'est par Alba l'héroïne que nous suivons le fil et découvrons cette communauté, leurs vie, leurs habitude, leur formidable appétit de Vie. Et aussi l'horreur d'avoir enfermé ces fils du vent dans cette cage malpropre et malodorante. On y croise aussi la résistance, bien sûr, et surtout des Hommes et des Femmes dont le mode de vie est brisé, puis, peu à peu délité dans ce qu'il est convenu d'appeler le progrès.

Style : Paola Pigani a une très belle écriture, sensible, riche. Elle a écrit et publié des poèmes, cela se sent. Et il le fallait pour parler de ces êtres riches et forts mais sensibles comme la feuille au vent.

C'est un très beau roman, un écrit pour une société sans écrit, sans archive, qui passe à côté de nous légers malgré le poids de nos légendes et de nos peurs, pour un peuple qui perd peu à peu ses racines qui étaient de vent et d'insouciance.
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En France, au printemps 1940, l'avenir est sombre pour les tsiganes, dont les déplacements sont entravés depuis le début de la guerre. La jeune Alba et sa famille continuent tant bien que mal à vivre selon leurs coutumes. Finalement, sur demande des Allemands, Alba et son clan sont conduits dans un camp non loin d'Angoulême. Ils y resteront six ans, libérés seulement en 1946. Six ans prisonniers de murs, s'efforçant tant bien que mal de préserver leur âme, leur liberté d'esprit et de prendre soin les uns des autres. Entre temps, Alba sera devenue femme.

« N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures » est une maxime tsigane qui signifie que l'on n'entre pas facilement ni impunément dans l'intimité de ce peuple. Et en effet, c'est avec une grande délicatesse que l'auteure lève le voile sur cette famille tsigane, nous fait entrer dans son intimité et nous fait partager un peu de sa philosophie de vie. Il en ressort un grand désir de liberté, un amour de la nature, et une fierté que l'enfermement et les privations n'auront pas réussi à entamer. Les personnages ont souffert, leurs chants se sont tus, mais ils sont restés droits et n'ont jamais dérogé à leurs valeurs.

Historiquement, ce roman est également intéressant, l'auteure ayant recueilli des témoignages de tsiganes. En effet, je n'avais que très peu entendu parler de l'enfermement de ce peuple avant d'avoir lu ce roman. L'auteure nous montre l'enfermement, les hommes qui partent à la journée pour un dur labeur, les femmes qui restent confinées, la nourriture extrêmement rationnée, les maladies qui emportent les plus faibles. Malgré cela la vie continue, portée par les femmes. La trajectoire personnelle d'Alba, que nous suivons tout au long de ce roman, en est révélatrice. Les tsiganes d'Angoulême ne seront libérés qu'en 1946 et en garderont une grande méfiance vis-à-vis des autorités.

Les personnages de ce roman sont insaisissables mais attachants. J'ai l'impression de ne pas vraiment connaître Alba, même si on passe beaucoup de temps en sa compagnie. Elle symbolise la vie et l'espoir. J'ai été touchée par la relation qu'elle entretient avec sa maman, Maria, qui est aveugle. Son père, Louis, est très digne même s'il est dépassé par les évènements. Enfin, j'ai été émue par le petit René, un enfant qui n'a pas toute sa tête.

L'écriture de Paola Pigani, qui a publié des recueils de poésie, est très délicate, joliment ciselée. J'ai beaucoup apprécié cette expérience de lecture. Elle raconte des évènements sombres avec de belles phrases et beaucoup de pudeur, sans misérabilisme. En équilibriste, elle donne vie sur le papier à cette âme tsigane, un peuple auquel elle n'appartient pourtant pas.

Ainsi, ce premier roman de Paola Pigani est un essai réussi. Avec finesse et pudeur, elle nous fait entrer dans ces années sombres vécues par les tsiganes, et un peu dans leur âme également. le tout étant servi par une belle plume, que je vous conseille de découvrir.
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